Une image qui en dit long. Après la deuxième égalisation de Franck Ribéry, à la 64e minute mardi soir face à la Biélorussie (4-2), le Bavarois se précipite vers le banc de touche français et saute dans les bras de son copain, Patrice Evra. Le même Evra, pourtant remplaçant pour cette rencontre mais qui aurait remotivé ses coéquipiers dans les vestiaires un quart d’heure lus tôt. Trois ans après le naufrage à la Coupe du monde 2010 et la célébrissime grève du bus, les insurgés de Knysna reprennent la main. Pour le meilleur ou pour le pire ?
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A la mi-temps mardi soir, la France est à côté de ses crampons. La Biélorussie mène logiquement 1-0 et tout le monde se demande alors comment les Bleus vont bien pouvoir se réveiller. Les joueurs rentrent la tête basse aux vestiaires. La porte se ferme et un homme prend la parole. "Oh les gars, putain, on n’a pas le droit", lance Patrice Evra. "On veut y aller au Brésil ou pas ? On est l’équipe de France, on ne peut pas se comporter comme ça, sérieusement. On doit se réveiller, jouer les uns pour les autres. Il faut y croire". Au retour des vestiaires, les joueurs de Deschamps ne sont plus les mêmes. Ce ne sont pas Ronaldo et Messi qui reviennent sur la pelouse mais ils font plus d’efforts et finissent par remporter le match (4-2). De l’avis de tous, les mots du défenseur de Manchester United ont tout changé. Ribéry juste après la rencontre : "il y a eu un bon discours de Patrice Evra. Un discours d’homme". Valbuena abonde dans le même sens : "ça nous a remobilisé parce qu’on sentait beaucoup d’abattement dans le groupe".
Le discours d’Evra, "une très bonne chose"
Si personne ne conteste la force et l’efficacité des mots d’Evra, celui qui portait le brassard de capitaine au moment de l'insurrection est-il légitime pour endosser à nouveau un rôle de premier plan dans ce groupe ? Souvenez-vous de ce fameux Mondial 2010. La grève du bus, la lecture de la lettre par Raymond "le damné" Domenech, la ministre des Sports de l’époque, Roselyne Bachelot, qualifiant Evra et ses compères de "sales gosses"...
Ainsi, dans les colonnes du journal L’Equipe jeudi matin, l’ancien champion du monde 1998 Bixente Lizarazu s’insurge contre le come back de "Captain Pat". "Après 2010, on nous a dit que l’on donnerait une deuxième chance à certains. Mais on avait ajouté : ‘Ok, ils reviennent mais ne vous inquiétez pas, ils resteront à leur place’. Visiblement, ce n’est pas le cas. Or, il y en a certains, ce n’est plus possible. Tu ne veux plus les voir leaders car tu ne veux plus que ce soit eux qui conduisent le bus". Sans le nommer, Lizarazu milite contre le retour de Patrice Evra.
"Les leaders s’imposent naturellement dans une équipe"
Guy Roux, consultant Europe 1, ne partage pas du tout cet avis. "Oui, ils ont commis une faute en 2010. Mais ils ont été jugés et mal jugés d’ailleurs. Aujourd’hui, qu’on leur fiche la paix". L’ancien entraîneur d’Auxerre estime que l’opinion publique et la presse ont été trop loin dans leur acharnement. "Les Français sont trop rancuniers. Beaucoup pensent qu’il faut virer la moitié des joueurs. C’est stupide ! " Pour lui, la dimension du joueur de Manchester Uniter parle pour lui : "n’oublions pas que Patrice Evra est capitaine de l’une des meilleures équipes du monde. Ce n’est quand même pas rien. La France était aux abois. Je trouve ça bien que Deschamps l’ait laissé parler".
Parmi les plus anciens de cette équipe, Hugo Lloris a été désigné capitaine. Par défaut ? Car si les qualités sportives du gardien des Bleus sont indiscutables, sa discrétion n’en fait pas un leader naturel. C’est donc "Captain Pat" qui a pris le relais, mardi soir à Gomel, en Biélorussie. Alors à quoi bon refuser une deuxième chance à ceux qui ont terni l’image des Bleus, estime Guy Roux. "De toutes manières, les leaders s’imposent naturellement dans une équipe".