Le 7 août dernier, Chelsea, champion d'Angleterre et vainqueur de la League Cup au printemps 2015, se félicitait d'avoir prolongé son entraîneur vedette, José Mourinho, jusqu'en 2019. Quatre mois plus tard, le club londonien a annoncé jeudi qu'il avait mis fin au contrat du technicien portugais "par consentement mutuel", tout comme il l'avait déjà fait en septembre 2007.
Comment en est-on arrivé là ? La première raison est implacable : c'est celle des chiffres. En 16 matches de championnat d'Angleterre, Chelsea a déjà perdu 9 fois et pointe à une misérable 16e place, à 20 points du leader, Leicester. Le tout avec la même ossature de joueurs que la saison dernière... "C'est effectivement assez curieux car Mourinho a maintenu son effectif en l'état, mais peut-être trop longtemps", relève le consultant football d'Europe 1, Guy Roux. "Si on change sans arrêt, on risque de ne jamais trouver la bonne formule mais si on ne change jamais, les joueurs s'encroûtent et ne se battent plus de la même manière."
De "l'usure" à "la cassure". Pour l'ancien coach de l'AJA, qui s'y connaît en termes de longévité (avec notamment 36 années consécutives sur le banc de l'AJA, entre 1964 et 2000), le "Mou" s'est retrouvé dans le dur en raison d'une usure, à la fois dans le jeu et dans les relations." Si les résultats de Chelsea ont été aussi mauvais, avec notamment des défaites étonnantes contre des "petits" (Crystal Palace, Stoke City, Bournemouth...), c'est d'abord parce que les joueurs ne répondaient plus sur le terrain.
" Le problème est que les joueurs n'ont pas voulu adhérer et qu'il y a eu cassure. "
"Aujourd'hui, ce qui n'a pas fonctionné, c'est assez simple, vous avez José Mourinho qui a tenté d'imposer des choses, de nouvelles règles sans écouter ses joueurs", relève le journaliste Salim Baungally, collaborateur d'Europe 1 et spécialiste de la Premier League. "Le problème est que les joueurs n'ont pas voulu adhérer et qu'il y a eu cassure. Ensuite, il y a eu, il faut bien l'avouer, des joueurs qui ont été un ton en dessous, comme Eden Hazard, Willian, Oscar ou Diego Costa. Ces joueurs n'appréciaient pas ou plus la tactique du coach donc ils ne suivaient pas."
Le cap difficile de la troisième saison. Au Real aussi (2010-13), la troisième saison de Mourinho avait été difficile. Il l'avait certes terminée sur le banc, mais sans le moindre titre, et avec un vestiaire divisé. Il avait notamment entretenu des rapports difficiles avec Iker Casillas ou Sergio Ramos, deux des "tauliers" du vestiaire du Real. Bis repetita cette saison à Chelsea. Ses rapports avec plusieurs joueurs cadres se sont envenimés au fil des semaines. En août dernier, il avait sorti John Terry, l'un des joueurs emblématiques du club, à la mi-temps du match face à Manchester City (0-3), le même John Terry qui avait disputé l'intégralité des 38 matches la saison précédente...
Il y eut également l'épisode Eva Carneiro, la médecin du club que Mourinho avait vilipendée en place publique. Plus généralement, la communication de Mourinho a souvent dépassé les bornes cette saison. S'exprimant à propos de la femme du coach du Real Madrid, Rafael Benitez, il avait ainsi lâché : "Je pense qu'elle devrait s'occuper du régime de son mari et elle aura moins de temps pour parler de moi". Mauvais résultats, rupture avec les joueurs et communication désastreuse, voilà le cocktail qui a sans doute poussé le propriétaire de Chelsea, le milliardaire russe Roman Abramovitch, à se séparer de son atypique entraîneur, au palmarès et au style incomparables.