Mardi soir, le site de France 3 Languedoc Roussillon a annoncé qu'une dizaine de personnes au moins allaient être entendues dans les prochains jours dans le cadre d'une affaire de paris autour du match de la 24e journée de la saison 2011-12 de première division de handball entre Cesson-Sévigné et Montpellier. Une affaire embarrassante pour le quintuple champion de France, vitrine du handball français.
>>Mise à jour 12h30 : le club de Montpellier a décidé de se constituer partie civile. "Devant le grave préjudice qui lui est occasionné, ainsi qu'à l'ensemble de ses salariés, partenaires, bénévoles et supporters, le MAHB va prochainement se constituer partie civile dans le cadre de l'information ouverte ou à ouvrir" dans cette affaire, indique le club dans un communiqué.
Le match. Le samedi 12 mai 2012, Montpellier, déjà assuré de son cinquième titre de champion de France consécutif (et son dixième en onze ans), se rend dans la salle de Cesson-Sévigné, alors en lutte pour le maintien. Pour ce match sans réel enjeu pour lui, le MAHB se prive de plusieurs joueurs majeurs, blessés ou mis au repos (les frères Nikola et Luka Karabatic, Mladen Bojinovic, Samuel Honrubia et Vid Kavticnik). A l'arrivée, les joueurs de Patrice Canayer s'inclinent (31-28) pour la deuxième fois de la saison seulement, quinze jours après un premier revers à Toulouse. Cesson-Sévigné, devenu depuis Cesson-Rennes, décroche ce soir-là son maintien en D1. "Si Montpellier n'a pas joué le jeu à fond, ça ne se voit pas et moi, je me suis aperçu de rien", souligne au micro d'Europe 1 le président de Cesson, Philippe Barberet.
L'enquête préliminaire. Le mardi 15 mai 2012, soit trois jours après la rencontre, on apprend que la Française des Jeux (FDJ) a "fait un signalement" au Service central des courses et jeux (SCCJ) sur la rencontre "du fait en particulier de montants anormalement élevés par rapport à l'enjeu sportif", qui était nul pour le MAHB. A l'issue de ce signalement, une enquête préliminaire est ouverte, comme ce fut le cas également pour la rencontre de Ligue 2 Lens-Istres (1-0). Sur ce type de rencontres, relativement mineures, le montant des sommes pariées ne dépasse pas généralement les quelques milliers d'euros.
L'information judiciaire. L'affaire rebondit mardi soir lorsque le site Internet de France 3 Languedoc Roussillon annonce que plusieurs joueurs et membres de l'environnement du club de Montpellier seront entendus dans les prochains jours dans le cadre de cette affaire. Le SRPJ de Montpellier aurait découvert que des épouses ou concubines de joueurs ont parié sur le fait que le MAHB serait mené à la mi-temps dans trois bureaux de tabac, l'un dans la région parisienne, l'autre en Bretagne et le dernier à Montpellier. Dans la soirée, l'AFP a confirmé l'ouverture d'une information judiciaire et l'audition dans les prochains jours de plusieurs joueurs de l'équipe dont certains champions olympiques de Londres.
Les joueurs soupçonnés. Huit joueurs de l'équipe de Montpellier de l'époque seraient soupçonnés, dont trois champions olympiques (ils étaient quatre à Londres). Selon L'Equipe.fr, les frères Karabatic et Samuel Honrubia, transféré depuis au PSG (photo), seraient parmi ces joueurs visés. "Je viens d'avoir Nico (Karabatic) au téléphone, il n'était pas au courant", a confié à l'AFP son agent, Bhakti Ong. "Il pensait que cette histoire était terminée. Les joueurs n'ont jamais été entendus sur cette affaire et, à ce que j'en sais, personne n'a été convoqué." Or, selon l'AFP, les joueurs ont déjà été entendus au moment de l'enquête préliminaire.
Les montants. France 3 Languedoc Roussillon donne les montants des sommes jouées, des informations qui n'ont pas été confirmées de source judiciaire. Ainsi, 5.000 euros auraient été pariés sur le fait que le club serait mené à la pause, ce qui a effectivement été le cas (15-12). Au final, la chaîne régionale annonce que ces paris auraient rapporté à ses auteurs la somme totale de 200.000 euros.
Le contexte. Cette affaire de paris rebondit alors que le MAHB entame une semaine importante sur le plan sportif, avec l'entrée en lice en Ligue des champions à Flensburg, jeudi, et surtout, le choc face au PSG, dimanche après-midi, lors de la 3e journée de D1. "Certains ont, sans doute, de bonnes raisons de divulguer ce type d'information alors que des investigations sont en cours", s'étonne une source judiciaire dans le quotidien Le Parisien. Attendu comme une fête du handball, ce choc PSG-Montpellier va se disputer dans une drôle d'atmosphère.
Les risques. Concrètement, ce match à Cesson pourrait coûter le titre de champion 2012 à Montpellier et mettre en danger son avenir sportif. Mais cette polémique, qui touche le club le plus prestigieux de l'Hexagone et plusieurs champions olympiques, dont l'icône Nikola Karabatic (ici reçu à l'Elysée avec ses coéquipiers, photo), risquent d'avoir des retentissements beaucoup plus importants en termes d'image pour le handball français. Les joueurs de l'équipe de France, tout juste sacrés champions olympiques à Londres, s'étaient déjà fait remarquer en détruisant le plateau de L'Equipe TV, un comportement qui avait été très critiqué. Cette affaire de paris risque de ruiner le crédit que le handball avait acquis auprès du grand public.
Mise à jour 15h45 : La Fédération française et la Ligue nationale de handball (FFHB et LNH) ont estimé mercredi qu'il était "prématuré d'évoquer d'éventuelles suites disciplinaires". Dans un communiqué commun, les deux instances réaffirment "leur attachement indéfectible au principe fondamental de la présomption d'innocence".
La réaction du club. Le président du MAHB, Rémy Lévy, qui a reconnu avoir été entendu par la police, souhaite faire la distinction entre les joueurs éventuellement impliqués et le club. "j'ai entendu un amalgame avec l'affaire VA-OM. Cela laisse entendre que le club est à l'origine de tout ça. C'est insupportable, voire irresponsable", tonne-t-il dans les colonnes du quotidien régional Le Midi Libre. Le club tiendra une conférence de presse, mercredi, à 14h00.
>> Mise à jour 14h45 : Via un communiqué, la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, a salué la "vigilance de la Française des Jeux". "Aucun pays ni aucun sport n'est à l'abri des risques de fraude liés aux matches truqués", écrit-elle. "La France est totalement mobilisée pour lutter contre cette menace majeure, avec des systèmes d'alerte qui ont montré leur efficacité tant dans les réseaux physiques que dans les réseaux de paris en ligne."
La réaction des élus. Pour Montpellier, le MAHB est plus qu'un club de sport. Et Patrick Vignal, député de l'Hérault, ne veut pas croire à l'existence d'une tricherie. "Je connais bien ces joueurs de handball", insiste l'élu socialiste au micro d'Europe 1. "Ils sont dans les quartiers de la ville, ils font rêver nos gamins, et je ne peux pas imaginer qu'ils puissent (faire ça), pour des cacahuètes, parce que je crois que ce sont des cacahuètes, à partager, ce n'est pas possible." Joël Abati, ancien joueur du club et conseiller régional Languedoc-Roussillon, préfère attendre le résultat de l'enquête. "A partir de là, nous pourrons éventuellement prendre position, mais je crois que la présomption d'innocence s'applique à tous et qu'il faut tenir compte de cela. Mais si les cas sont avérés, c'est le handball français qui est touché."