Sa percée sur la pelouse de La Mosson face à l'Argentine, trop rare déséquilibre créé par les trois-quarts du XV de France cet automne, a laissé entrevoir le potentiel d'Aurélien Rougerie à ce poste de trois-quarts centre que le Clermontois découvre au niveau international. De ses motivations à la 3e Coupe du monde qu'il espère disputer l'an prochain, "Roro" se livre avec la sérénité de ses 30 ans. SA RECONVERSION: "Pour moi et personne d'autre..." Avec Damien Traille à l'ouverture, c'est l'autre grand pari de Marc Lièvremont et de son staff en équipe de France cet automne, même si Rougerie n'a pas attendu les Bleus, dont il était plutôt écarté ces derniers mois, pour se trouver un intérêt au centre, où il a accepté de relever le défi d'abord à Clermont sous les ordres de Vern Cotter. "Je le fais pour moi et pour personne d'autre..., lâche le capitaine de l'ASM. Je n'ai pas besoin des coaches pour arriver me remettre en question. Les coachs coachent, les joueurs jouent..." Privé un temps de la sélection, Rougerie s'est lancé dans cette reconversion sur le tard avec l'appétit d'un minot. "C'est stimulant. Et puis on se recentre sur l'essentiel avec les partenaires du club, on essaye de faire du mieux qu'on peut et de travailler en conséquence sur tous les aspects de mon jeu. Mais tout n'est pas arrivé tout cuit, pendant plus d'un an, j'ai galéré et j'ai essayé les critiques. Aujourd'hui, ce qui a changé, c'est certainement le travail, parce que rien n'arrive tout cuit, alors essayer d'en faire un peu plus que les autres, de m'améliorer, d'être plus à l'aise sur certaines situations et de m'étoffer physiquement. Mais c'est sur le pré qu'on a les vérités." LE FINISSEUR DEVENU PASSEUR: "C'est un peu le poker..." Véritable chasseur d'essais du temps de sa carrière d'ailier exclusif avec 22 réalisations à son actif sous le maillot bleu, Rougerie avoue goûter aujourd'hui les subtilités du poste de trois-quarts centre, où il découvre la saveur d'un leurre bien placé, qui ouvrira la brèche et la voie de l'essai, pour son coéquipier. "C'est un peu le poker et la satisfaction, c'est de voir un partenaire passer entre deux mecs parce l'autre a mordu. Ça fait partie des trucs que je n'avais pas trop l'habitude de faire à l'aile..." SA DIMENSION PHYSIQUE: "L'engagement physique est toujours là" Avec Chabal, mais aussi et surtout avec Traille et Jauzion, au coeur de l'attaque tricolore, Rougerie sait qu'il incarne cette puissance physique qui, si elle peut faire des ravages dans le jeu, n'a pas encore produit l'effet boeuf escompté. Une dimension qui a pu aussi parfois lui jouer des tours comme lors du dernier Tournoi, en Ecosse, où pour éprouver dès les premières minutes son retour au niveau international, à l'aile encore à l'époque, il ira se briser dès sa première charge avant de céder sa place et de ne plus apparaître de la compétition. "L'engagement physique, il est toujours là sur les premiers contacts, mais à Montpellier, j'ai surtout essayé de penser à ce que j'avais à faire et à bien faire, en attaque, en défense... et surtout ne pas me louper, quoi ! Ça ne dure pas longtemps, le temps d'un premier contact." SA VISION DES WALLABIES: "Exploiter plusieurs failles" Adversaire à cinq reprises de l'Australie au cours de sa carrière en bleu (3 victoires, 2 défaites), le Clermontois n'ignore rien de la qualité des joueurs, qui composent les lignes arrières des Wallabies. "(il se met à tous les énumérer) Cooper, 10, Giteau, 12... (rires) Ils ont beaucoup d'individualités, ils sont bien rodés, avec là aussi des passages en leurre, pour ne pas dire à vide des avants, et ils essayent de les exploiter, tout en tentant d'user pas mal en termes d'endurance les défenses adverses sur dix, quinze temps de jeu. C'est leur grande force, ils sont capables de garder le ballon très longtemps." Brillants en attaque, ces Australiens ont des arguments aussi en défense: "Ils sont aussi à l'aise, ils occupent bien le terrain avec un gros premier rideau, un second et un troisième pas très fournis, mais avec des joueurs qui remontent aussi bien le ballon, Beale, Mitchell, ça ne leur pose pas de problèmes." Au rayon des faiblesses, il cible malgré tout l'ouvreur australien Quade Cooper: "Je crois qu'il a dû se faire remonter les bretelles, il sera sûrement attentif à ça. Mais, oui, on a fait du 10-12, du 13-14 aussi parce qu'il y a aussi des espaces dans leur défense. Ils sont très mobiles, mais pas forcément très denses. On espère exploiter plusieurs failles..." LA COUPE DU MONDE: "On connaît la règle du jeu..." A moins d'un an du rendez-vous néo-zélandais, auquel tout international en activité rêve forcément, Rougerie, du haut de ses 31 ans, de ses 58 sélections et de ses deux Coupes du monde disputées (2003, 2007), a pour lui de savoir ce qu'il en retourne... "Il faut bien à un moment donné passer au révélateur, lâche-t-il en vieux briscard. J'essaye de jouer ma carte à fond. Je reste avant tout au service du rugby et du collectif, après, si j'y suis, je serais très content et je ferais tout pour être au niveau. Et si je n'y suis pas, alors je serais déçu, mais ce sera ainsi... On connaît la règle du jeu depuis le début, c'est en toile de fond, et puis ça a le temps de changer, le Tournoi est en février, ça fait encore cinq matches, donc il y a de quoi en train de faire varier les positions, c'est certain."