Le lieu. Marathon. -490 avant JC. Les Grecs viennent de remporter la première guerre médique face aux Perses. Miltiade, le commandant des Grecs, missionne Phidippidès pour propager la nouvelle jusqu'à Athènes. Après avoir effectué le trajet au pas de course, le guerrier se serait écroulé en déclarant "Neninkekamen !", soit "Nous sommes victorieux". Il venait de parcourir un peu plus de 40 kilomètres...
Le chiffre. La distance mythique des 42,195 kilomètres n'existait aux origines. Ainsi, le premier marathon olympique de l'ère moderne, remporté par le Grec Spyridon Louis, s'est disputé sur une distance d'environ 40 kilomètres. Il faut attendre 1921 pour que la distance officielle soit fixée. Et elle n'a pas du tout été mesurée entre Marathon et Athènes, mais entre... le château de Windsor et la loge du stade olympique de Londres, où se disputa l'épreuve en 1908. Cet été, le marathon revient donc un peu à la maison...
La légende. Ne trouvant pas (littéralement) chaussures à son pied avant le marathon des JO de Rome, en 1960, l'Ethiopien Abebe Bikila prit la décision de le disputer... pieds nus ! Deux heures, quinze minutes et dix-sept secondes plus tard, il devenait le premier Africain champion olympique et triomphait sous l'Arc de Constantin, vingt-cinq ans après l'invasion de l'Ethiopie par l'Italie de Benito Mussolini. En 1964, à Mexico, Bikila remit ça, sans le symbole politique et avec aux pieds des chaussures fournies par un équipementier japonais...
Abebe Bikila remporte le marathon de Rome :
L'image. Jusqu'en 1979, la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) n'organisa pas de marathon féminin. Cette épreuve ne fit même son entrée au programme des Jeux olympiques qu'en 1984, à Los Angeles. A domicile, l'Américaine Joan Benoit s'imposa en 2h24'52". Mais l'image que le monde entier a retenue de ce marathon reste l'arrivée de la dernière concurrente, Gabriela Andersen. Accablée par la chaleur, percluse de crampes, la Suissesse passa la ligne avec une allure de pantin, sans bénéficier de la moindre assistance médicale. Depuis, les règles ont changé et un concurrent peut recevoir un soin médical, sans être automatiquement disqualifié.
Gabriela Andersen ou la souffrance sur un marathon :
L'icône. Sa serviette sur la tête, ses bras ballants, son dossard n°13 : les images de la victoire d'Alain Mimoun au marathon de Melbourne, en 1956, font partie de l'histoire du sport français. Le natif de Maïder, en Algérie française, est plusieurs fois revenu sur cette course mythique, la chaleur étouffante et la défaillance d'Emil Zatopek. Depuis la victoire de Mimoun, fait Grand officier de la Légion d'honneur en 2007, aucun autre Français n'a réussi à s'imposer dans l'une des épreuves phares des JO.
Alain Mimoun raconte ses souvenirs olympiques :
Le lieu. Depuis sa création en 1970, le marathon de New York n'a cessé de gagner en popularité pour devenir l'un des événements sportifs les plus... courus de la planète. "C'est une combinaison du Super Bowl (la finale du championnat de football américain ndlr) et des Jeux olympiques", confie la directrice de l'épreuve, Mary Wittenberg, dans les colonnes de L'Equipe. A titre de comparaison, le marathon de New York possède un budget trois fois supérieur à celui de Paris (15,5 millions contre 5,5) et un nombre de spectateurs dix fois plus élevé (2.500.000 contre 250.000). L'épreuve, qui relie Staten Island à Central Park, est aussi devenue l'exemple-type du marathon touristique. De plus en plus de coureurs se laissent ainsi séduire par la formule visite+course, qui fonctionne aux quatre coins du monde (Chicago, Boston, Tokyo, Berlin, Chine)
L'histoire. Le marathon, ses symboles et ses parcours, n'échappent à la politique. Créé l'an dernier, le marathon de Jérusalem, dont le parcours emprunte les rues de Jérusalem-Est, territoire occupé et annexé par Israël, a fait l'objet de récriminations officielles au début du mois d'avril de la part des ministres arabes des sports, réunis en Arabie Saoudite. Ceux-ci ont demandé le boycott de l'épreuve et de son principal sponsor, Adidas. Mais l'équipementier allemand a maintenu son engagement pour l'édition 2013.
L'argent. Loin de la piste aux étoiles, le marathon est pourtant devenu ces dernières années une activité très lucrative pour les stars de la discipline. Héritier d'Abebe Bikila, l'Ethiopien Haile Gebreselassie, qui a régné sur la discipline au début du siècle, pouvait gagner jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'euros par épreuve. Chez les femmes, l'Anglaise Paula Radcliffe, toujours recordwoman de la spécialité, peut elle aussi compter sur de très belles sommes d'engagement. Pour les coureurs amateurs, il s'agit au contraire de verser de l'argent pour disposer d'un dossard (entre 65 et 95 euros à Paris). A Londres, les participants paient ce prix de dossard à une organisation caritative, qui elle-même achète ce dossard aux organisateurs, avec, en retour, la promesse d'un démarchage des participants. La recette fonctionne puisque le marathon de Londres est aujourd'hui la course à pied qui récolte le plus d'argent, avec 48 millions d'euros amassés pour des œuvres caritatives selon les chiffres du quotidien L'Equipe.
Le film. Plus que n'importe quelle épreuve athlétique, le marathon, par son cadre et sa dramaturgie, offre un terreau cinématographique hors du commun. Ce n'est donc pas un hasard si le grand cinéaste espagnol Carlos Saura, auteur de Cria Cuervos ou Ana et les loups, a posé son regard et sa caméra sur les concurrents du marathon olympique de Barcelone, en 1992. Le résultat s'attarde davantage sur la souffrance des corps que sur les performances des vainqueurs d'une épreuve qui avait tout un combat contre soi-même.
Carlos Saura filme le marathon de Barcelone :
Le titre. Malgré les apparences, le film Marathon man, écrit par William Goldman et réalisé par John Schlesinger en 1976, ne traite qu'indirectement de course à pied. Alors qu'il s'entraîne pour disputer son premier marathon (à... New York), un jeune diplômé, incarné par Dustin Hoffman, se trouve lié malgré lui à une sombre affaire de trésor de guerre nazi. Ça fleure bon les années 1970 et la "conspirationnite" post-Watergate. Mais, pour le nombre de titres d'articles qu'il a inspirés, il méritait qu'on lui rende hommage.
Dustin Hoffman est le héros de Marathon man :