Les origines. Il y a longtemps, très longtemps (mais dans notre galaxie), les patins à glace, constitués d'os de bœuf, étaient d'abord et avant tout un moyen de locomotion, ce qui dériva logiquement vers le patinage de vitesse. Il faut attendre le début du XIXe siècle pour que l'ouvrage Le vrai patineur ou les principes sur l'art de patiner avec grâce pose les bases du patinage dit "artistique". A la fin du XIXe siècle, les premiers championnats ont lieu en Grande-Bretagne et l'International Skating Union (ISU) voit le jour. Le sport fait son entrée aux Jeux (d'été) de Londres, en 1908, avant d'être l'un des événements majeurs des premiers JO d'hiver, à Chamonix, en 1924.
Les compétitions. Lors des grands rendez-vous, le patinage artistique comporte quatre épreuves (hommes, femmes, couples et danse), comptant chacune deux programmes : le court (avec des figures ou/et une danse imposée) et le libre, où les patineurs sont... libres. Quelle différence me direz-vous entre couples et danse ? Comme son nom l'indique, la danse revêt un caractère plus artistique : les sauts et les portés au-dessus de la ceinture sont interdits, ce qui n'est pas le cas dans la catégorie "couple", plus spectaculaire, avec ses sauts parallèles et ses lancers dans les airs. A noter que l'ISU reconnaît également une cinquième discipline, le patinage synchronisé, qui, comme son nom l'indique, consiste à faire le même programme, en parallèle.
Le règlement. Les amoureux du 6.0 ont du mal à s'en remettre. Le célèbre système, mis en place en 1905, a disparu un peu moins d'un siècle plus tard, en 2004, pour laisser place au "CoP", code of points. La double notation persiste mais elle porte désormais le nom de "notation technique" et "notation des composantes du programme". Après bon nombre de scandales, on a bien pris soin d'enlever le terme artistique (un beau paradoxe), jugé trop ouvert à la subjectivité des juges. Désormais, les patineurs sont notés très précisément sur un certain nombre d'éléments, avec des déductions en fonction des fautes commises. Le calcul reste évidemment affaire de spécialistes...
Les sauts. Ils portent parfois des noms barbares et constituent le cœur des programmes dans trois des quatre épreuves du patinage artistique. Les sauts se répartissent en deux grandes catégories : les sauts de carre (salchow, boucle et axel, le plus difficile) et les sauts piqués (lutz, boucle piqué et flip). Ce qui les différencie n'est pas la figure réalisée mais l'impulsion et la réception (et donc le placement du pied d'appui). En l'air, les sauts varient de la simple (c'est raté...) à la quadruple rotation, évidemment la plus difficile. C'est parce qu'il allie la puissance physique nécessaire à de tels sauts et une grande discipline technique que le Russe Evgueni Plushenko possède l'un des plus beaux palmarès de tous les temps (champion olympique, triple champion du monde et septuple champion d'Europe).
Evgueni Plushenko est sacré champion d'Europe 2012 :
L'icône. Dans le petit monde parfois aseptisé du patinage artistique, Philippe Candeloro a fait voler pas mal de conventions. Il a inventé une pirouette, se terminant à genoux, multiplié les personnages pittoresques en compétition (de Lucky Luke à D'Artagnan) et toujours fait le spectacle lors des galas, des performances qu'il a parfois terminées torse nu et qu'il a souvent agrémentées de son fameux salto arrière. Aujourd'hui, Candeloro s'est recyclé dans le rôle d'agitateur télé, que ce soit aux commentaires avec Nelson Monfort (avec parfois quelques blagues bien lourdes et bien grasses) ou dans des émissions de télé-réalité de plus ou moins grande qualité (Le Ferme célébrités, Chante... si tu peux, Danse ou avec les stars,...).
