La rentrée des cadres tricolores samedi, à Montpellier, pour affronter l'Argentine ne sera pas de trop pour tenter de laver le dernier affront subi face aux Pumas, capables cet été d'infliger aux Bleus la plus large défaite (41-13) de l'histoire des confrontations entre les deux nations. La bête noire du XV de France est de retour et le problème posé reste entier. "Nous savons que les Argentins sont non seulement pénibles, mais intelligents." En deux qualificatifs bien choisis, Marc Lièvremont dresse un portrait plus que fidèle des Pumas, qui samedi, à La Mosson, tenteront une nouvelle fois de contrarier les plans du XV de France. Des Bleus toujours impuissants à trouver la clé de leurs difficultés récurrentes dès que leur chemin vient à croiser de leurs meilleurs ennemis. Difficultés, on frise d'ailleurs le doux euphémisme pour des Tricolores qui, lors des neuf dernières confrontations entre les deux nations, ont tout de même trouvé le moyen de s'incliner... à sept reprises pour seulement deux malheureuses victoires. Une misère ! Pire, Thierry Dusautoir et ses coéquipiers restent face aux Argentins sur la plus sévère dérouillée de l'histoire face à ce qui reste pour toute une génération un problème insoluble, ou presque. Ce n'était pas plus tard qu'en juin dernier, à Buenos Aires, où une équipe de France sur la jante après une saison de tous les succès vomissait une parodie de match pour exploser face à un Felipe Contepomi bouillant, auteur de 31 points (record personnel!) et sa bande. Une déroute (41-13) entrée dans les annales comme à ce jour le record de points inscrits par les Pumas face aux Bleus et le plus gros écart jamais enregistré lors d'un succès contre le XV de France. Rien que ça ! De quoi aviver le contentieux entre les deux frères ennemis. Thion (5 matches, 5 défaites): "J'ai de très mauvais souvenirs..." Pourtant, à l'heure des retrouvailles, pas question de tomber dans le panneau, comme le précise encore à ses troupes un Lièvremont, lassé de devoir justifier l'injustifiable face au même adversaire. "C'est un piège dans lequel il ne faut pas tomber ; l'esprit de revanche et la volonté de se réhabiliter, c'est une chose, après on a un projet de jeu à tenir, la meilleure manière de se planter serait d'avoir des intentions, sinon malsaines, du moins mal placées...", prévient-il, lui qui présente pourtant depuis sa prise fonctions un bilan à l'équilibre face aux Argentins (1 victoire, 1 défaite). Ses joueurs aimeraient pouvoir en dire autant. Car c'est bien toute une génération qui vit aujourd'hui marquée au fer rouge de ces fichus Pumas. A l'image des deux Biarrots Imanol Harinordoquy et Jérôme Thion, qui à eux deux ne totalisent qu'un seul et unique succès en cinq confrontations face à l'Argentine. Et si Harinordoquy a pu goûter la saveur d'une courte, mais si rare victoire à Marseille, en 2008 (12-6), Thion, lui, attend toujours à bientôt 33 ans de lever les bras face aux Sud-Américains. Cinq matches pour autant de défaites, dont les deux sommets d'humiliation lors de la dernière Coupe du monde en France (12-17, 10-34). "J'ai de très mauvais souvenirs, souligne le deuxième ligne biarrot, le visage crispé. Il y a une dimension dans le combat qui est assez rare. Ce sont des matches très difficiles à jouer." Pourtant, à écouter Harinordoquy, l'heure n'est plus à nourrir un quelconque complexe: "Il y a peut-être eu une sorte d'inhibition auparavant, mais maintenant ce n'est plus le cas." On demande à voir tout de même... Car les Argentins, à force de les côtoyer en club à l'année, s'y entendent mieux que personne pour faire dégoupiller nos Bleus. "Ils sont très forts sur la provocation, l'engagement, il va falloir être vigilant et ne pas se faire piéger", lâche d'ailleurs ainsi un Thomas Domingo, qui n'a pourtant jamais affronter les Pumas, mais les pratique au quotidien en tant que partenaires à Clermont (Scelzo, Ledesma, Creevy). Même son de cloche chez son coéquipier en club comme en sélection, Julien Pierre, aussi prompt à pointer la roublardise de ces adversaires pas comme les autres: "Une équipe qui ne lâche rien, qui est très forte sur toutes les phases de conquête, que ce soit en mêlée ou en touche, très pénible sur toutes les phases de ruck, qui va truquer au maximum." "Pénibles", l'adjectif revient en boucle, comme pour mieux exprimer plus que le cauchemar la lassitude à ne pas percer un tel mystère. Une machine à faire déjouer Sébastien Chabal, qui côtoie au Racing le plus doué d'entre eux, Juan Martin Hernandez (forfait cet automne), en parle très bien. "Ils sont loin de leurs terres, ce sont des joueurs qui jouent quasiment tous en France et en Europe, donc ils ont l'habitude de se resserrer et de se soutenir dans la vie de tous les jours, et ça leur donne peut-être un peu plus d'âme et de force sur le terrain dans les moments difficiles", explique le n°8 tricolore. "Ils ne lâchent jamais rien, c'est ce qui fait leur force, d'être très solidaires et se battre pour chaque centimètre sur le terrain, poursuit-il. Ils savent nous jouer ou plutôt nous faire déjouer pour au final très bien s'adapter à notre jeu." Une machine à faire déjouer, dont le chef d'oeuvre reste à ce jour la victoire (17-12) en match d'ouverture de la Coupe du monde, disputée en France. "Je sais qu'on doit tuer le match dans les vingt premières minutes, on a de vraies occasions franches qu'on vendange. Après, on voit toute la qualité mentale de cette équipe d'Argentine qui, vu qu'on ne l'achève pas, se relève petit à petit, se souvient Chabal. Ils avaient su faire le dos rond, nous empêcher de scorer et de les finir, au final, ce sont eux qui nous finissent." Pas de quoi pourtant accréditer la thèse d'un traumatisme indépassable, à en croire le géant barbu: "C'est le passé, après le match d'ouverture, ils nous avaient chambrés à la sortie des vestiaires, rappelle le Racingman. Quoi de plus normal, ils avaient de quoi être contents après un match aussi important. Mais ça ne reste pas, comme on a pu le dire, un traumatisme, je suis ravi de les croiser, je les côtoie dans mon club, tous les week-ends." Ravis de se coltiner des pénibles, ils ne seraient pas un peu masos ces Bleus...