A la fois presque étranger à la victoire de son équipe, samedi soir au Stade de France en finale du Top 14 face à Montpellier (15-10), et ému comme rarement, Guy Novès est resté muet, ou presque, à l'issue de la rencontre. Un silence pesant et une attitude qui ont suffi à donner du crédit à l'idée que le manager toulousain aurait pu diriger à cette occasion son dernier match à la tête du Stade. Rarement un titre de champion de France n'aura été célébré dans un tel climat. Qu'on ne s'y méprenne pas, la joie débordait dans les rangs toulousains à l'issue de cette nouvelle finale victorieuse, qui permettra dimanche à Thierry Dusautoir et ses coéquipiers de rapporter dans la Ville rose, une fois encore, le bout de bois tant vénéré. Il suffisait pour ça de prêter l'oreille aux cris qui perçaient dans les entrailles du Stade de France, depuis le vestiaire des nouveaux champions de France. Un vestiaire où Guy Novès restera longtemps enfermé pour n'en ressortir que très tard, et pour mieux rejoindre le bus toulousain sans passer par la conférence de presse d'après-match, comme le réclame pourtant le protocole, imité en ça par son capitaine. S'il n'avait pu se dérober au coup de sifflet final devant les caméras (voir par ailleurs), le manager toulousain, d'ordinaire le plus prompt à livrer l'analyse de la performance de son équipe, va cette fois rester muet. Et c'est bien l'attitude toute entière du manager des Rouge et noir, au moment de célébrer ce 18e Brennus, qui a laissé perplexe tous les observateurs. Bru: "J'ai du mal à confirmer ça..." Stoïque, mais à l'évidence très ému face à la tribune présidentielle lorsque ses joueurs ont soulevé le Bouclier, Novès a semblé se mettre délibérément en retrait et accrédité du même coup l'idée, déjà en cours dans la Ville rose depuis quelques mois, selon laquelle il aurait dirigé le Stade pour la dernière fois à l'occasion de cette finale. D'habitude maître de ses émotions comme personne, l'entraîneur aux neuf Brennus désormais était même samedi au bord des larmes, au moment d'aller saluer d'un geste de la main la tribune où avaient pris place les supporters toulousains. Interrogé sur cette question, qui aurait pu apparaître encore incongrue quelques heures plus tôt - mais devenue soudain brûlante - son adjoint Yannick Bru réagissait, à la fois incrédule et déstabilisé, sans toutefois vraiment démentir: "Je ne suis pas au courant, on a une très belle relation de confiance avec Guy. J'ai du mal à confirmer ça..." Lui tout à sa joie de quitter pour de bon la maison toulousaine sur un dernier trophée, Cédric Heymans, pressé de s'exprimer sur le sujet, n'infirme ni ne confirme: "Non, je ne me lâcherai pas parce que j'ai trop de respect envers le manager, envers l'homme. Je ne sais pas, il faut lui poser la question..." Mais certaines phrases et certaines postures cette semaine du maître technicien, par ailleurs plus marqué qu'on ne l'a dit par le départ d'un fidèle parmi les fidèles, presque un frère, Claude Elias (lire: Hélias tourne la page, nous reviennent et prennent soudain un relief différent. Comme vendredi, veille de la finale, lorsqu'il insistera lourdement sur la valeur de l'instant présent, après une dernière séance d'entraînement au cours de laquelle il s'est isolé dans ses pensées. "J'essaie de profiter de chaque instant. Je profite. Je ne voudrais pas dire de bêtises, mais il y a des choses comme ça qu'on peut renouveler souvent et qui font toujours autant de bien." Ou encore lorsqu'il ne manque pas une occasion - une constante cette saison - de saluer le travail de ses deux adjoints, Yannick Bru et Jean-Baptiste Elissalde: "J'ai une confiance totale dans leur fonctionnement. Ils sont de la même génération, partagent une vraie complicité. Moi, je garde un oeil pour les rassurer." De là à les voir voler seuls, sans leur mentor, il y a bien sûr un pas que certains, à quelques mois de l'ouverture de la succession au poste de sélectionneur national, franchiraient volontiers. A 57 ans, Novès rêve-t-il seulement d'ailleurs ? Toute la question est là.