La star. Elle est au patinage artistique ce que la Roumaine Nadia Comaneci a été à la gymnastique. L'Allemande Katarina Witt a incarné la perfection au féminin, particulièrement lors de ses deux titres olympiques, en 1984, à Sarajevo, et plus encore en 1988, à Calgary, dans le rôle de Carmen. La native d'Allemagne de l'Est a également été la première star de la discipline. A l'issue de sa carrière chez les amateurs, Witt a ainsi réussi à faire fructifier son talent, à la fois sur la glace, avec des tournées à son nom, mais aussi en dehors, avec de nombreuses publicités et quelques photos dénudées dans Playboy...
Katarina Witt réalise un programme parfait :
La légende. Dix championnats du monde consécutifs, six titres européens et trois titres olympiques. Entre 1927 et 1936, saison à l'issue de laquelle elle décida de quitter le monde amateur, la Norvégienne Sonja Henie a gagné toutes les compétitions auxquelles elle a participé. Considérée comme la plus grande patineuse de tous les temps, elle révolutionna son sport, à la fois sur le fond (introduction d’éléments de danse) et sur la forme (port de la jupe). Sonja Henie joua également dans plusieurs films, devint citoyenne américaine, se maria à trois reprises mais fut également soupçonnée de sympathie pour le régime nazi. Elle succomba à l'âge de 57 ans, d'une leucémie, sur un vol Paris-Oslo. Une vie digne d'un scénario hollywoodien.
L'histoire. Si la vie de Sonja Henie pourrait donner lieu à un sacré biopic, l'affaire Nancy Kerrigan-Tonya Harding offre le matériau idéal pour une incroyable série B. Alors qu'elle s'entraîne en vue des championnats des Etats-Unis 1994, Nancy Kerrigan, la brune, tenante du titre, est victime d'une agression à la barre de fer. Sur les images filmées dans les coursives de la patinoire, on la voit s'écrier "why, why, why ?" ("pourquoi, pourquoi, pourquoi ?") Parce que l'entourage de sa rivale, Tonya Harding, voulait s'assurer de la présence de sa championne aux Jeux olympiques de Lillehammer. Peine perdue. La blessure à un genou de Kerrigan ne l'empêche pas de s'aligner aux JO. Les Etats-Unis se passionnent alors entre "Kerrigan-la gentille" et "Harding-la méchante". La brune décrochera la médaille d'argent tandis que la blonde, 8e, s'offrira une crise de larmes avec un problème de lacets...
Nancy Kerrigan est agressée à l'entraînement :
Le scandale. Des Français champions olympiques de patinage artistique, il n'y en a que quatre : deux fois deux. Andrée Joly et Pierre Brunet ont décroché le titre olympique en couples, en 1928 et 32. Soixante-dix ans plus tard, en danse, Marina Anissina et Gwendal Peizerat furent à leur tour sacrés, en danse, à Salt Lake City. Malheureusement, ce titre fut aussi marqué par l'affaire des notes, qui conduit à la refonte totale du système de notation. Marie-Reine Le Gougne, la juge française, expliqua avoir subi des pressions de la part du président de la Fédération française des sports de glace de l'époque, Didier Gailhaguet, pour favoriser la victoire du couple russe contre un soutien du juge russe à Anissina-Peizerat lors de l'épreuve de danse sur glace. La France, les JO et le patinage, quelle(s) histoire(s) ! Les plus vicieux (ou les plus émus) d'entre nous se rappellent encore du programme libre de la Française Laëtitia Hubert, qui avait multiplié les chutes à Albertville, en 1992, ou de cet aveu de Brian Joubert, à Vancouver, en 2010 : "p... de JO de m..., j'y arriverai jamais".
Anissina et Peizerat remportent la médaille d'or :
Le clip. Pour accompagner sa reprise du groupe World Party, She's the one, sortie en 1999, Robbie Williams signa un clip ancré dans le monde du patinage artistique, où, comme à son habitude, il se met en scène avec l'ironie qui le caractérise. L'entraînement, la blessure, l'alchimie des couples, la victoire, le "kiss and cry", les notes (avec un 6.1 du juge britannique...), tout y passe. Tout ce pourquoi on aime le patinage artistique, dont le charme, quoi qu'un peu suranné, continue d'agir...
Robbie Williams chante She's the one :