La "Californie" brésilienne. Pourquoi aller à Ribeirão Preto alors que vous pourriez aller siroter des "caïpi" sur la plage de Copacabana à Rio de Janeiro ? Il n'y a que le football qui puisse véritablement contraindre à une halte ici, à plus de 300 km au nord de São Paulo. C'est dans cette ville de plus d'un demi-million d'habitants que l'équipe de France de football a élu domicile durant toute la compétition. On la surnomme la "Californie" brésilienne ou bien encore le "Monaco paulista". La raison ? Ses températures (parfois 30°c en hiver) mais surtout sa puissance financière. C'est l'une des villes les plus riches au Brésil grâce à ses grandes exploitations agricoles des villes environnantes, ses commerces, ses services.
Son "décor" est très américain : des buildings en verre ultra-moderne, des shoppings en vogue, des pickups flambant neuf, mais peu d'attraits culturels. Tout juste un très beau théâtre où les Bleus font leurs conférences de presse, des espaces verts, un jardin japonais, un petit musée du café, et en périphérie des champs de cannes à sucre… Et pourtant, selon les estimations, près de 15.000 supporters français ont prévu d'y passer durant le Mondial.
Des "open bars". Quentin, un Bordelais de 21 ans, étudiant en BTS commerce international, ne s'est pas privé d'y faire escale, lui le fan de foot et "Girondins" de cœur. Sa copine, Tess, franco-brésilienne et supportrice des Corinthians, vit avec lui en France. Elle voulait lui faire connaître ses racines familiales et sa double culture. Le jeune couple a donc mis 3.000 euros de côté pour se balader dans le pays pendant un mois. Ribeirão Preto, ce n'était pas forcément la priorité mais la passion foot a parlé. Leur programme de la semaine : "aller le plus possible aux entraînements des Bleus et suivre le quotidien de l'équipe de France". Et côté sorties ? "Il y a quelques boîtes, des open bars ouverts toute la nuit. Mais c'est sûr que ça ne bouge pas beaucoup…", confie Quentin. "Ce n'est pas vraiment touristique, c'est même un peu perdu. Mais ici, les gens sont très accueillants", assure-t-il. C'est exactement ce qu'ont dit l'entraîneur, Didier Deschamps, et Karim Benzema en conférence de presse lundi, ravis de l'accueil réservé par les habitants.
Tess, la Franco-brésilienne, a vécu ici pendant plus de deux ans. Le Mondial chez elle ? "Immanquable !". "C'est une ville en plein développement, qui s'agrandit d'années en années", a-t-elle remarqué à son retour. A Ribeirão Preto, il est vrai que les immeubles poussent comme des champions et grignotent chaque année du terrain sur les forêts aux alentours. "Ce n'est pas la plus belle ville du Brésil, il n'y a pas grand chose de beau à voir à part… des buildings, mais c'est une ville quand même assez agréable", affirme-t-elle avant d'ajouter : "c'est sûr que, quand on est touriste, et qu'on débarque…" Ce couple a, en effet, la chance d'avoir des amis sur place qui ont un bon carnet d'adresses de restos et de bars pour s'occuper.
Un concessionnaire de camions, des motels. Quentin ne trouve pas le temps de s'ennuyer à Ribeirão Preto. En cette journée d'entraînement des remplaçants de l'équipe de France, qui n'est pas ouvert au public, il est quand même venu avec son drapeau bleu-blanc-rouge sur les épaules. Et espère appâter, près des barrières et des voitures de la police militaire, quelques joueurs. "Je suis supporter des Bleus depuis que je suis tout petit. Le Mondial au Brésil, c'est exceptionnel. Ce sont mes stars, mes idoles", assure-t-il d'emblée. Mais pour les fans comme lui, les Bleus sont très difficiles d'accès.
Les "23" sont souvent retranchés dans leur complexe hôtelier, situé à plus de 10 km du centre-ville, dans une zone industrielle, ce qui limite leur présence. A proximité du désormais célèbre camp de base "JP" (prononcé Jotapé) de la sélection : un concessionnaire de camions de transports, des motels aux néons violacés, et des chaînes de restaurants bas de gamme qui clignotent toute la nuit… L'équipe de France ne quitte donc sa tour d'ivoire que pour s'entraîner, prendre son avion et aller aux conférences de presse. "Il faut les comprendre, ils ont besoin d'être dans leur cocon, de se tenir à l'écart. Et puis, il y a quand même quatre entraînements qui ont été ouverts au public. Après c'est sûr que c'est un peu frustrant de ne pas les voir plus", concède Quentin, compréhensif.
Trop occupé à suivre la saga Deschamps. Pour être au plus près, ce Bordelais s'occupe alors en scrutant inlassablement son smartphone pour ne rien louper de la saga "Deschamps et compagnie" au Brésil. Presque comme un journaliste sportif, "sa deuxième passion". Quentin est particulièrement attentif au "vivre ensemble" des Bleus, après l'épisode catastrophique du Mondial sud-africain en 2010 et la grève des joueurs. Son zèle lui a déjà permis de récolter quelques trophées : une photo avec Benzema lors de la dernière conférence de presse, des autographes de Schneiderlin, Cabella, Varane et du capitaine Hugo Lloris. Lundi, lors de l'opposition entre les "coiffeurs" du match contre le Honduras et les jeunes de Botafogo, il a même décroché la timbale : un "selfie" avec Moussa Sissoko.
Cette "fan attitude" est donc particulièrement chronophage à Ribeirão Preto. Promis, dans quelques jours, il lâche les Bleus pour aller voir le match entre les Pays-Bas et le Chili à São Paulo, avant d'aller se dorer la pilule à Rio de Janeiro. Au Brésil, Quentin et Tess savent bien que les villes ne se ressemblent pas. Ribeirão Preto, avec ces drapeaux tricolores dans les bars, sur les toits des taxis et aux fenêtres des maisons, s'est donc trouvé temporairement, en l'équipe de France, un certain charme touristique.
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