Il fallait s’en douter. L’affaire des quotas dans le foot français, révélée par Mediapart jeudi dernier, fait énormément parler. Responsables politiques, entraîneurs de Ligue 1 et joueurs ont eu des avis bien différents.
Aubry tire la première
La première secrétaire du PS a immédiatement réagi. Dimanche, Martine Aubry a jugé "inacceptable, terrifiant et imbécile" le scandale des quotas de joueurs binationaux dans les structures de formation fédérales. Elle regrette par ailleurs les excuses "tardives" du sélectionneur Laurent Blanc. La chef des socialistes est en revanche plus nuancée concernant Fernand Duchaussoy, le président de la FFF. "C’est un homme du Nord, un homme ouvert dont je sais qu'il ne peut pas accepter tout propos de racisme. Et de conclure : la suspension de François Blaquart "est une bonne décision, attendons la fin de l'enquête".
Autre responsable socialiste à s’être exprimé sur la question, Manuel Valls, futur candidat aux primaires. Le député de l’Essonne a estimé dimanche qu'il y a eu "beaucoup de maladresse" de la part des responsables du football français. Il a jugé "insupportable" l'idée qu'il puisse y avoir du racisme dans le choix des sportifs. Et de poursuivre : "on voit bien qu'il y a un malaise dans notre société, du racisme et de la discrimination. Tout mot, toute attitude, toute décision -même s'ils n'ont pas pris de décision sur les quotas- peut créer beaucoup d'émotion".
Moins nuancé que Manuel Valls, Safia Otokoré, vice-présidente du PS en charge des sports de la région Bourgogne a demandé la démission de Laurent Blanc.Les propos du sélectionneur Laurent Blanc révélés par Mediapart, le "disqualifient". Le Parti communiste a quant à lui demandé, dimanche, une "commission d'enquête indépendante" pour régler l’affaire. Dans un communiqué, le PCF a précisé que "si de tels faits sont avérés, de lourdes sanctions devront être appliquées contre les instigateurs d’une telle politique de détection raciale ".
"Au cœur d’un scandale"
Dans ces nombreuses réactions, Jean-Luc Mélenchon, le co-président du Parti de gauche, s'est montré le plus virulent. Invité de France Inter, il a jugé dimanche "assez grotesque" l'affaire des quotas dans le football, en estimant que le sport, déjà "pourri par le fric", semble désormais l'être "par la xénophobie".
A droite, Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République, a estimé que le sélectionneur des Bleus et le directeur technique national (DTN) François Blaquart étaient "victimes de la nouvelle inquisition". Et d’expliquer : "l'empressement du ministère des Sports et de la Fédération française de football à mettre à pied le DTN est ahurissant. Ce dernier a tout bonnement été sacrifié sur l'autel de la bien-pensance".
Dans le monde du foot, les réactions sont aussi très partagées. Pour Lilian Thuram, ex-défenseur des Bleus et ancien membre du conseil fédéral de la FFF, l'affaire des quotas représente "un vrai scandale". Il a ajouté dimanche sur TF1 que le cas des binationaux soulevé par Laurent Blanc était "un faux problème". Lilian Thuram n’a pas bien accueilli ces révélations. "J'ai été d'abord un peu déstabilisé. Je me suis dit que c'était faux. J'ai passé des coups de fil à des membres de la DTN. Nous n'avons pas encore des preuves, mais il est clair que nous sommes au coeur d'un scandale".
Les entraîneurs et Diarra soutiennent Blanc
Après le match entre Rennes et Bordeaux (0-0) samedi soir, l’entraîneur des Girondins, Jean Tigana a tenu à préciser que "suspendu ne veut pas dire éviction. Je n'ai pas à donner mon avis car je n'ai pas suivi l'affaire. Je vais me renseigner ce week-end pour savoir ce qui s'est passé. Je vais appeler Laurent Blanc, on est une famille. Jean-Louis Gasset aussi, pour voir vraiment ce qui s'est dit et ce qui ne s'est pas dit".
Invité du Canal Football Club, le capitaine de l'équipe de France, Alou Diarra a défendu Laurent Blanc. "Il n'est pas raciste. Dans ses propos, je ne vois rien de raciste. Je vois juste un sélectionneur frustré, parce que son nombre de joueurs sélectionnables devient limité". Concernant l'idée d'introduire un quota de joueurs binationaux dans les filières fédérales de formation, Alou Diarra a été, en revanche catégorique : "c'est aberrant, il ne faut même pas réfléchir à cette idée-là".
Le coach du LOSC, vainqueur à Arles (5-0), s'est dit également "solidaire des personnes incriminées dans cette affaires". Rudi Garcia pense que c'est un "procès d'intention" qui est fait au sélectionneur de l'équipe de France. Frédéric Antonetti, lui, n’a pas vraiment envie de se pencher sur la question. Mais tout en sous-entendus, l’entraîneur de Rennes a donné sa version : "je ne connais ni les tenants ni les aboutissants. Rien ne me choque, on est dans une société un peu bizarre, je ne connais rien de l'histoire et ça ne m'intéresse pas."
Les joueurs de football, eux-mêmes, n’ont pas été aussi bavards. Très peu ont souhaité s’exprimer à ce sujet. Le milieu international polonais Ludovic Obraniak a tout de même apporté quelques précisions. "On ne peut empêcher les choses. Moi-même j'ai été en espoir avec les Bleus et puis plus appelé. Il y a peut-être un problème par rapport aux sélections. Il n'y a pas plus à dire là-dessus". Et de conclure : "ça m'étonne que ce débat tombe à ce moment-là. Il n'y a pas de racisme dans le foot".