A quelques encablures de la finale Serbie-France, dont les premiers échanges seront donnés vendredi à Belgrade, quelques glorieux anciens qui ont fait l'histoire des Bleus dans l'épreuve par équipes nous ont livré leurs impressions. De Jean-Paul Loth à Paul-Henri Mathieu, en passant par Henri Leconte et Nicolas Escudé, retrouvez les confidences de vrais spécialistes qui croient tous en les chances françaises. Vu par Paul-Henri Mathieu, finaliste de la Coupe Davis en 2002: "Jouer la Serbie chez elle, c'est forcément une rencontre difficile. Mais pour moi c'est du 50-50. Pour eux ce sera la finale du siècle, leur première, avec au bout la possibilité de réussir quelque chose de très grand pour leur pays. C'est une sorte de finale de Coupe du monde. Mais ils vont aussi avoir une pression énorme sur les épaules. Est-ce que Troicki, Tipsarevic et Zimonjic, moins habitués aux grands rendez-vous que Djokovic, vont pouvoir la supporter ? Ce n'est pas sûr. Car contrairement à ce que l'on peut croire, jouer à domicile ne présente pas tous les avantages. Le public il aide mais il met aussi de la pression. Là ils seront 20 000 à attendre qu'ils gagnent. Nous, en jouant à l'extérieur, on aura moins à perdre. Même si ça reste une finale. Le début de la rencontre sera primordial. C'est après le premier simple que la pression penchera plus dans un camp que dans l'autre. Et il est claire que le double sera, comme très souvent en pareil cas, très important. Sans doute un point charnière. En simple, Djokovic sera dur à battre mais il n'est pas imbattable. Il est plus prenable que si on jouait l'Espagne sur terre battue et qu'il fallait faire face à Nadal. Les autres points paraissent néanmoins, sur le papier, plus indécis. Mais je pense vraiment qu'ils peuvent ramener la coupe en France." Vu par Nicolas Escudé, ancien joueur, vainqueur de la Coupe Davis en 2001 et actuel capitaine de l'équipe de France de Fed Cup: "Pour cette finale, je pense que l'équipe de France a un potentiel extraordinaire. Il manque Jo (Tsonga), qui a apporté beaucoup à l'équipe ces derniers mois, notamment par les résultats qu'il a obtenus et les valeurs qu'il défend. Je pense d'ailleurs qu'il a tenu un rôle particulier dans l'évolution de Gaël (Monfils) qui a compris depuis peu ce que représentait vraiment l'équipe de France. Même sans Jo, on a quand même une équipe qui a de la gueule. On sera un peu novices à ce niveau c'est sûr, même si Mika (Llodra) et Nono (Clément) étaient là en 2001, en tant que cinquième et sixième hommes. Ils ont plus d'expérience de ce genre d'événements et vont pouvoir rassurer les plus jeunes. Il le faudra parce que l'ambiance à Belgrade risque d'être très chaude. Mais je suis plutôt confiant. Ça ne va pas être simple mais on a une bonne carte à jouer. Le double sera sûrement la clé de cette rencontre. Parce que Djokovic ce sera dur d'aller le chercher. Il faut plutôt miser sur les points contre leur n°2. Ce sera dur, mais tout est faisable." Vu par Henri Leconte, ancien joueur, vainqueur de la Coupe Davis en 1991: "Ce sera un contexte de Coupe Davis, mais je crois qu'il faut arrêter de mettre en avant ce qui peut arriver là-bas. C'est normal, la Serbie a aussi la chance de gagner cette Coupe Davis, ils ont la chance de jouer chez eux, ils seront 18000 contre 2000, ce sera à nous de faire plus de bruit et à nos joueurs d'être plus forts que ça ! C'est le sport qui doit l'emporter avant tout. Ça va être chaud, il va y avoir beaucoup de bruit, beaucoup de choses qui peuvent déstabiliser, donc il faudra être prêt mentalement, être vraiment concentré sur son jeu, pas sur