26 juin 2014. A quatre jours d’un huitième de finale contre l’équipe de France, les joueurs nigérians sont attendus à l’entraînement. Mais ils ne feront jamais leur apparition sur la pelouse du stade de Campinas, et leur bus, venu les chercher à leur hôtel, restera vide. Les joueurs restent à leur camp de base "pour une réunion", comme l’explique l’entourage de la sélection. Cette réunion porte sur les primes de participation et de qualification pour les huitièmes de finale, un sujet qui avait déjà semé le trouble parmi les sélections ghanéennes et camerounaises.
Au-delà des primes, des problèmes plus profonds. Si cette affaire de primes semble être réglée côté nigérian, elle ne constitue que la partie émergée de l’iceberg. En effet, malgré des générations de joueurs doués et une certaine réussite dans les compétitions internationales, le foot nigérian souffre de maux structurels qui brident ses performances.
Les jeunes joueurs, rapidement recrutés en Europe, sont formatés par les clubs. Depuis sa victoire en 2013, le Nigeria est la seule nation à avoir été sacrée quatre fois championne du monde chez les moins de 17 ans. Même si l’équipe A affiche un beau palmarès (médaille d’or aux JO 1996, triple vainqueur de la Coupe d’Afrique des Nations), son bilan reste inférieur à ce que ses performances chez les jeunes semblent annoncer. La faute en revient en partie, comme le rappelle Harrison Stark sur Slate, aux clubs européens qui recrutent les joueurs nigérians de plus en plus jeunes. Ils sont souvent assignés à des tâches physiques, défense, pressing, qui nuisent à leur créativité.
Obi Mikel, de Zidane à Makélélé. L’un des joueurs emblématiques de ce syndrome n’est autre que John Obi Mikel, milieu de terrain de Chelsea et de la sélection nigériane. Le blog luxuryplayer (en anglais) déplore avoir vu ce joueur "prendre la trajectoire de Claude Makélélé alors qu’il était un potentiel Zidane". En 2005, John Obi Mikel avait ainsi été élu deuxième meilleur joueur du mondial des moins de 20 ans derrière un certain Lionel Messi, et devant un autre Nigérian bien connu des fans de l'OM : Taye Taiwo. Ses performances de l’époque lui avaient même valu des comparaisons élogieuses du Guardian avec Eric Cantona. Mais, une fois arrivé à Chelsea à 19 ans à peine pour 16 millions de livres (20 millions d'euros à valeur constante ndlr), José Mourinho avait fait de lui le successeur de Claude Makélélé dans le rôle de "pitbull" du milieu.
Le pouvoir politique a la mainmise sur les clubs nigérians... Au Nigeria, le football est un sport d’Etat. A tel point que les clubs sont gérés par les gouverneurs des provinces ou par des membres du gouvernement, comme l’explique l’entraîneur Akande Femi au site Afrikinsider : "tous les clubs principaux du championnat nigérian sont détenus par le gouvernement". Un problème que pointe également du doigt l’agence news24 Nigeria.
... . Et sur la sélection nationale aussi. Alors que le pays enchaînait les résultats médiocres en qualification pour la Coupe du monde 2010, le gouvernement avait annoncé son implication directe dans la préparation de l’équipe. La sélection s’était finalement qualifiée, mais elle s’est rapidement retrouvée dans le collimateur après une élimination dès le premier tour. Les "Super Eagles" sont alors punis par le président Goodluck Jonathan. Une semaine après leur élimination, le porte-parole de la présidence annonce que l’équipe est privée de toute compétition internationale pour une durée de deux ans "afin de remettre les choses en ordre". La Fifa s’était alors opposée à cette ingérence politique et les "Super Eagles" avaient pu jouer leurs rencontres internationales...
Malgré tous ces freins, le football nigérian se porte plutôt bien sur le terrain. Seule équipe africaine avec l’Algérie à s’être qualifiée pour les huitièmes de finale, elle a aussi remporté la dernière CAN. Elle peut aussi s’appuyer sur une génération certes moins douée que celle des Kanu, Okocha et autre Babangida qui a remporté l’or olympique à Atlanta, mais tout aussi prometteuse.
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