Tour de France : des succès français en trompe-l’œil ?

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FOCUS - Les bons résultats des Français sur le Tour de France sont-ils une chimère ?

Deux victoires d'étape, un jour en jaune, quatre coureurs dans le Top 10 : le cyclisme français vit une première partie de Tour de France relativement inattendue. Est-ce que ces succès sont en trompe-l’œil ? Voici quelques éléments pour se faire une idée plus précise.

Romain Bardet (930x620)

NON : une belle génération de jeunes coureurs. Vainqueur d'étape et porteur du maillot jaune, Tony Gallopin (Lotto-Belisol) a 26 ans. Quatrième du classement général et porteur du maillot blanc de meilleur jeune, Romain Bardet (AG2R La Mondiale) en a 24. Thibaut Pinot (FDJ.fr), sixième, également. Et on ne parle pas ici de ceux qui ne sont pas sur le Tour. Nacer Bouhanni (FDJ.fr), 23 ans, a gagné trois étapes sur le Tour d'Italie en mai dernier. Alexandre Geniez (FDJ.fr), 26 ans, et Warren Barguil (Giant-Shimano), 22 ans, ont décroché des bouquets sur le dernier Tour d'Espagne, en septembre 2013. Dans un sport où on arrive à maturité autour de la trentaine, ces coureurs ont l'avenir devant eux.

Thibaut Pinot (930x620)

NON : la formation à la française excelle. Tant de talents d'un seul coup, ça ne peut pas être un hasard. Interrogé par le quotidien L'Equipe, le coureur espagnol Luis Angel Maté (Cofidis), considère que c'est là l'expression de l'efficacité de la formation à la française. "C'est le résultat du travail bien fait depuis de longues années, le fruit d'une formation parfaitement gérée et constructive. Le futur du cyclisme français s'annonce excellent." Le coureur espagnol met cette situation en parallèle avec ce qui se passe dans son pays, où les financements manquent, et où les jeunes coureurs n'ont pas les structures pour progresser.

Nibali sur le Tour (930x620)

NON : moins de dopage dans le peloton ? Outre la qualité de l'encadrement, on avance généralement deux arguments pour expliquer les succès français. La première veut qu'ils aient fait tomber les barrières mentales. Alors qu'ils passaient pour des losers depuis le début du siècle, ils croient désormais en leurs possibilités. C'est en tout ce cas ce que pense le Luxembourgeois Fränk Schleck, interrogé par L'Equipe : "la France a toujours possédé de bons coureurs, mais le facteur confiance est en train d'entrer en ligne de compte, et on les sent désormais décomplexés." Le fameux facteur confiance...

D'autres estiment que les Français bénéficient de la lutte antidopage. C'est parfois dit au détour d'un terme (L'Equipe parle d'un "climat assaini", Thomas Voeckler d'une "bonne image"). Antoine Vayer, ancien entraîneur de l'équipe Festina, est plus explicite. D'après ses analyses, publiées dans Le Monde, Jean-Christophe Peraud, 8e du Tour, développe une puissance en watts "humaine", loin des chiffres extravagants des années passées, des Miguel Indurain ou Lance Armstrong, voire des Chris Froome ou... Vincenzo Nibali, l'actuel leader du Tour.

Contador abandon sur le Tour (930x620)

OUI : un contexte favorable. Dernier Français présent sur le podium du Tour, en 1997, Richard Virenque tempère l'optimisme ambiant. S'il considère que la réussite tricolore n'est "pas un feu de paille", il estime néanmoins dans L'Equipe que le bon classement des coureurs français dans le Top 10 relève plus du conjoncturel que du structurel. "Leur dynamisme est favorisé par les chutes de Froome et de Contador. Sans ces accidents, ils auraient joué les seconds couteaux." Dur mais sans doute juste.

Bardet avec Hinault (930x620)
Lars Boom sur le Tour (930x620)

OUI : les "Bleus" encore loin des belles. Certes, les coureurs français sont capables de briller sur tous les types de profils, du sprint (Démare, Coquard) à la montagne (Pinot, Rolland). Mais la France ne possède pas aujourd'hui de coureurs capables de dominer, comme le font l'Allemand Marcel Kittel dans les sprints (Giant-Shimano) ou le Suisse Fabian Cancellara (Trek) dans les classiques du printemps. On attend toujours les successeurs d'un Laurent Jalabert ou d'un Jacky Durand, capable de remporter un ou plusieurs des "monuments" du cyclisme (Milan-San Remo, Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-liège, Tour de Lombardie). Quant à gagner le Tour, me direz-vous ?

Bernard Hinault, dernier vainqueur tricolore - en 1985, cela fera 30 ans l'an prochain - n'est peut-être pas prêt de trouver un successeur. En effet, Pinot comme Bardet, les deux meilleurs espoirs tricolores pour les années à venir sur les courses à étapes, souffrent dans les contre-la-montre. Comme le rappelle Eric Boyer dans L'Equipe, Bardet avait perdu près de 4'30" sur Froome sur le Tour 2013, uniquement sur le "chrono" du Mont Saint-Michel. Cette année, il n'y a que 54 kilomètres chronométrés : aux Tricolores d'en profiter pour retrouver au moins le podium sur les Champs-Elysées.

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