La photo est plutôt inhabituelle. Les champions du monde, Iker Casillas, Carles Puyol et Xabi Alonso, réunis avec une centaine d’autres footballeurs espagnols pour appeler à la grève. Jeudi, ils ont décidé qu’ils ne joueraient pas les deux premières journées de championnat de Liga si un fonds de garantie pour les salaires n’était pas créé d’ici là. Une "union sacrée" qui en dit long sur le chaos économique qui règne dans le foot espagnol.
Que s’est-il passé ? Jeudi, l’Association des footballeurs espagnols (AFE) a lancé un appel à la grève pour protester contre les salaires impayés dans de nombreux clubs. En 2011, près de 200 footballeurs auraient été concernés et près de 50 millions d’euros n’auraient pas été versés. "Certains joueurs du Rayo Vallecano n’auraient pas été payés depuis plus de 18 mois", rapporte Ignacio Ruiz, journaliste au quotidien As, contacté par Europe1.fr. Et l’AFE n'entend pas baisser a garde aussi facilement : "la Liga ne débutera pas tant qu’une nouvelle convention n’est pas signée". En gros, les joueurs réclament une garantie financière pour être sûrs de percevoir leurs salaires, même si un club venait à faire faillite.
Quelle est la situation économique des clubs ? "Les clubs espagnols sont les plus endettés d’Europe", assure Bastien Drut, auteur de l’ouvrage Economie du football professionnel, contacté par Europe1.fr. Et de poursuivre : "les 20 clubs de Liga cumulent près de 3 milliards d’euros de dettes". Si le Barça et le Real Madrid ne sont pas concernés par cette situation catastrophique, les autres clubs sont dans une position très inconfortable. "Si les clubs sont aussi endettés, c’est parce qu’il y a une absence totale de régulation financière", souligne Bastien Drut. Là où la Direction nationale du contrôle de gestion veille, en France, à la bonne santé économique des clubs, leurs homologues espagnols ne sont pas suffisamment encadrés.
La crise économique est-elle responsable ? La crise économique a eu un effet immédiat sur la situation financière des clubs ibériques. "Tant que les clubs arrivaient à emprunter, il n’y avait pas de problème. Mais comme le secteur bancaire est actuellement en grande difficulté, les clubs se retrouvent dans des situations très périlleuses", explique Bastien Drut. Pour tenter de résorber leurs dettes, les clubs n’ont pas hésité à tailler dans leur masse salariale, en clair ils n'ont pas versé leurs salaires aux joueurs. Mais ces derniers semblent résignés et ne veulent plus payer les pots cassés.
Les droits TV posent-ils problème ? La première demande de l’Association des footballeurs espagnols concerne bien évidemment les salaires. Mais les désaccords sont très nombreux avec la Ligue de football professionnel. Depuis plusieurs mois, de nombreux clubs se plaignent notamment d’une répartition inéquitable des droits TV. "En France, ces droits sont vendus de manière collective aux chaînes de télévision intéressées", commente Bastien Drut. Et d’expliquer : "en Espagne, les droits TV sont vendus individuellement. Le Real Madrid et le Barça se disputent les gros morceaux et les 18 autres clubs se battent pour les miettes".
Pourquoi des joueurs si populaires se sont joints au mouvement ? En mars dernier, l’AFE avait déjà menacé la Ligue de faire grève. Cette menace n’avait pas été mise à exécution. Mais cette fois, le conflit semble beaucoup plus profond. Et ce grâce aux soutiens de joueurs très connus tels qu’Iker Casillas (Real Madrid), Carles Puyol (FC Barcelone) ou Xabi Alonso (Real Madrid). Le gardien de la sélection espagnole s’est montré très ferme jeudi : "nous devons être solidaires avec ceux qui sont en difficulté. Nous sommes déterminés à ne pas jouer".