C'est elle la vedette, à Roland-Garros, à Barcelone ou cette semaine à Monte-Carlo. Elle rougit les chaussettes blanches des joueurs. Les spectateurs, eux, essaient toujours d'en emporter dans leur poche en souvenir. A l'époque, elle était ocre. Si on attribue sa création aux frères Renshaw (des joueurs anglais), les premiers courts voient le jour dans l'hexagone. En 1927, la France remporte la Coupe Davis aux Etats-Unis. Si le vainqueur remporte le saladier d'argent, il se voit également dans l'obligation de recevoir le finaliste l'année d'après. "Il n'existait pas de court de terre battue digne de ce nom à l'époque", raconte Bruno Flastan, responsable adjoint du service des courts de Roland-Garros. "La France a donc décidé de construire cette année-là le court central, qui existe toujours porte d'Auteuil (renommé depuis Court Philippe Chatrier)".
Orange dans le Sud, gris-vert aux Etats-Unis
Les organisateurs dénichent une bonne affaire, une carrière de brique écrasée à Saint-Maximin, dans l'Oise. Depuis cette date, Roland-Garros n'a jamais changé de fournisseur. Si la technique de fabrication est la même en France (la couche de brique - 2 à 3 mm - est étalée sur une couche de calcaire - 6 cm), la couleur peut varier du Nord au Sud. Dans le Nord, la terre sera beaucoup plus ocre que dans le Sud. "Dans le Sud, elle sèche beaucoup plus vite", explique Bruno Flastan. "Il faut l'arroser beaucoup plus régulièrement et elle sera donc beaucoup plus orangée". Conséquence également sur le jeu, plus la terre est sèche et plus les échanges seront rapides.
Si vous devez disputer une rencontre de terre battue de l'autre côté de l'Atlantique, ne soyez pas surpris en arrivant aux abords du court. Là-bas, on joue sur du gris-vert. "La terre est plus rapide qu'en Europe mais on glisse beaucoup moins bien", se souvient l'ancienne joueuse française Nathalie Tauziat, qui a notamment disputé le tournoi de Charleston (Caroline du Sud). Aux Etats-Unis, il n'est pas question de pigmentation. Si les courts sont grisâtres, c'est uniquement en raison de la provenance de la terre.
Des coups marketing et des changements de couleurs
Mais si ces couleurs sont naturelles, certains tournois ont tenté des coups marketing. La saison passée, la direction du Masters 1.000 de Madrid décide de pigmenter la terre en bleu. Effet visuel garanti mais grosse colère des joueurs. En s'inclinant en huitièmes de finale, Rafael Nadal avait laissé entendre qu'il y "aurait un tournoi en moins dans son calendrier". Très remonté contre cette surface, Novak Djokovic avait aussi poussé son coup de gueule : "soit je viens avec des chaussures de foot, soit je demande des conseils à Chuck Norris !". Et d'expliquer : "il n'y a aucune similarité avec l'an dernier, c'est beaucoup plus glissant. La granulosité de la terre battue bleue et rouge est complètement différente". Pour assurer leur défense, les organisateurs invoquent alors le confort visuel du téléspectateur. Rien à voir donc avec la couleur du sponsor principal mutua… Mais on ne rigole pas avec la qualité des courts. Après la colère généralisée, Madrid reviendra à l'ocre en 2013.
Si Madrid semble être un cas bien à part, existe-t-il des différences fondamentales quand la terre change de couleur ? "Plusieurs études ont déjà montré que les couleurs des maillots pouvaient modifier le comportement des joueurs", avance Jean-Cyrille Lecoq, psychologue du sport. "Mais rien ne permet de dire que la couleur de la surface change quoi que ce soit. Seuls les mauvais perdants peuvent s'en servir comme excuse".
Pour avoir disputé un match exhibition sur une terre battue rose, Nathalie Tauziat n'a pas noté d'énormes différences. "J'ai retrouvé les mêmes sensations que sur un court classique", confie l'ancienne n°3 mondiale. "Ça faisait juste un peu mal aux yeux, c'est tout". Si la couleur ne change pas grand-chose, cette opération "girly", taxée de sexisme, s'est offert une mauvaise publicité.