Roger Federer qui quitte le court Suzanne-Leglen après avoir été battu par son compatriote Stan Wawrinka en quarts de finale. C'était le 2 juin 2015. La dernière image du Suisse Porte d'Auteuil. Et ça va encore durer un an… Lundi soir, l'homme aux 18 titres du Grand Chelem a mis fin à un suspense qui n'en était plus vraiment un : il ne participera pas à Roland-Garros, qui débutera le 28 mai prochain.
Unfortunately, I won't be playing @rolandgarros this year. I'll miss my fans in France, but appreciate your support https://t.co/vRcb4SvQga
— Roger Federer (@rogerfederer) 15 mai 2017
"J'ai travaillé très fort, à la fois sur et en dehors du court depuis un mois, mais en vue de jouer encore de longues années sur le circuit, je crois qu'il est préférable de ne pas participer à la saison sur terre battue et de me préparer pour l'herbe et le dur." Dur, le coup l'est assurément pour le tournoi de Roland-Garros, qui perd là l'un, voire le favori du public parisien, auteur d'un début de saison fantastique, avec des victoires à l'Open d'Australie et aux Masters 1000 d'Indian Wells et de Miami. Cette absence, la deuxième consécutive - l'an dernier, Federer avait déjà renoncé pour des raisons quasi identiques de préservation en vue des échéances futures -, amène à se poser la question : reverra-t-on un jour Roger Federer à Roland-Garros ?
"Son absence est un coup dur pour le tournoi, pour tous les fans, pas seulement de Roger Federer, mais de tennis", concède au micro d'Europe 1 Sébastien Grosjean, nouveau coach de l'Australien Nick Kyrgios. "Roger a le record de Grand Chelem, il vient de gagner à nouveau en Australie, c'est lui qui a fait le meilleur début de saison. Sur les trois premiers mois, il a été exceptionnel (19 victoires, 1 défaite)." Si Federer avait une petite chance de gagner à nouveau Roland-Garros après 2009, c'était peut-être cette année…
"C'est très difficile de se mettre à sa place", confie à Europe 1 Patrice Hagelauer, ancien Directeur technique national (DTN) du tennis français. "S'il prend cette décision, c'est qu'il se rend compte que ce serait problématique pour lui, que ça ferait peut-être trop et que ça pourrait le pénaliser pour les tournois sur herbe, spécialement Wimbledon, le tournoi du Grand Chelem qui est pour lui le plus facile à gagner." Enchaîner Roland-Garros, dont la finale se dispute le 11 juin, et Wimbledon, qui débute le 3 juillet sur une surface bien plus rapide, est toujours un défi. "C'est difficile, il n'y a que trois semaines", relève Patrice Hagleauer. "C'est vraiment un calcul de la part de Federer, pour essayer de s'économiser et d'être en forme à Wimbledon."
Roger Federer, qui fêtera ses 36 ans en août prochain, devait annoncer son choix de participer ou non à Roland-Garros le 10 mai. Il l'a fait cinq jours plus tard, le 15. "Au fond de lui, ça doit lui faire mal aussi (de ne pas participer à Roland-Garros). Mais, à un moment donné, il faut trancher. Ça lui a pris du temps pour que la décision se fasse…" Surface particulière, sur laquelle les rebonds sont plus hauts et les échanges plus longs en moyenne, la terre battue reste traumatisante. Federer, en délicatesse avec ses genoux et son dos ces dernières années, a fait un choix sage, mais aussi pragmatique.
Car il savait qu'en arrivant à Roland-Garros sans préparation spécifique et sans avoir participé aux trois Masters 1000 sur terre (Monte-Carlo, Madrid et Rome), il n'avait guère de chance de l'emporter, notamment parce qu'un joueur paraît aujourd'hui nettement au-dessus du lot, son vieux rival Rafael Nadal, vainqueur à Monte-Carlo, Barcelone et Madrid. "Il est dans une telle forme aujourd'hui que même un Federer en forme - et même si rien n'est jamais impossible avec Federer -, aurait eu des difficultés à le battre", concède Patrice Hagelauer. "Peut-être que ça a pesé aussi dans la balance. Peut-être que si Nadal n'avait pas eu cette forme-là, peut-être que Federer se serait dit qu'il pouvait gagner Roland-Garros…"
"Peut-être", l'histoire de Federer avec Roland-Garros est désormais plus faite d'incertitudes que d'espoirs. "Les fans vont me manquer, mais j'espère les revoir l'an prochain", écrit le Suisse en conclusion de son annonce. On peut en douter. "Ce qui va décider, je pense, de sa participation ou non, ce sera son état de forme physique", estime Patrice Hagelauer. "S'il est en forme physique, s'il se sent bien, s'il n'y a pas de bobo, s'il n'y a pas de fatigue particulière, il pourra peut-être revenir à Roland-Garros mais il aura toujours le même problème. Est-ce que la préparation de Roland-Garros, quand on a 36 ans et demi comme il aura l'année prochaine, est compatible avec des ambitions à Wimbledon derrière ?"
Pour revoir Federer à Roland-Garros, il faudrait donc qu'il ait peu joué - et donc peu gagné - en début d'année et qu'il n'espère plus briller à Londres ? Qu'il fasse du French Open son objectif de la saison. À 36 ans, et alors que Nadal est redevenu Nadal, c'est difficilement imaginable. On reverra Federer à Roland-Garros. Raquette en main ? Pas sûr.