Cela restera comme l'une des images des incidents qui ont émaillé la remise du trophée de champion de France au PSG, lundi soir, sur la place du Trocadéro. Perché sur l'échafaudage qui avait été installé entre le podium et le musée de la marine, un individu a déployé pendant quelques minutes une banderole sur laquelle il était inscrit ces quatre mots : "liberté pour les ultras". Seul message lisible lors de cette folle soirée de lundi, ce "Liberté pour les ultras" est rapidement apparu comme une revendication. Quelques heures après les incidents, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a souligné la responsabilité d'"une minorité de participants, pour partie composée de supporteurs de la mouvance ultra". Mais que recouvre aujourd'hui ce terme de "mouvance ultra" ?
L'opposition au "plan Leproux"
Cette "mouvance ultra", on ne la trouve plus au Parc des Princes. Plus de façon visible, en tout cas. A l'entame de la saison 2010-11, le président du PSG de l'époque, Robin Leproux, a en effet décidé de mettre en place un plan drastique, reposant notamment sur un placement aléatoire dans les tribunes. Son objectif : rompre avec la "territorialisation" du Parc des Princes et mettre fin à l'opposition entre le Kop de Boulogne et le Virage Auteuil, dont la rivalité, reposant sur des critères à la fois sociaux et politiques, avait atteint un pic de violence avec l'agression mortelle de Yann Lorence le 28 février 2010, en marge d'une rencontre de championnat entre le PSG et l'OM.
La mise en place de ce plan s'était accompagnée de la dissolution des principales associations de supporters (Supras Auteuil et Authentiks notamment, les Boulogne Boys l'avaient été après l'affaire de la banderole anti-ch'tis, ndlr). Trois ans plus tard, et malgré le changement de propriétaires à l'été 2011 (des Américains de Colony Capital aux Qatariens de Qatar Spots Investments), la situation n'a guère évolué : les ultras parisiens accusent toujours Antoine Boutonnet, directeur de la division nationale de lutte contre le hooliganisme, et Jean-Philippe d'Hallivillée, le monsieur sécurité du PSG, de cautionner des mesures liberticides, notamment en déplacement (annulation de places face à Evian-TG, bus bloqué sur la route de Toulouse, arrêtés préfectoraux interdisant le port de signes distinctifs du PSG...). Mais si l'opposition demeure, elle a sensiblement changé de forme.
Pour le retour des animations au Parc
Si les associations qui ont animé le Parc dans le passé sont aujourd'hui dissoutes, il existe quelques "héritiers", des sous-groupes qui continuent de militer pour un Parc des princes bouillant. Car si le PSG présente le taux de remplissage le plus élevé de France (91% pour une moyenne de 43.142 spectateurs), l'ambiance au Parc des Princes n'y est plus la même, selon eux. "Aujourd'hui, je ne peux même plus aller au Parc avec mon ancien drapeau", regrette Anthony, habitué des virages depuis 10 ans. "On ne peut plus supporter le Parc "authentiquement". Les spectateurs ont aujourd'hui une mentalité de consommateurs. Dans quelques années, je ne serais pas surpris si Beyoncé venait tortiller ses fesses à la mi-temps."
Si certains continuent d'aller au Parc, d'autres le boudent, volontairement ou non. Et profitent des déplacements pour supporter le PSG "autrement", parfois en investissant des "contre-parcages", c'est-à-dire des espaces séparés du "parcage officiel" des supporters acceptés par le PSG. Ils portent le nom de PUC (Paname United Colors), K-Soce Team, Microbes ou Karsud, sont la plupart du temps issus de l'ancien Virage Auteuil et militent pour une autre politique vis-à-vis des supporters, certains pacifiquement, d'autres avec plus de véhémence. Sur les réseaux sociaux, la page Facebook "Supporters historiques du PSG" publie régulièrement des photos de ses groupes en déplacement, que ce soit à Annecy ou à Barcelone. Lundi, le déplacement, c'était sur la place du Trocadéro, dans le cœur de Paris.