l'adversaire, ne penser qu'à soi, qu'à sa tactique, qu'à son équipe, ne pas craquer, c'est ça qui est le plus dur. Gaël (Monfils) a le potentiel pour faire la différence, 1-1 ce serait bien le premier jour. La clé, ce sera le double, il est primordial, il faut le gagner. La victoire de Llodra sur Djokovic à Bercy, psychologiquement, c'est important, mais la Coupe Davis n'a rien à voir. On a vu, comme moi contre Sampras en 1991, des joueurs comme l'Allemand Carl-Uwe Steeb, qui était aux alentours de la 150e place, battre Mats Wilander, alors n°1 mondial (lors de la finale remportée par l'Allemagne face à la Suède en 1988, ndlr). Reste aussi à savoir comment sera la surface, à mon avis elle sera très lente, ce qui sera un critère important pour le choix de Guy. Voudra-t-il ménager Mika pour le double et le dernier jour ? Est-ce que Gaël est à 150% ? Si c'est le cas, il peut mettre une branlée à n'importe qui. Côté serbe, Tipsarevic a selon moi plus le potentiel que Troicki, car c'est un mec qui adore les grosses ambiances, il est un peu fou, survolté par le fait de jouer pour son pays, comme Mika ou comme moi à l'époque. On aime ça, et on viendrait à la nage pour jouer un tel match, c'est ça la différence entre cette équipe de France et d'autres équipes de France. Ça va être électrique, la Serbie, ils n'ont jamais gagné la Coupe Davis, c'est leur chance." Vu par Jean-Paul Loth, ancien capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis, finaliste en 1982: "Ils ont un numéro 1 meilleur que notre numéro 1, quel qu'il soit, mathématiquement, il va donc gagner ses deux simples. Donc on a l'obligation de gagner les deux simples contre le numéro deux et le double. Après, Djokovic s'est fait battre par Llodra à Bercy, donc on peut très bien le battre, mais combien de chances aura-t-il de le refaire en Serbie ? 40% ou moins ? Ça va dépendre de la surface, des balles, le capitaine va être obligé de prendre cet élément en compte pour savoir s'il fait jouer Llodra ou Simon. Monfils peut battre Djokovic, mais je serais à la place des Serbes, je me dirais que Djojovic va gagner ses deux simples. Et ils ont des deuxièmes joueurs qui sont des petits Phénix. Tipsarevic, c'est un drôle de bonhomme, il a battu tous les meilleurs mondiaux sur un match, son problème c'est d'aligner quatre-cinq matches d'affilée. Et s'il ne joue pas, Troicki n'est pas un manchot non plus. Donc leur numéro deux est au niveau de notre numéro deux, voire de notre numéro un. Nous, on a l'enthousiasme, les résultats récents de nos joueurs qui ont magnifiquement joué à Bercy, Monfils qui est capable de tout. On a aussi un très bon double. On a moins de chances que les Serbes, mais il n'est pas vrai que lorsqu'on joue à l'extérieur, on est en situation d'infériorité. Car chez vous, on attend tellement... Ça commence par votre femme, votre petite amie, vos enfants, vos parents, vos copains, puis la France ! Si nos joueurs sont prêts à affronter un public difficile, si le juge arbitre tient l'hostilité en mettant des points de pénalité, c'est possible de gagner dans des pays comme ça. Moi, je n'ai pas été un très bon joueur, mais quand j'avais de l'hostilité, ça me faisait un plaisir fou. Un joueur comme Lendl adorait ça par exemple, il n'était aimé nulle part, mais ça lui faisait un plaisir fou et ça lui donnait de l'énergie, donc ça peut être positif pour nos joueurs s'ils sont relativement zen, s'ils assimilent le contexte tout en restant dans le match. C'est un équilibre à bien gérer. Une performance est possible, s'ils la font, compte tenu de l'équipe en face, ce sera une très grande victoire."