Quand on entend parler d'Haïti, que ce soit à la radio, à la télévision ou dans les journaux, il est toujours question du tremblement de terre, des crises politiques, du choléra... Né à Port-au-Prince, Jean-Pierre Roy, Haïtien de 47 ans vivant en France depuis l'âge de 2 ans, a décidé de redorer l'image de son pays et de récolter des dons à la suite d'un pari fou: participer aux championnats du monde de ski de Garmish-Partenkirchen. A l'origine, un pari entre deux amisL'histoire de Jean-Pierre Roy commence avec un pari complétement fou entre lui et son ami Thierry Montillet, après avoir assisté aux derniers championnats du monde à Val-D'isère en 2009: "Nous avons vu le slalom géant femmes et les dernières concurrentes avaient un niveau de ski qui nous semblait accessible, raconte Jean-Pierre Roy. Nous avons alors plaisanté sur la possibilité que je puisse participer aux Mondiaux de ski de 2011, sous la bannière d'Haïti. A ce moment-là, l'idée d'associer le ski, mon sport favori, à un soutien pour Haïti était déjà présente." C'est la tempête abattue le 24 septembre 2010 sur son île natale qui a été le véritable déclencheur pour Jean-Pierre Roy: "Je suis retourné en Haïti en octobre, raconte-t-il. Le tremblement de terre (12 janvier 2010) et la tempête avaient ravagé le pays... La misère ambiante m'a explosé à la figure. Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire. Tout ce que j'ai eu, je l'ai obtenu grâce à la France: mes études, ma famille... J'ai alors estimé que c'était à mon tour de donner.." La création de la Fédération haïtienne de skiUne réunion de concertation avec Thierry Montillet le 26 septembre plus tard, histoire de jeter les bases du projet intitulé "l'Or Blanc pour Haïti", et voilà Jean-Pierre Roy parti pour ce qui semble être l'aventure de sa vie. Passionné de ski et ayant déjà participé à des compétitions amateurs (il skie "en moyenne une fois par semaine"), Roy va non seulement réussir à créer, avec l'aide de Montillet, la première Fédération haïtienne de ski (FHS) en retournant en Haïti afin de faire signer des documents auprès des représentants officiels de son pays, mais aussi se faire reconnaître officiellement par la Fédération internationale de ski (FIS) et le Comité international olympique (CIO). Tout cela grâce à la volonté de fer de Roy, et à l'aide du "professionnalisme" de la FIS, en particulier celui de Sarah Lewis, sa secrétaire générale qui l'a "aidé et orienté dans le strict respect des règles de la FIS." Le 6 novembre, la FIS enregistra l'arrivée de la FHS (pour deux années renouvelables), dont l'unique licencié n'est autre que... Jean-Pierre Roy ! La quête des points FIS Ne reste plus alors à "Rasta Piquet", surnom donné par la presse haïtienne en allusion aux "Rasta Rockets" de l'équipe jamaïcaine de bobsleigh qui avait fait sensation aux Jeux d'hiver de Calgary (1988), qu'à obtenir les points FIS nécessaires pour valider sa qualification aux championnats du monde, véritable "course contre-la-montre" pour le résident d'Orgerus, dans les Yvelines. Le 17 novembre, il se rend donc avec Thierry Montillet, devenu son entraîneur et intronisé secrétaire de la FHS, à Val-Thorens en Savoie, où il participe à sa première course FIS en slalom. Parti 92e, il termine 25e, lui apportant ainsi suffisamment de points pour son inscription à Garmisch-Partenkirchen. Après une 63e place au géant, la folle équipée décide de multiplier les courses (34e du slalom de Méribel, 40e du slalom de Chamonix) afin de s'entraîner aux pistes injectées que Roy rencontrera en Allemagne. Il faut dire que, comme s'amuse à le faire remarquer le skieur, ce dernier n'aura que "vingt jours de ski le jour de la course", par rapport aux autres coureurs qui auront derrière eux "vingt ans de pratique". Le premier grand-père à participer aux championnats du monde de skiAvouant qu'il doit être le premier "grand-père à participer aux championnats du monde de ski", Jean-Pierre Roy a donc gagné son pari et se présentera au départ de la célèbre et non moins redoutable piste de Garmish-Partenkirchen, lors des qualifications du slalom et du géant le 17 et 19 février. Les cinquante skieurs les plus rapides pourront alors se mêler à l'élite lors des épreuves décisives du lendemain. Mais bien évidemment, le but du natif de Port-au-Prince n'est pas d'aller chercher le titre mondial, mais d'aider Haïti de toutes les manières possibles, en relançant et maintenant la générosité en faveur de son île natale. Chaque don qu'il reçoit pour l'encourager (sur le site http://haiti.montillet.fr) est reversé au Secours populaire, pour la scolarisation des enfants d'Haïti, et à Alima, ONG qui lutte contre le choléra. "Mon objectif, explique le skieur, c'est que l'on parle d'Haïti une fois dans le monde sans parler du choléra, de la pauvreté, de la misère. Le but, c'est de voir Haïti au même niveau que les autres. Dans le portillon, on est tous pareils. Je suis l'Haïtien qui dévale les pentes pour essayer de remonter son pays. Si je peux contribuer à sauver une seule personne, j'aurai gagné ma médaille d'or blanc." Même si une qualification pour les épreuves finales constitueraient la cerise sur le gâteau: "Si jamais je suis qualifié, je pense que je ne vais pas m'en remettre. Je suis le seul coureur d'Haïti, il faut que j'assure! " Objectif Sotchi 2014Qu'il y parvienne ou non, l'objectif de Roy est déjà atteint, et ce "au-delà de (ses) espérances": l'opération médiatique est une véritable réussite et de nombreux skieurs professionnels de renoms tels que Lindsay Vonn ou encore Dider Cuche commencent à s'associer à sa quête. Les télévisions et radios de l'Europe entière s'arrachent le skieur. Véritable coqueluche de Garmish, il est régulièrement invité sur les podiums pour promouvoir son parcours, et, à travers lui, son combat pour Haïti. Mais le Franco-haïtien n'oublie pas pour autant un autre de ses projets qui lui tient à coeur: favoriser l'intégration de nouveaux skieurs au sein de la FHS, avec en ligne de mire les JO de Sotchi (Russie) en 2014. "Je recherche des skieurs qui ont le passeport haïtien ! J'ai eu reçu une demande il n'y a pas longtemps, d'un petit Haïtien qui a été adopté par une famille de montagnard français, dans les Alpes du Sud. C'est génial ! Lui, je le tiens à l'oeil", promet Roy, un brin amusé. Nul doute que "Rasta Picket" a déjà suscité bon nombre de vocations...