La phrase. Les dérives racistes de certains supporters italiens ont déjà de nombreuses fois fait la Une des journaux. Aujourd'hui, c'est l'un des favoris au poste de président de la Fédération italienne de football qui suscite la polémique. Actuellement vice-président de la Fédération (FIGC), Carlo Tavecchio a lancé lors d'une réunion publique pour sa candidature une phrase censée souligner les lacunes du foot Italien : "Disons que, n'importe quel joueur, qu'on appellerait Opti Poba, arrive ici. Hier, il mangeait des bananes, aujourd'hui il joue titulaire à la Lazio de Rome. Et tout le monde est content. En Angleterre, c'est différent : il doit prouver son talent avant de jouer".
Des excuses, mais pas de retrait. Opti Poba n'existe pas. Mais de nombreux observateurs semblent dire que la phrase de Carlo Tavecchio semble viser le milieu de terrain français Paul Pogba, qui évolue à la Juventus de Turin. L'intéressé a toutefois présenté ses excuses et assuré qu'il ne ciblait personne. Et il a confirmé sa candidature au poste. "J'accepte toutes les critiques mais pas l'accusation de raciste parce que toute ma vie témoigne du contraire", s'est défendu l'homme âgé de 71 ans et au long passé de dirigeant, notamment dans les instances du football amateur.
Tollé. Soutenu avant ce dérapage par une très grande majorité des clubs de Serie A et Serie B (1ère et 2e div.), Carlo Tavecchio se retrouve aujourd'hui un peu plus isolé. La Fiorentina, le club emblématique de la ville de Florence, a d'ores et déjà fait savoir qu'elle lui retirait son soutien. "Fidèle à nos valeurs éthiques et civiles et à la lumière des déclarations récentes de M. Tavecchio, nous considérons notre soutien à sa candidature comme désormais impossible", indique le club sur son site internet. Une position partagée, entre autres, par la Sampdoria de Gênes et son président, Massimo Ferrero, ainsi que par l'association des footballeurs et la Fifa elle-même.
Dans une lettre adressée à la Fédération italienne de football, la Fifa a appelé "à prendre les mesures appropriées pour enquêter et statuer […]. La lutte contre le racisme est de la plus haute priorité ", sur l'affaire Tavecchio.
L'affaire devient politique. Les politiques ne sont pas non plus en reste, le président du Conseil italien Matteo Renzi regrettant "un inqualifiable but contre son camp". Il n'a pourtant pas appelé à des sanctions à l'encontre de Tavecchio, jugeant que le gouvernement n'avait pas à s'immiscer dans cette affaire. Député au sein de son parti (PD, centre gauche), Khalid Chaouki, né à Casablanca (Maroc) a lancé lundi une pétition en ligne intitulée "Tavecchio ne peut représenter le football italien": une initiative qui a déjà rencontré l'approbation de près de 15.000 signataires.
Quelques soutiens. Des voix s'élèvent pourtant pour défendre celui qui a déjà été condamné cinq fois dans le passé dans le cadre de plusieurs affaires de malversations, mais jamais pour racisme. Carlo Tavecchio peut ainsi se targuer de soutiens de poids puisque l'AC Milan, propriété de Silvio Berlusconi, la Lazio de Rome, à la réputation sur la question pas toujours flatteuse, ou encore le Genoa CFC, l'autre club de Gênes, ont tous confirmé leur appui.
"Il s'agit certes d'une phrase grave. Mais en politique, on a assisté à des glissades bien pires sans que cela pousse à des démissions", a également expliqué à la presse italienne le président du Genoa, Enrico Preziosi. La Fifa, qui mène depuis plusieurs années un combat contre le racisme, a elle demandé lundi l'ouverture d'une enquête sur ces propos racistes.
La Fédé n'était déjà pas l'une des plus fermes. Sans tête depuis le 24 juin et la démission de Giancarlo Abete au sortir de l'élimination de la Squadra Azzurra dès le premier tour du Mondial brésilien, la Fédération italienne de football connaîtra le 11 août le nom de son futur président. Entre lancés de bananes et chants offensants, le football italien s'est tristement illustré ces dernières années dans des affaires de racisme.
Et la Fédération ne s'est pas toujours montrée des plus fermes. En octobre dernier, elle a par exemple adouci les sanctions, en atténuant les suspensions de stade. Elle a, par exemple, introduit la notion de suspension "avec sursis". De plus, il faut désormais que les supporters fautifs soient "nombreux", "pour éviter que vingt idiots agités puissent nuire à 50.000 bons tifosi et causer la fermeture d'un stade entier", avait argumenté le président de la Ligue professionnelle (Lega), Maurizio Beretta.