Quatre mois après la parution du sévère réquisitoire de l'ancien joueur Laurent Bénézech, un autre livre, toujours publié aux Editions de la Martinière, dénonce les pratiques dopantes qui auraient cours dans le monde de l'Ovalie. Rugby à charges, l'enquête choc, en librairies le 5 mars prochain, est l’œuvre cette fois du journaliste Pierre Ballester, connu pour ses révélations sur l'ancien cycliste Lance Armstrong (LA Confidentiel, 2004). Le quotidien L'Express en publie quelques extraits, mardi, où l'on apprend que la culture de la "médicamentation" et du dopage existe depuis bien longtemps dans les packs de France et de Navarre...
Des amphétamines pour le XV de France. Pierre Ballester y rapporte notamment le témoignage du docteur Jacques Mombet, médecin de l'équipe de France entre 1975 et 1995. Celui-ci explique que le recours aux amphétamines était "généralisé" dans les années 1980. "Comme c'était généralisé, je l'ai vu également en équipe de France. Ils avaient chacun leur pilule devant leur assiette lors du repas d'avant match. C'était comme ça à tous les matchs. Du Captagon surtout, du Maxiton parfois...", explique l'ancien médecin des Bleus, qui précise que c'est son collègue Jean Pène, aujourd'hui décédé, qui procédait aux distributions. L'une d'entre elles aurait notamment eu lieu avant le test-revanche remporté face aux All Blacks, le 15 novembre 1986, à Nantes (16-3).
Des "ordonnances motivées" à foison. Jacques Mombet revient également sur le fameux France-Afrique du Sud du 22 novembre 1997, où les Bleus avaient été balayés 52-10. Pour beaucoup, cette défaite symbolisa la toute puissance médicamenteuse de l'hémisphère Sud. Le Dr Mombet, alors responsable de la commission de la fédération française, explique que les Springboks étaient arrivés "avec une grosse dizaine" d'ordonnances motivées, les ancêtres des fameuses autorisations à usage thérapeutique (AUT). Ces AUT permettent à des joueurs de justifier auprès d'un médecin la prise d'un médicament ou d'un protocole spécifique. L'auteur insiste par ailleurs sur la popularité des compléments alimentaires chez les rugbymen, des compléments alimentaires parfois vérolés.
Une lutte antidopage difficile. La maîtrise des règlements et des calendriers par les tricheurs potentiels semble compliquer la tâche de l'Agence française de la lutte antidopage (AFLD), qui arrive malgré tout à se faire une idée assez précise des produits les plus demandés. "Au siège parisien de l'AFLD, au vu des infos qui remontent, des récents contrôles inopinés à l'intersaison qui permettent d'affiner les profilages biologiques, des variations physiologiques décelées grâce notamment au passeport biologique, on s'est fait une idée plus précise de qui est adepte de quoi", écrit Pierre Ballester. "Notre interlocuteur (le référent dopage des douanes régionales de Bordeaux, ndlr) sait quel club est le "spécialiste des anabos", quel autre "de l'hormone de croissance", ou que celui-ci "croque encore beaucoup de corticos". Mais, constate l'auteur, "entre une surveillance et des contrôles qui débouchent au mieux sur des soupçons, entre des molécules connues mais indétectables, d'autres, inconnues, qui arrivent sur le marché, le juteux business qui en découle, des pays qui n'ont pas de réglementation ou si peu, la lutte antidopage se casse les dents sur un mur".