S'il fallait une preuve supplémentaire de la motivation des clubs de football professionnel à lutter contre l'adoption de la taxe à 75%, Nicolas de Tavernost l'a apportée vendredi matin sur Europe 1. "Ce n'est pas en nous en enfonçant la tête sous l'eau de manière non-prévisible - tout ça n'était pas prévu - que l'on améliorera la situation !", a-t-il pesté. Le président du directoire du Groupe M6, propriétaire des Girondins de Bordeaux, s'exprimait au lendemain de l'adoption par l'Union des clubs de football professionnel (UCPF) du principe d'une grève pour le week-end du 26 novembre prochain.
"Comme tous les autres chefs d'entreprise, les patrons de club ont des difficultés. S'ajoute aux difficultés actuelles cette surtaxation qui pose un vrai problème. C'est je crois un mouvement de mauvaise humeur de l'ensemble des professionnels du football", a-t-il expliqué. "Je ne demande pas du tout à ce que le football soit traité de manière particulière. C'est bien une mesure de portée générale que nous demandons. C'est peut-être l'occasion avec le football de se rendre compte que cette taxe à 75% est insupportable, non pas simplement pour les clubs mais pour toutes les entreprises."
"On nous enfonce la tête sous l'eau" :
"Quand il y a une sottise, on peut toujours revenir dessus". Nicolas de Tavernost a défendu le principe qu'un club de football était avant tout une "entreprise de spectacle". "Elle embauche des gens qui doivent avoir une certaine qualité et qui ont un prix de marché. Il est celui que les clubs sont prêts à payer en Europe : nous sommes désavantagés pour les charges sociales, sur les impôts. Si nous voulons recruter des joueurs de qualité, nous devons les payer. Certains diront trop, mais si on veut faire du spectacle on n'a pas le choix. Pourquoi imposer une taxation, une hypertaxation pour ça ?"
La taxation à 75% sur la fraction de la rémunération supérieure à un million d'euros annuels a été votée le 18 octobre dernier par l'Assemblée nationale et doit s'appliquer pendant deux ans. Alors que François Hollande doit rencontrer les présidents de clubs la semaine prochaine, Nicolas de Tavernost espère encore que le texte sera modifié. "Je pense que, quand il y a une sottise, on peut toujours revenir dessus", a-t-il insisté. Un élément irrite particulièrement les présidents de clubs : la rétroactivité de la mesure. "Ça concerne également beaucoup d'autres entreprises, c'est pour ça que je m'implique : c'est l'occasion de montrer, y compris d'ailleurs pour la chaîne M6, l'absurdité d'un système de surtaxation rétroactif qui fragilise les entreprises avec un niveau considérable de taxe", a souligné le patron de M6.
Par ailleurs, Nicolas de Tavernost (ici avec le président bordelais, Jean-Louis Triaud) estime que cette mesure est de nature à creuser encore un peu plus l'écart entre les deux nouveaux puissants de la L1 et les autres. "Les seuls qui pourront s'affranchir de cette contrainte, c'est qui ?", a-t-il fait mine de s'interroger. "Monaco qui ne paie pas de taxes et d'impôts (les joueurs étrangers sont exonérés d'impôts), et ceux qui ont des ressources hors normes comme Paris. Ceux qui, comme nous, ont essayé d'avoir une gestion très professionnelle, très transparente, parfois difficile, on nous enfonce la tête sous l'eau : ce n'est pas possible."
Si la taxe passe, "nous ne jouerons plus". L'administrateur des Girondins, qui estime à six millions d'euros sur deux ans le coût de la taxe à 75% pour son club, a rappelé la possibilité d'un désengagement. "Nous sommes venus en 1999 gérer un club de football en difficulté", précise-t-il. "Nous l'avons, je crois, correctement géré. Ce club a eu à peu près tous les titres (champion 2009, Coupe de France 2013, Coupe de la Ligue 2002, 2007 et 2009, ndlr). Nous essayons de faire ça de manière très professionnelle, avec un centre de formation, en assumant le financement intégral, en s'associant avec la ville de Bordeaux pour construire un grand stade... Si l'on met des contraintes aux gens qui essaient d'avoir une exploitation professionnelle, de limiter la hausse des salaires, nous ne jouerons plus."
Ces menaces de désengagement interviennent dans un contexte sportif difficile pour les Girondins, actuellement quinzièmes du classement de Ligue 1. Depuis plusieurs mois, les rumeurs d'un départ de l'actionnaire vont bon train. Cette "crise" liée à l'adoption de la taxe à 75% est peut-être aussi pour Nicolas de Tavernost une occasion de faire un appel du pied à un possible repreneur, comme l'évoquait encore en début de semaine le quotidien régional Sud-Ouest.
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