L’INFO. Il a estomaqué tout le monde. Personne n’était à sa portée dimanche dans le mont Ventoux et son dénivelé qui n’a été gravi qu’à 14 reprises depuis le début du Tour de France. Mains sur le guidon, fesses sur la selle lors de cette terrible ascension, Chris Froome, le coureur anglais de l’équipe Sky, a littéralement écrasé la concurrence. Il a balayé Quintana, Contador -ses plus grands rivaux dans la montagne- qui pensaient pouvoir lui résister. Une domination outrancière dans cette 100e édition qui pose question. Comme après presque chaque exploit cycliste, l’ombre du dopage plane à nouveau sur la Grande boucle.
Une attaque de folie. De Chris Froome, qui vient lui aussi de s'imposer en jaune et qui a glané le maillot à poids de meilleur grimpeur, il restera une attaque au sprint d'une violence inouïe. Comme si le Ventoux n'était qu'un faux-plat :
Une comparaison avec Armstrong. Lors d'une conférence de presse lundi qui a duré un peu plus d’un quart d’heure, six des dix questions adressées au coureur portaient sur le dopage. Signe que la suspicion au sein de l’équipe Sky est de retour. Quand un journaliste lui a demandé pourquoi il s'était dit honoré la veille d'être comparé à Lance Armstrong pour sa victoire au sommet du mythique Ventoux, il a immédiatement corrigé. "Je n'ai jamais dit que j'étais honoré, j'ai dit que je prenais ça comme un compliment parce qu'il a gagné ces courses. Une fois ça dit, me comparer à Lance... Lance a triché, je ne triche pas. Point final", a rétorqué le Britannique, calmement mais fermement.
Le coureur américain, lui, a posté sur Twitter une petite pique à son encontre : "pas de cadeaux dans le Ventoux"
Hey @chrisfroome - no gifts on the Ventoux.— Lance Armstrong (@lancearmstrong) July 14, 2013
Un entraînement très dur. Mais depuis quelques années, tous les grands cyclistes ont été rattrapés par la patrouille. Froome, qui avait offert sur un plateau le maillot jaune à Wiggins lors de l'édition 2012 de la Grande boucle, n’a qu’un mot à la bouche pour répondre : travail, travail, travail ! "Je sais au plus profond de moi que je me suis entraîné extrêmement dur pour en arriver là. Je sais que tous mes résultats sont le fruit de ma détermination. J'ai le soutien d'une équipe fantastique", a expliqué Chris Froome pour justifier sa performance. "C'est tout l'ensemble de ces choses (qui font sa réussite, ndlr). Les gens peuvent parler d'autres choses, je ne peux pas, je ne sais rien de ces choses-là. Je sais ce que j'ai fait et j'en suis fier", avait-il assuré une minute plus tôt.
"Je trouve ça triste d'être assis là au lendemain de la plus grande victoire de ma carrière et de parler de dopage. Mes équipiers et moi-même avons passé des semaines loin de chez nous, à nous entraîner, à nous tuer au travail... Et on m'accuse d'être un tricheur et un menteur, ce n'est pas cool", a-t-il insisté.
La même puissance qu’Ullrich ou Armstrong. Le manager des Sky, Dave Brailsford, est lui aussi exaspéré par ce climat de suspicion : "en gros, vous me demandez comment vous prouver que nous ne nous dopons pas ? Vous allez tous poser la même question. On se creuse le cerveau chaque jour, on cherche la manière optimale pour vous prouver qu'on ne se dope pas."
"La dernière mode, c'est les données sur la puissance : trouver, comparer, interpréter des chiffres pour rendre évident que nous nous dopons. Les gens aimeraient qu'on rende publiques nos données. Je ne pense pas que les diffuser telles quelles serait la bonne chose à faire", a-t-il estimé en allusion au travail mené notamment par l'ancien entraîneur de l'équipe Festina entre 1995 et 1998, Antoine Vayer. Dans une chronique pour le journal Le Monde, ce dernier avait calculé la puissance de Froome : autour de 446 watts, soit le même niveau qu’Ullrich ou Armonstrong -tous les deux convaincus de dopage- en 2003. "Une performance quasi-mutante", avait-il affirmé le 8 juillet dernier.
Une utilisation approfondie du passeport biologique. Le manager des Sky est prêt à aller plus loin pour dissiper les suspicions. Dave Brailsford a plaidé pour une utilisation approfondie du passeport biologique, dispositif mis en place en 2009. "En théorie, le passeport biologique ne traite pas que des données sanguines, mais aussi du poids, de la puissance... Il donne le portrait complet d'un individu", a-t-il souligné. "On pourrait encourager l'AMA (Agence mondiale antidopage) à venir vivre avec nous, regarder nos données, avoir accès à tous les dossiers d'entraînement, les comparer aux résultats sanguins, au poids, toutes ces données qu'elle pourrait avoir sur une base régulière... L'AMA serait une bonne instance pour rassembler ces informations et pourrait dire au monde si c'est crédible ou non", a-t-il estimé.
Contador lui vient en aide. Comme à chaque fois lorsqu’il y a suspicion, le peloton vole au secours du coureur incriminé. Cette fois, c’est Alberto Contador -déjà suspendu par le passé pour dopage- qui lui a apporté son soutien. "Il n'y a pas de raison de douter de lui. C'est un grand professionnel, un coureur de très haut niveau. Il l'a montré pendant toute la saison. On peut avoir des hauts et des bas. Actuellement, il est tout en haut. J'ai pleine confiance en ses performances", a estimé le coureur espagnol, 3e du classement général, dans une interview à l’Agence France Presse. Le vélo est aujourd’hui propre, selon Contador : "pourquoi douter, les contrôles sont quotidiens ? C'est un grand professionnel."