Décidément, Christopher Froome et le Ventoux… Il y a trois ans, lors du dernier détour de la Grande Boucle par le Mont Chauve, le leader de la Sky avait impressionné en distançant le Colombien Nairo Quintana sur une subite accélération à mi-pente. Jeudi, Froome ne s'est pas pris pour une moto, non, il s'en est pris une. Et si sa performance de 2013 avait fait naître des soupçons sur sa probité, celle de jeudi a fait naître une tout autre polémique : celle qui entoure la sécurité des coureurs, notamment lors des dernières ascensions en montagne.
Plus de barrières pour plus de sécurité ? Jeudi, Froome a été victime d'une moto qui a elle-même été la victime du trop plein d'enthousiasme des spectateurs. Contrainte à un freinage violent, elle a envoyé le Maillot Jaune au sol, présent dans la roue de Richie Porte (BMC) et (Trek). Cet incident est intervenu à proximité du dernier kilomètre, là où les spectateurs étaient les plus nombreux. L'acte d'accusation est tout fait : pourquoi les organisateurs n'ont-ils pas installer de barrières ? "On n’a pas pu installer les barrières sur les derniers kilomètres parce que tout s’envolait", a expliqué le directeur du Tour, Christian Prudhomme, cité par L'Équipe. Interrogé plus tôt dans la journée par Europe 1, Stéphane Boury, membre d'ASO et commissaire général chargé des arrivées, nous avait avoué que l'arrivée de jeudi était un cas particulier et qu'un minimum de barrières allait pouvoir être installé. L'équation était donc simple : moins de barrières + plus de spectateurs = plus de danger.
Moins de motos pour les vélos ? Tout autant que la question du barriérage - le public a souvent tendance à se rassembler là où les barrières n'ont pas été posées -, l'accident de jeudi - car il faut bien parler d'accident quand on revoit les images - risque de relancer la polémique autour de la présence des motos dans le peloton. Pas plus tard que mardi, plusieurs coureurs allemands avaient appelé à une réflexion sur la présence des motos à leurs côtés, avec l'idée de remplacer les motos par des scooters, des engins bien moins lourds. Le 28 mai dernier, un cycliste belge, Stig Broeckx, avait été percuté par une moto sur le Tour de Belgique et se retrouve depuis plongé dans le coma.
Le risque d'une jurisprudence ? Plus anecdotique, car purement sportif et non sécuritaire, la chute de Froome pourrait faire jurisprudence. Pourquoi ? Parce que Froome a été classé dans le même temps que Mollema avec lequel il se trouvait au moment de sa chute. Or, si le règlement prévoit bien qu'un coureur se voit attribuer le même temps que les coureurs avec lesquels il se trouve en cas d'incident dans les trois derniers kilomètres, il y a une exception : les arrivées au sommet. Les commissaires de course ont donc décidé jeudi d'aller outre ce point de règlement et de donner raison à l'équipe Sky, qui avait contesté le résultat de l'étape de jeudi, où, dans un premier temps, Christopher Froome avait perdu plus d'une minute trente sur ses rivaux. "C'est comme un arbitre au football qui siffle un penalty qui n'existe pas. Pourtant, il y a penalty et on ne peut contester sa décision", insiste Éric Caritoux, ancien vainqueur de la Vuelta.
Fin connaisseur du Ventoux et de la folie de ses fans - il vit au pied du Géant de Provence -, celui qui est désormais chauffeur des véhicules officiels Orange sur le Tour espère que ce choix n'est pas seulement dû à la puissance de la Sky. "Et si Adam Yates (Orica BikeExchange) avait été la victime de cette chute ?" Certes, l'actuel Maillot Blanc du Tour n'a lui pas percuté une moto mais il a été mis au sol par un arche représentant la flamme rouge. Il n'avait pas perdu de temps dans l'affaire, les commissaires ayant décidé les temps à 3 kilomètres du but...