Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault, Miguel Indurain : à cette liste, on n'ajoutera sans doute pas Christopher Froome. En tout cas, pas cette année. Le Britannique, vainqueur de la Grande Boucle en 2013, 2015, 2016 et 2017, a perdu mercredi 48 secondes sur son équipier, le Maillot jaune Geraint Thomas, à l'issue de la 17ème étape, au sommet du col du Portet, et le voilà repoussé à la troisième place du classement général, à 2'31" de son équipier et à 32 secondes du nouveau deuxième de ce Tour, le Néerlandais Tom Dumoulin (Sunweb). "C'était dur. Dur. Ça a été une journée intense mais je n'ai pas de regrets", a confié Froome à côté du bus Sky, entouré d'une nuée de journalistes. "Geraint réalise une course incroyable et il mérite d'être en jaune. Je croise les doigts pour qu'il le conserve jusqu'à Paris."
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Lâché dans les deux derniers kilomètres. Froome a été lâché à un peu plus de deux kilomètres de l'arrivée, jugée au sommet du col du Portet, situé à plus de 2.000 m d'altitude. Quelques minutes plus tôt, après deux kilomètres d'ascension, il avait sauté dans la roue du Slovène Primoz Roglic (Lotto NL-Jumbo), semblant même hésiter à prendre des relais. Il a ensuite fait un peu l'élastique en queue de groupe, se mettant dans la roue de Tom Dumoulin. "J'ai vu que Froome était en difficulté mais je ne savais pas si c'était du bluff, donc j'ai un peu attendu avant de placer mon attaque", a confié le Néerlandais après l'arrivée.
"Je n'avais simplement pas les jambes". Visiblement, ce n'était pas du bluff. Car quand le coureur de l'équipe Sunweb a placé une attaque à l'approche de la banderole des deux kilomètres, Froome a craqué. On l'a alors vu la bouche ouverte, la tête baissée, le haut du corps dodelinant, des images rarement vues depuis qu'il a fait main basse sur le Tour (il les a tous gagnés depuis 2013, sauf en 2014, où il avait été contraint à l'abandon après une chute).
"Je n'avais simplement pas les jambes dans le final", a convenu "Froomey", 33 ans, qui a même eu du mal à prendre la roue de son jeune équipier colombien Egan Bernal dans le dernier kilomètre, très difficile, avec plus de 10% de dénivelé. "C'est le cyclisme professionnel, c'est le fait d'être une équipe. Je suis juste content d'être dans cette position."
À 32 secondes de Dumoulin. Cette position, c'est désormais celle de l'équipier de luxe pour Thomas. "Ça va être certainement compliqué de reprendre du temps mais je continuerai de me battre pour le podium et essayer de garder 'G' (Thomas) en jaune", a encore confié Froome, sans quitter son home trainer. "Je crois qu'il (Thomas) a presque deux minutes d'avance sur Dumoulin, c'est ça ? C'est un écart assez confortable je pense. Il a l'air d'être bien, donc j'imagine qu'il sera capable de le faire. Nous n'avons plus qu'à nous occuper de lui dans les prochains jours."
Froome, désormais troisième, est à 32 secondes de Dumoulin et ne compte que 16 secondes de marge sur Roglic. Sa place sur le podium est donc loin d'être acquise, alors qu'il reste encore une étape pyrénéenne, vendredi (avec deux cols hors catégorie, mais sans arrivée au sommet) et un contre-la-montre de 31 km, à la veille de l'arrivée, samedi.
Chez Sky, on semble avoir acté, mercredi soir, le changement de leader. Et on avait sans doute prévu cette possibilité, devenue probabilité, après les menaces de suspension qui pesaient sur Christopher Froome. "La probabilité de gagner cette course repose désormais sur Geraint", a convenu mercredi Dave Brailsford, le manager de la formation britannique, tout en nuançant dans la foulée ("Mais ça ne veut pas dire que c'est terminé"), histoire de brouiller un peu les cartes avant les dernières étapes. "Si Geraint remporte le Tour, ce sera une légende. Mais si 'Froomey' l'aide à atteindre cette victoire, la façon dont il s'est sacrifié aujourd'hui (mercredi), il sera un titan. Il sera l'un des plus grands de tous les temps, sans même remporter la course."
Pas sûr néanmoins que Froome, blanchi quelques jours seulement avant le départ du Tour, n'aurait pas préféré devenir "l'un des plus grands de tous les temps" en réalisant le doublé Tour d'Italie-Tour de France, ce qui n'a plus été réalisé depuis 1998 et feu l'Italien Marco Pantani.
Quand Froome bute sur… un gendarme. La journée a été décidément difficile jusqu'au bout pour le quadruple vainqueur du Tour. Après avoir revêtu un imperméable gris pour redescendre vers son bus, huit kilomètres plus bas, le leader de l'équipe Sky n'a pas été reconnu par un gendarme qui lui a demandé en vain de s'arrêter, provoquant une chute sans gravité. Comme cela arrive fréquemment, Froome descendait en sens inverse de la course alors que l'étape n'était pas terminée. "C'était une incompréhension, Chris va bien", a annoncé l'attaché presse de la Sky.