L'une des dernières anomalies du sport business aux États-Unis vient de sauter : la NBA a annoncé la semaine dernière, par la voix de son "commissioner" David Silver, que les trente équipes de la Ligue pourraient porter un sponsor sur leur maillot à partir de la saison 2017-18. Jusqu'ici, les franchises des grandes ligues américaines (basket, football américain, baseball, hockey) n'offraient aucun espace à la publicité sur les maillots, appelés le plus souvent "uniformes".
"L'arrivée du sponsoring sur les maillots NBA, ça correspond à un 'big bang', une révolution culturelle", considère Vincent Chaudel, spécialiste de l'économie du sport au cabinet Kurt Salmon. "Les sponsors ne pouvaient pas être sur les maillots et se battaient pour être autour des stades, autour des terrains ou dans le nom des Arenas. L'absence de sponsor sur les maillots permettait aux fans de porter facilement les maillots des équipes, de manière décontractée. Ils n'avaient aucun problème à aller dans la rue avec, en dehors des périodes de matches."
Une nouvelle exposition via les réseaux sociaux. Alors pourquoi la NBA franchit-elle aujourd'hui le Rubicon ? Ce n'est pas, on l'a compris, un choix esthétique, mais pragmatique, pour une ligue qui, aux États-Unis, reste bien moins puissante que la MLB (baseball) et la NFL (football américain). A nouvel espace publicitaire, revenus supplémentaires. "Je crois que cette arrivée correspond à l'évolution des médias et à la mondialisation de ces sports", insiste Vincent Chaudel. "Désormais, avec les réseaux sociaux, un événement sportif peut être en contact avec des millions, voire des milliards d'individus. Cette nouvelle exposition aux sponsors offre la perspective de nouvelles recettes dans une économie où on recherche toujours plus d'argent."
Des sponsors déjà présents à l'entraînement et lors du All-Star Game. Des sponsors apparaissent déjà sur certains maillots d'entraînement et, pour la première fois cette année, les tuniques portées par les joueurs lors du All-Star Game portaient le logo du constructeur automobile Kia. Cette extension aux maillots de compétition doit être, et Adam Silver ne s'en est pas caché, une fenêtre d'entrée pour de nouvelles marques, américaines mais pas seulement. "Pour mondialiser, globaliser l'exposition des annonceurs, il n'y a rien de mieux que le maillot. Ils ont cédé à cette pratique pour mieux se vendre à l'international, car le marché domestique n'avait pas forcément ce besoin", souligne encore Adam Silver.
6,35 cm sur 6,35 cm. La NBA a conscience que cette ouverture de l'espace maillot à la publicité doit être encadrée. Les franchises ne pourront pas faire n'importe quoi, et encore moins n'importe où. Le logo d'une entreprise pourra ainsi figurer sur la manche gauche du maillot - à l'opposé du logo Nike, nouvel équipementier de la NBA à partir de 2017-18 - et ne devra pas dépasser une surface de 6,35 centimètres sur 6,35 centimètres. "L'arrivée des sponsors maillot aux Etats-Unis va se faire avec un jeu de contraintes importantes, pour conserver la dimension esthétique essentielle pour le merchandising", souligne Vincent Chaudel. Car récupérer de l'argent via un sponsor maillot, c'est bien, mais en perdre d'un autre côté en ventes de produits dérivés, ça l'est moins. La NBA l'a bien compris et c'est pour cette raison que le sponsoring maillot a été présenté comme une "expérience", d'abord limitée à trois saisons, mais aussi que les maillots "vierges", sans publicité, seront toujours vendus en boutique, aux côtés des nouveaux maillots avec le patch.
Nul doute que les autres grandes ligues vont surveiller de très près les effets de ce sponsoring sur les revenus des franchises. A priori, l'impact devrait être limité au niveau financier. Le "commissioner" de la NBA (NDLR : le patron de la NBA) a évoqué la somme de 100 millions de dollars par saison (88 millions d'euros) pour l'ensemble des 30 franchises. C'est évidemment très éloigné des autres sources de revenus : billetterie, merchandising et surtout droits TV, qui vont s'élever à 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d'euros) par an dès la saison prochaine.
L'apparition d'un sponsor maillot est donc une révolution culturelle donc, mais pas économique. Ou en tout cas, pas encore. "Ça va être une rentrée d'argent, mais ça ne va pas être une rentrée d'argent majeure pour les franchises", insiste Vincent Chaudel. "Ce sera de l'ordre du bonus au début mais ça peut prendre une importance non négligeable ensuite du budget de certaines franchises."
Comme c'est le cas pour les grands clubs de foot en Europe (Manchester United touche près de 60 millions d'euros annuels pour son partenariat maillot avec Chevrolet, un constructeur américain…), les grands marchés (New York Knicks, Los Angeles Lakers, etc.) devraient logiquement négocier les partenariats les plus lucratifs, s'ils le souhaitent. Car la NBA va en effet laisser le choix à ses ouailles de céder aux sirènes du sponsor maillot, ou non.