Après Sydney 2000, Athènes 2004 et Londres 2012, Paris 2024. Tony Estanguet, 39 ans, est insatiable. Cinq ans après avoir décroché sa troisième médaille d'or olympique dans son canoë à Londres, l'athlète tricolore devenu dirigeant a obtenu ce qui s'apparente à un nouveau titre : l'organisation des Jeux dans l'Hexagone, cent ans après la dernière édition à Paris, en 1924. Au moment de l'officialisation, mercredi à Lima, l'ancien céiste, qui fut médaillé d'or dès l'âge de 22 ans seulement, reconnaît avoir "ressenti énormément d'émotion parce que c'était un moment de fierté de voir la France gagner ce rendez-vous". Gagner, oui. Car, si la dernière étape, le vote des membres du Comité international olympique (CIO) a été une formalité, il n'en a pas été de même tout au long de l'aventure, entamée dès le début de sa retraite, en 2012.
Dernier selfie avant la présentation... Après 3 années de travail place à l'émotion pour #Paris2024pic.twitter.com/Y0aNjZSWDE
— Tony ESTANGUET (@TonyESTANGUET) September 13, 2017
"Un leader naturel", selon Thomas Bach. "Il n'y a pas si longtemps que ça encore, les gens m'expliquaient que l'on n'avait aucune chance, qu'on n'allait pas gagner parce qu'en face, il y avait les Américains (la candidature de Los Angeles, ndlr), qu'il y avait ceci, cela, qu'en France, c'était trop compliqué de fédérer les politiques, qu'on n'y arriverait pas…", a rappelé Tony Estanguet au micro d'Europe 1, jeudi. "Aujourd'hui, certains m'expliquent toujours que ça va être très compliqué, qu'on ne va pas tenir les budgets (le budget global de Paris 2024 est estimé à 6 milliards d'euros, ndlr), mais moi, je ne vois pas pourquoi on n'y arriverait pas. J'ai envie d'y croire, je veux qu'on soit optimistes et ambitieux. On a tout pour réussir des Jeux incroyables."
Estanguet décroche un troisième titre olympique à Londres :
Ce volontarisme à tout crin, cette envie de bien faire, qui l'ont toujours accompagné au fil de sa carrière - il avait réussi à se relever d'une élimination en demi-finales à Pékin, en 2008, pour redevenir champion olympique à Londres, quatre ans plus tard -, a forcément plu au CIO et à son premier représentant, son président, Thomas Bach. "C'est un olympien avec toutes les qualités qui vont avec", souligne le dirigeant allemand, jeudi, dans les colonnes de L'Équipe. "Il est toujours déterminé, il a toujours envie d'apprendre, un peu comme s'il était à l'entraînement, il est discipliné, il sait qu'on ne peut avoir de succès seul, sans travailler avec son équipe. Il s'est développé comme un leader naturel, il était toujours capable de présenter son opinion, qui était toujours bien réfléchie. Je n'ai pas été surpris par son évolution."
Après le raté de Paris 2012, qui avait oublié de mettre en avant les sportifs pour jouer la carte politique, Paris 2024 a rapidement choisi de miser sur lui, dès le printemps 2015. Il avait tout pour plaire : un passé de champion olympique, un siège à la commission des athlètes du CIO et aussi une tête bien faite. En 2005, alors qu'il était encore sportif de haut niveau, le Palois avait décroché un master de l'Essec, prestigieuse école de commerce parisienne. Omniprésent dans les médias depuis plusieurs mois, le sourire vissé au visage et le ton juste, Tony Estanguet a parfaitement mené la barque parisienne. Il a formé avec Bernard Lapasset, co-président du comité de candidature, et Anne Hidalgo un trio soudé et complémentaire. "Je lui ai apporté ce que je savais, par expérience, de ce qu'il fallait faire ou ne pas faire", explique l'ancien patron de World Rugby. Quant à la maire de Paris, elle a loué mercredi à Lima quelqu'un de "concentré, entraînant, sérieux et précis".
Futur président du comité d'organisation.Interrogé par Libération, son premier entraîneur, Pierre Salame, dresse le portrait d'un perfectionniste, qui fut triple champion olympique mais aussi triple champion du monde. "Tony était extrêmement exigeant envers lui, mais aussi envers le coach, le médecin et tout ce qui devait être mis en œuvre pour le mener à la performance. Peut-être que l'écho passé de cette empathie qu'on lui reconnaît aujourd'hui est là : il passait beaucoup de temps à échanger et à définir." Échanger, Tony Estanguet va continuer à le faire dans les sept ans qui viennent, du haut de son poste de président du comité de candidature. "Les membres fondateurs de Paris 2024 ont souhaité que je sois le président du comité d'organisation, donc on va essayer d'assumer cette fonction", a-t-il rappelé jeudi avec humilité. "Ces Jeux, c'est un gros défi, c'est sûr, mais moi, je suis un homme de défis, j'aime ça", a-t-il aussi rappelé. L'habitude de dévaler avec talent des bassins à remous, parfois à contre-courant, pourrait lui être fort utile jusqu'en 2024…