"Je ne suis pas un tricheur", "Je suis un homme d'honneur" : au lendemain de la deuxième victoire de Christopher Froome sur le Tour de France, les tabloïds anglais The Sun et The Mirror s'attardent sur la profession de foi (et de propreté) du maillot jaune, qui a fêté dimanche son succès dans une drôle d'atmosphère, sur des Champs-Elysées refroidis, et pas seulement par le froid. Son accélération dans la montée vers La Pierre-Saint-Martin, qui lui a permis de faire la différence sur tous ses rivaux, a jeté un voile de suspicion sur "Froomey", sifflé sur le parcours et même cible de crachats et de jets d'urine.
Oliver Brown, spécialiste des sports du quotidien The Telegraph, relève que la course remportée par Froome "a probablement été le Tour de France le plus polémique de l'histoire récente", et il juge déplorable que Froome soit un vainqueur impopulaire alors qu'aucune preuve de dopage n'existe contre lui. "Froome est entré dans la Ville Lumière moins comme un champion porté en triomphe que comme une persona non grata, calomnié et ostracisé, bouc émissaire d'une controverse dont il n'était pas l'auteur", écrit Oliver Brown.
"Les critiques vivent dans un monde fantasmé", déclare Brailsford.
Le monstre du Loch Ness. De son côté, le quotidien The Times entame son article par des propos de Dave Brailsford, manager de l'équipe Sky et auteur d'une métaphore entre tricherie et monstre du Loch Ness. "Nous avons toujours des gens qui campent là-bas (autour du lac, ndlr) avec des jumelles en disant 'Je suis sûr que nous allons voir le monstre demain', mais il n'apparaît jamais. Il n'existe pas", a insisté Brailsford, ancien responsable de la performance du cyclisme sur piste britannique.
Pour les quotidiens britanniques, Froome paie le douloureux héritage des années Armstrong, vainqueur à sept reprises du Tour avant d'être convaincu de dopage. "Le legs d'Armstrong reste toxique, et cet héritage empoisonné était perceptible dans l'absence de confiance en Froome et en Sky", insiste le spécialiste du cyclisme William Fotheringham dans le Guardian, dont le titre de Une appuie sur les difficultés rencontrées par le leader de la Sky : "Froome maîtrise la pluie (et la tempête) pour remporter le Tour". D'autres quotidiens britanniques célèbrent plus simplement le premier Britannique double vainqueur du Tour. "Le ciel est la limite (jeu de mots avec Sky, qui signifie 'ciel' en anglais, ndlr) : Froome assure sa deuxième victoire sur le Tour", titre ainsi The Independent. "Froome fait l'histoire dans les rues de Paris", insiste de son côté The Daily Telegraph, qui met à sa Une une photo du maillot jaune avec son épouse, Michelle.
"Point de vue : exégèse d'un malaise." En France, si Le Parisien se contente d'un titre informatif ("Le sacre de Froome"), L'Equipe barre lui sa Une d'un "Je ne bafouerai jamais le maillot jaune", preuve que la polémique a fini par prendre le pas sur le sportif. Mais surtout, à l'intérieur, le quotidien, pourtant propriété, comme le Tour de France, d'Amaury Sport organisation (ASO), offre un "point de vue" à son journaliste Philippe Brunel, qui laisse aller sa plume dans la plaie. "Plus jamais, par la suite (après la montée de La Pierre-Saint-Martin, ndlr), on ne le reverra à ce niveau, si ce n'est en souffrance dans l'Alpe d'Huez, dans la défroque d'un pénitent. Comme s'il y avait deux Froome, deux versions inconciliables d'un même personnage", s'étonne l'auteur.
L'Equipe's front page: Froome: "I will never disgrace the yellow jersey". #TDFpic.twitter.com/0mn7OrldNa
— Mihai Cazacu (@faustocoppi60) July 27, 2015
Tout au long de cet article, intitulé "Exégèse d'un malaise", le journaliste pointe du doigt la part de responsabilité de l'équipe Sky, sûre d'elle-même, de sa force et de son discours, mais également de l'Union cycliste internationale (UCI), qui ne se donne pas tous les moyens de contrôler, les coureurs mais surtout les vélos. "Dans ce contexte, on finit par douter de tout, de Geraint Thomas (le lieutenant de Froome, ndlr), transmué en grimpeur à 29 ans - tout comme Bradley Wiggins (vainqueur du Tour devant Froome en 2012, ndlr) -, au point de rivaliser dans les cols avec Vincenzo Nibali", relève Philippe Brunel, qui s'étonne également de la présence d'Olivier Cookson, fils du président de l'UCI, Brian Cookson, dans le staff technique de l'équipe Sky...