Pierre Ballester, auteur d'un ouvrage sur les pratiques dopantes dans le monde de l'Ovalie*, prévient : "ce livre est un avertisseur, pas une charge anti-rugby". Et pourtant, ses acteurs le prennent comme tel. Interrogé par Europe 1, Mourad Boudjellal, président du RC Toulon, champion de France et d'Europe en titre, n'est pas tendre avec l'ancien journaliste du quotidien L'Equipe, connu notamment pour ses livres sur Lance Armstrong. "La première chose que je peux vous dire en tant qu'ancien éditeur, c'est que ce bouquin est conçu comme un coup marketing. Le dopage, il (Pierre Ballester) n'en a rien à cirer", souligne le boss du RCT, qui reconnaissait ne pas encore avoir eu l'ouvrage entre les mains au moment de l'entretien. "Il n'y a pas le début du commencement d'une preuve de rien. On a construit un coup marketing sur des hypothèses, c'est comme si moi je vous donnais l'hypothèse que Ballester a une double vie."
Pierre Ballester, qui a travaillé à la fédération française de rugby, évoque dans le dernier chapitre de son livre le club du RCT, et la réputation de son ostéopathe, Jean-Pierre Darnaud. Il fait intervenir Hubert Vidalin, qui a été le médecin chef du club de Clermont avant l'arrivée de Darnaud dans le staff, en 2006 : "j'ai eu des témoignages de joueurs qui me parlaient de mésothérapie, d'infiltrations de corticoïdes, de micro-injections de sang qu'on inocule dans une blessure pour accélérer la cicatrisation, ce qui se fait maintenant avec les plaquettes et la méthode dite PRP (platelet-rich plasma, "plasma enrichi en plaquettes")".
Mourad Boudjellal récuse le portrait qui est fait en creux de Jean-Pierre Darnaud. "Je le connais très bien. C'est la preuve que le journaliste n'a pas bien fait son boulot, Il a écouté le témoignage d'un mec (Hubert Vidalin, donc, ndlr) qui s'est fait virer de Clermont par Jean-Pierre Darnaud", insiste le président varois. "Le rôle d'un journaliste est de mesurer l'objectivité du témoignage que l'on a en face. Si demain, vous allez poser des questions à quelqu'un sur l'amant de sa femme, je doute qu'il soit élogieux à son sujet."
"C'est comme les crétins, il y en a autant dans le rugby qu'ailleurs." Si Mourad Boudjellal ne nie pas que certains joueurs puissent céder à la tentation du dopage - "c'est comme les crétins, il y en a autant dans le rugby qu'ailleurs" -, il récuse l'existence de tout dopage organisé. "Là où je peux être totalement formel, et là, je me fais l'avocat du Top 14 et de la Pro D2, je connais suffisamment les présidents, même ceux qui ne sont pas amis, c'est qu'il n'y a pas un président de Pro D2 ou de Top 14 qui a organisé un dopage dans son équipe, ça, j'en suis 100% certain." Pierre Ballester, qui explique avoir dû supprimer certains passages de son livre après relecture juridique, reconnaît lui aussi : "les démarches sont encore individualisées, mais si on n'y prend pas garde, ça peut faire tache d'huile". Ce qui est sûr, c'est que ce Rugby à charges met un peu d'huile sur le feu d'un débat relancé ces derniers mois par l'ancien joueur Laurent Bénézech.
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*Rugby à charges, l'enquête choc, Pierre Ballester, Editions de la Martinière, 293 pages, 19 euros