Björn Borg n'est plus seul. Rafael Nadal, vainqueur dimanche de Roger Federer en finale (7-5, 7-6, 5-7, 6-1), a rejoint le Suédois dans la légende de Roland-Garros avec six titres à son compteur. Un peu long à se mettre en route, l'Espagnol a ensuite repris l'ascendant psychologique sur le Suisse qui, pour la quatrième fois, échoue sur la dernière marche à Paris face à son grand rival. Nadal reste numéro 1 mondial et, à 25 ans et deux jours, compte déjà 10 tournois du Grand Chelem à son actif. On a cru, pendant huit jeux, que Roger Federer avait trouvé le sérum anti-Nadal à Roland-Garros. Mais au final, pas plus qu'en 2006, 2007 et 2008, le Suisse n'a réussi à battre son grand rival en finale des Internationaux de France. L'Espagnol, passé tout près - à quelques millimètres sur une amortie de Federer de peu dans le couloir - de perdre la première manche 6-2, a ensuite repris le dessus pour s'offrir une victoire en quatre sets (7-5, 7-6, 5-7, 6-1) synonyme pour lui de sixième couronne à Paris. Björn Borg, six fois lauréat à Paris entre 1974 et 1981, partage désormais son record avec le Majorquin. Il aura juste fallu à l'Espagnol vingt-quatre heures de plus dans sa vie que dans celle de son illustre aîné pour réussir cette performance, Nadal l'accomplissant à 25 ans et deux jours alors que le Scandinave s'était adjugé son sixième titre il y a trois décennies contre Ivan Lendl au lendemain de son 25e anniversaire. Dimanche, lors du quatrième affrontement entre les deux joueurs à ce stade de la compétition sur la terre battue parisienne, l'Espagnol a comme toujours fini par vaincre son rival. Les signes perçus durant la quinzaine, avec un Nadal moins impressionnant que par le passé et un Federer plus libéré, avaient laissé croire à une possible passation de pouvoir. Il n'en a rien été. A quelques millimètres... Pourtant l'entame de cette finale était totalement à l'avantage du Suisse, alors sur la lancée de son exceptionnelle demi-finale contre Djokovic. Après 25 minutes, et un break en poche, le vainqueur de l'édition 2009 avait déjà marqué autant de jeux, quatre (4-1), que lors de sa cuisante défaite face au même adversaire lors de la finale 2008 (6-1, 6-3, 6-0, ndlr). A l'intérieur du court, précis dans ses frappes de balle, le 3e joueur mondial dictait sa loi face à un Nadal pas encore dans le rythme du match. A 5-2, avantage sur le service adverse, le Bâlois était à un point de matérialiser sa domination par le gain de la première manche. Mais son amortie, bien touchée, retombait à quelques millimètres de la ligne de couloir... Le tournant du match peut-être, du set certainement. A partir de là, les coups du Suisse sortaient moins bien de sa raquette et, surtout, Nadal ne donnait plus rien. Au point d'aligner sept jeux consécutifs (7-5, 2-0), au grand dam du public parisien, pas neutre dans cette affaire. Comme rattrapé au moment de conclure par son blocage psychologique avéré face à l'Espagnol à Roland-Garros, et sur terre battue de manière plus générale, Federer mis le temps avant de relever la tête. Mais même quand il parvenait à debreaker deux fois Nadal dans le deuxième set, dont une quand l'Ibère servait pour la manche à 5-4, moment choisi par la pluie pour faire une courte apparition et renvoyer les joueurs aux vestiaires dix petites minutes, le Suisse finissait par céder à l'issue d'un jeu décisif survolé par le numéro 1 mondial (7-6 [3]). Fin des illusions de l'Helvète ? On pouvait le croire quand Nadal, évidemment en confiance, se rapprochait à deux jeux du titre dans la troisième manche (4-2). Mais Federer, contrairement à ce qu'il pouvait faire par le passé, ne baissait pas les bras et retrouvait de sa superbe pour, contre toute attente, empocher le troisième set (7-5) et relancer le suspense. Nadal: "Un rêve qui devient réalité" Un suspense de courte durée néanmoins puisque Nadal, après avoir été mené 0-40 dans le premier jeu de la quatrième manche, affirmait sa supériorité dans une quatrième manche à sens unique. Au contact jusqu'à un jeu partout, Federer, pris de vitesse par les accélérations liftées toujours tranchantes de l'Espagnol, lâchait prise et perdait les cinq derniers jeux (6-1). Une dernière faute en coup droit offrait à Nadal son sixième Roland-Garros, son dixième titre en Grand Chelem. A genoux, ému comme rarement, le joueur de Manacor confiait devant les caméras de France Télévisions "vivre un rêve". "C'est un tournoi vraiment spécial pour moi. L'un de mes plus beaux rêves est devenu réalité. En plus je bats en finale l'un des plus grands joueurs de tous les temps. C'est quelque chose de formidable." Cette sixième victoire aux Internationaux de France, la plus difficile à obtenir, fait entrer un peu plus Nadal dans la légende de son sport. En plus d'égaler le record de Borg à Paris, il rejoint Bill Tilden au sixième rang des joueurs les plus titrés en Grand Chelem. Avec ses dix victoires, il n'est plus, à 25 ans, qu'à six titres de sa victime du jour. Et demeure, malgré ses quelques déboires connus sur sa surface de prédilection cette saison - défaites face à Djokovic à Madrid et à Rome -, le meilleur joueur du monde sur terre battue.