"Des centaines de hooligans se sont vengés"
Selon sofoot.com, 150 membres des groupes de supporters précités, conscients du retentissement que pourrait avoir un message contestataire, se sont rendus lundi au Trocadéro. "Sur le chemin, des supporters lambdas que personne ne connaissait se sont greffés à notre groupe", explique l'un d'entre eux sur le site du mensuel. "Une fois sur la place, on s'est frayé un chemin sur la gauche du podium et on a posé la bâche "Virage Auteuil" sur des barrières. Un début d'incident a alors éclaté avec les stewards du club qui ont voulu enlever la banderole. Ce qui a échauffé les esprits. Des fumigènes et des pétards ont ensuite été jetés vers les forces de l'ordre près du podium."
La situation a ensuite dégénéré et aurait profité à des casseurs qui ont pillé et vandalisé les alentours du Trocadéro. "Ce qui est vrai, c'est que ces centaines de hooligans, que nous avons réussi à sortir du Parc des princes, grâce à la préfecture de police, aux dirigeants du PSG, se sont vengés", a affirmé avec force le maire de Paris, Bertrand Delanoë, sur l'antenne d'Europe 1, mardi midi.
Les ultras ? "Des bouc-émissaires"
S'il ne nie pas que les supporters du PSG entendaient délivrer un message, James, porte-parole de l'ancienne association Liberté pour les abonnés, récuse ces accusations. "On n'en veut pas à Bertrand Delanoë car il ne connaît pas très bien le sujet. Il n'a pas été bien conseillé", sourit le membre de ce collectif qui appelle à une manifestation pacifique, dimanche, au lendemain du dernier match de la saison au Parc des Princes. "J'invite Bertrand Delanoë à regarder les images, il verra que ce ne sont pas des ultras mais des casseurs tout simplement. Et j'ai envie de dire que s'il suivait l'actualité, il verrait qu'il y a eu des contestations de notre part, des manifestations dans Paris et que tout s'est bien passé. Là, on voit bien que, quand on se rend au stade, malgré des mesures disproportionnées, il n'y a aucun souci. Après, je ne dis pas qu'il n'y aura jamais de problèmes dans les stades et qu'il ne faut pas encadrer la chose. Mais, à un moment, s'il trouve des bouc-émissaires pour ne pas prendre ses responsabilités, je l'invite à revoir ses positions."
Trente-huit personnes ont été placées en garde à vue à l'issue des incidents de lundi. Selon les informations recueillies par Europe 1, aucune d'entre elles n'est fichée comme étant interdite de stade. Dans un communiqué intitulé "Ultras, anciens abonnés, ex-pensionnaires du Parc des Princes...", James et la centaine de supporters solidaires de ce mouvement se défendent d'avoir voulu gâcher la fête programmée lundi soir au Trocadéro : "il nous semble nécessaire de rappeler que les anciens abonnés du PSG n'ont pas et n'ont jamais envisagé de nuire à la célébration du titre, même s'il est amer à nos yeux."
Pas un type de supporter, mais des types
Faute d'interlocuteur reconnu par le club, le "supportérisme" du PSG est aujourd'hui multi-facettes : certains anciens veulent discuter, d’autres non et puis, il y a les "nouveaux" supporters, ceux qui sont arrivés après le plan Leproux. Habitué aux déplacements, James reconnaît avoir vu arriver ces derniers temps un nouveau type de fans, non organisés, mais parfois décidés à en découdre en "surfant sur le côté sulfureux" du PSG. C'est aussi, selon lui, l'une de ces nouvelles populations des virages du Parc qui a pu "s'exprimer" au Trocadéro. Lundi, la direction du PSG, qui pouvait jusque là se féliciter d'avoir pacifié le Parc, a pu constater avec force que la gestion de ses supporters demeurait une problématique très saillante.