Alors que Philippe Saint-André doit annoncer mardi le nom des 36 joueurs appelés à préparer la prochaine Coupe du monde avec le XV de France, l'identité de son successeur continue d'agiter le Landerneau rugbystique. Et ce n'est pas la dernière révélation de L'Equipe qui risque de calmer les choses. En effet, le quotidien sportif annonce lundi que le technicien anglais Clive Woodward, qui a conduit le XV de la Rose à la victoire finale en Coupe du monde 2003, est sur les rangs pour prendre en mains le XV de France. L'idée de mettre un Anglais à la tête de l'équipe de France est-elle saugrenue ? Le service des sports d'Europe 1 est divisé sur la question.
OUI : "La France compte suffisamment de techniciens de talent"
Par Nicolas ROUYER
"Clive Woodward est donc candidat au XV de France. C'est flatteur pour nos Bleus, dont la destinée intéresse un technicien vainqueur de la Coupe du monde, et loué par tous comme un champion de la performance. Mais peut-on décemment confier les rênes de l'équipe de France à un Anglais ? La réponse est non. Il y a tout d'abord la rivalité historique qui existe avec nos voisins d'outre-Manche. Et pourquoi pas un Français à la tête du XV de la Rose, tant qu'on y est ? Mais ce n'est (presque) pas le plus important. Mettre Woodward à la tête des Bleus serait envoyer un signal négatif aux autres techniciens français.
Guy Novès, Fabien Galthié ou Raphaël Ibanez, candidats déclarés à la succession de "PSA", qui seraient mis sur la touche pour faire confiance à un entraîneur étranger, anglais, qui plus est ? Le signal serait on ne peut plus mal vécu dans les clubs. Le XV de France est et doit rester le Graal du technicien français. Refuser qu'un Anglais prenne en mains les Bleus, ce n'est pas du protectionnisme sportif mal placé, c'est simplement une histoire de bon sens."
NON : "un CV qui parle plus que sa nationalité"
Par Rémi BOSTSARRON
"Certes, Clive Woodward est anglais, mais ce n'est pas n'importe quel Anglais. Il suffit de parcourir son CV pour être convaincu de la pertinence de ce choix. Non seulement il a offert à l’Angleterre en 2003 son seul titre mondial – et le seul d’une équipe de l’hémisphère nord –, mais cette performance n’avait rien de l’épopée inattendue dont rêvent encore certains pour les Bleus lors du prochain Mondial : son XV de la Rose laisse le souvenir d’une machine à gagner, avec un ratio de victoires supérieur à 70% et des succès à répétition dans le Tournoi des Six Nations (2000, 2001 et 2003).
Face aux préventions de ceux qui chérissent la haine traditionnellement dévolue aux Anglais, il faudra brandir la nécessité de s’ouvrir aux vertus du pragmatisme : les clubs français ont compris depuis longtemps l’intérêt de confier le sort de leur équipe à un technicien talentueux avant d’être étranger (le Néo-Zélandais Vern Cotter à Clermont, le Sud-Africain Nick Mallett puis l’Argentin Gonzalo Quesada au Stade Français, entre autres). Et les Bleus eux-mêmes s’autorisent à faire appel sur le terrain à des talents très fraîchement adoptés par la patrie (l’arrière sud-africain Scott Spedding en est le dernier exemple éclatant).
Alors bien sûr, encore une fois, Clive Woodward n’est pas seulement étranger : il est anglais. Et certains egos supporteraient certainement assez mal de le voir triompher là où de fiers coqs ont échoué. Mais justement, son caractère profondément étranger à l’histoire récente de la gouvernance du rugby hexagonal et la rupture culturelle qu'il apporterait - rappelons qu'aucun technicien étranger n'a jamais dirigé le XV de France -, sont des arguments de poids en faveur de sa candidature. Sa nomination sonnerait comme la promesse d’une reprise en main sérieuse après quatre ans d'un tâtonnement au charme et aux résultats il est vrai très français..."