Le PSG, mirage financier du foot français

© KENZO TRIBOUILLARD / AFP
  • Copié
Julien Froment , modifié à
BUSINESS - Avec 400 millions d’euros, le club de la capitale génère quasiment un tiers du chiffre d’affaires du foot professionnel.

"Ma petite entreprise, connaît pas la crise." Cette ritournelle bien connue des mélomanes avertis résonne comme une douce mélodie dans les oreilles du football professionnel, car ce dernier se porte bien. Du moins en apparence. La filière foot pro (clubs, sous-traitants, BTP, médias équipementiers ou paris en ligne, ndlr) a généré 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour la période 2012-2013, soit plus que l’industrie du livre, du cinéma ou encore des jeux vidéo. C'est ce qui ressort du troisième baromètre du Foot Pro UCPF - Ernst&Young. Et rien que pour le football professionnel stricto-sensu - 44 clubs de Ligue 1, Ligue 2 et National -, c’est 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Mais un résultat en trompe l’œil, gonflé par le Paris Saint-Germain.

Paris, c’est 27% du chiffre d’affaires des clubs pro. Le club de la capitale, depuis son rachat en 2011 par Qatar Sports Investments (QSI), est devenu LA locomotive en Hexagone. Grâce à des moyens illimités, le PSG s’est hissé – et à hissé la Ligue 1 - à  la hauteur des grands clubs européens d’un point de vue financier. Et son poids dans l’économie du football français est immense.

"Sans le PSG, le chiffre d’affaires du football français aurait connu une diminution de 4%", détaille au micro Europe 1 Marc Lhermitte, du cabinet Ernst & Young et auteur du 3e baromètre Foot Pro. "Avec lui, c’est une croissance de 20% par rapport au dernier rapport." Au total, les 400 millions d’euros du PSG représentent 27% du chiffre d’affaires des clubs professionnels.

"C’est l’exception qui à la fois booste et cache la réalité des choses", note Jean-Pierre Louvel, président de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF). "L’économie des clubs est en très mauvaise situation. Chiffres à l’appui puisque cela fait 4 à 5 années de suite que le foot français est en déficit", ajoutant : "Oui, c'est une réalité, beaucoup d'argent circule dans le football, mais le football français est le dernier de la classe."

La "décompétitivité" du foot français pointée du doigt. Le baromètre est formel : le foot français connaît une "décompétitivité" par rapport à ses concurrents européens. Ce néologisme s’incarne dans plusieurs maux latents et inhérents à la France. Premier cité, les charges fiscales. Le football professionnel paie 1,5 milliard d’euros de charges sociales. Pour 2 euros de chiffres d’affaires, il y a un euro de contribution fiscale et sociale. "A salaire équivalent, cela coûte deux fois moins cher à un club anglais, espagnol ou italien qu’à un club français", note Marc Lhermitte. "Et on ne parle même pas de l’Allemagne où les charges patronales sont marginales."

Ajoutez à cela des clubs qui ne sont pas propriétaires de leur stade, l’interdiction du sponsoring de marque d’alcool ou de cigarettes - en vertu de la loi Evin -, et c’est un manque à gagner considérable  qui accentue au fil des années les disparités entre clubs français et club étrangers.  "On a, avec cette "décompétitivité" du sport, des stars qui ne viennent pas ; un spectacle qui s’appauvrit d’une manière générale, et donc une compétitivité sportive qui est amoindrie", analyse Marc Lhermitte.

"On (les pouvoirs publics, ndlr) n’a fait qu’alourdir la barque, et aujourd’hui cette barque est en train de couler", constate, désabusé Jean-Pierre Louvel au micro Europe 1. "Et à l’exception de Monaco, tous les autres clubs sont en difficulté. Car quand ils ne le sont pas financièrement grâce à une gestion rigoureuse de leur compte, ils le sont sportivement. L’exemple de Toulouse est le plus parlant." Le club haut-garonnais, qui maintient ses comptes dans le vert grâce à la vente de ses meilleurs joueurs, est actuellement premier relégable en Ligue 1.

Des motifs d’espoir. Un bilan contrasté donc, mais qui tend à s’améliorer dans les années à venir, avec notamment l’euro 2016 et la sortie de terre de nombreux stades qui devraient permettre au foot français de connaître un élan salvateur. "Il y a de vrais motifs d’espoirs. Le Foot est piloté par des PME en pleine transformation, extrêmement modernes, ancrées dans l’économie du territoire et reconnues comme des vecteurs de notoriété de leur ville", constate Marc Lhermitte. "Ce sont des fanions, tes totems de chaque ville. Il faut juste être maintenant un peu plus au rendez-vous de ce qu’est "le spectacle du sport."

Spectacle qui passera par des infrastructures modernes, mais aussi une meilleure exploitation du numérique en "mettant le fan au centre du jeu", grâce – entre autre - aux multi-écrans. "L’exemple à suivre dans ce domaine, c’est le sport américain", conclut Marc Lhermitte qui cite L’OIympique Lyonnais avec son stade des Lumières, et ses 300 écrans et 500 bornes wifi incorporées pour le plus grand plaisir – et confort – de ses supporters. C’est aussi par-là que passe la compétitivité du football français…