Yvan Bourgnon est en route pour le Grand Nord. Le navigateur franco-suisse, âgé de 45 ans, devait prendre mardi la direction de Nome, en Alaska, où il va s'attaquer dès le 4 juillet prochain à un immense défi : être le premier à franchir le passage du Nord-Ouest, qui relie l'Alaska au Groenland, en solitaire et sur un voilier non habitable. Il y a deux ans, celui qui se qualifie davantage comme un explorateur que comme un navigateur avait bouclé un tour du monde sans GPS sur un petit catamaran de 6,30 m de long et 4 m de large. C'est sur cette même embarcation qu'il repart à l'aventure cet été.
Theobora est heureux d’accompagner @YBourgnon pour son défi Bimédia, le passage Nord-ouest. pic.twitter.com/NnQxilU3g9
— Théobora (@THEOBORAFR) May 31, 2017
"Je reprends les mêmes difficultés du Tour du monde (réalisé entre octobre 2013 et juin 2015), qui est de naviguer sur un tout petit bateau, sans habitacle sécurisé, mais j'y ajoute les difficultés liées au Grand Nord : le froid, et notamment l'eau, qui est tout le temps entre 0 et 3 degrés, et que je reçois lors de ma navigation à ras de la surface et la présence sur le parcours de 'glaçons' qui ne sont pas répertoriés", explique Yvan Bourgnon au micro d'Europe 1. "Sans radar ni système électronique sophistiqué, naviguer en solitaire dans un tel champ de mines, c'est compliqué…" Un "champ de mines", car les menaces seront multiples tout au long des 7.500 kilomètres de route.
"Il y a la côte avec ses récifs, qui n'est pas cartographiée, et puis les mammifères marins, les baleines, les narvals, les cachalots, qui sont beaux à voir, mais qui ne bougent pas beaucoup et percuter un animal comme ça à dix nœuds (environ 18 km/h), ça ferait de gros dégâts, donc ça veut dire qu'il faut être vigilant à chaque instant", insiste-t-il. "Tu ne peux pas te dire : 'Je vais aller dormir une heure'. Il faudra dormir par tranche de cinq minutes maximum. Ça va m'imposer une discipline de navigation assez difficile. Il ne faudra jamais s'endormir très longtemps." Et ce, d'autant plus qu'Yvan Bourgnon va également croiser sur sa longue route un autre type d'animal…
Aux côtés des ours polaires. "Mon parcours est fantastique parce que je vais naviguer dans la zone où il y a le plus d'ours polaires au monde", raconte-t-il encore. "Je serai toujours entre la banquise et l'eau, là où ils sont le plus souvent et je vais avoir cette joie immense de les voir." Mais il n'espère pas quand même pas les voir de trop près.
"L'ours polaire est tout en haut de la chaîne alimentaire et il est sous-alimenté. Le retrait de la banquise fait qu'ils ne peuvent plus chasser le phoque comme avant. La chair humaine est intéressante pour eux, et ils ont un museau qui leur permet de sentir une proie jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres. Ce sont de très, très bons nageurs, à 12 km/h, autant dire qu'ils peuvent aller partout là où je serai et quand je n'aurai plus de vent, je ne pourrai pas mettre de moteur pour fuir. Et je ne pourrai pas non plus aller dans une cabine et là, ce sera un face à face avec l'ours." Même s'il pense et espère que ça n'arrivera pas, Yvan Bourgnon s'est préparé à cette situation d'urgence en apprenant à tirer avec le GIGN…
Il a aussi anticipé une possible chute à l'eau. "Pour les conditions extrêmes, (la marque) Ralf Tech m'a fait une combinaison néoprène de 7 mm d'épaisseur qui est très bien", confie Yvan Bourgnon. "Si tu te retrouves dans l'eau, elle te permet d'allonger ta durée de vie et d'attendre les secours. En revanche, tu ne peux pas bouger dans cette combinaison."
"Un enjeu sportif et écologique". Mais pourquoi Yvan Bourgnon prend-il autant de risque ? Ce n'est pas seulement l'exploit sportif, réel, qui le guide. 'C'est cette notion de l'exploration qui me plaît beaucoup, ce n'est pas l'attrait du danger pur, même si je suis bien conscient qu'il y a plus de danger qu'ailleurs", reconnaît-il. "J'ai envie de découvrir un décor de dingue, des choses qui ne sont pas sur la carte, la faune la plus puissante et la plus importante au monde, les narvals, les ours plaires, je pense que ça va être magique. J'y vais avec un bateau qui fait 6 mètres de long, qui ne fait aucun bruit, qui glisse sur l'eau et qui ne fait pas fuir toute cette faune." Mais Yvan Bourgnon n'y va pas que pour lui-même.
"Il y a un enjeu sportif et un enjeu écologique au défi bimédia (du nom de son sponsor principal). Ma vocation pour les 20 prochaines années est d'essayer de faire quelque chose pour protéger notre planète, notamment au niveau des déchets plastiques et océaniques et d'être le témoin, de montrer au monde que même l'une des zones censées être les mieux protégées n'est pas épargnée par cette pollution." Le vent, l'aventure, mais aussi "le réveil des consciences".