Quatorze victoires sur 26 épreuves disputées en individuel en Coupe du monde, un sixième gros globe d'affilée de vainqueur du classement général, les quatre petits globes de chacune des spécialités (individuel, sprint, poursuite, mass start), un titre de champion du monde (poursuite) : Martin Fourcade a réussi un hiver 2016-17 exceptionnel, relevant même de "la science-fiction" selon lui.
L'icône du biathlon tricolore, âgée de 29 ans, remet le couvert à partir de jeudi après-midi avec sa première épreuve individuelle en Coupe du monde cette saison, à Östersund, en Suède. Cet hiver 2017-18 est forcément particulier car il aura comme point d'orgue les Jeux olympiques d'hiver, à Pyeongchang, en Corée du Sud, entre le 9 et le 25 février. Fourcade y défendra deux titres, celui de l'individuelle et de la poursuite, et tentera de devenir le sportif français le plus titré de l'histoire lors des JO d'hiver devant Jean-Claude Killy et ses trois titres. Entre la quête d'un septième gros globe consécutif - ce qui serait historique aussi - et les ors olympiques, Fourcade a-t-il fait un choix ?
"J'ai besoin de la Coupe du monde pour les Jeux olympiques". "Les deux ne sont pas dissociés", insiste le champion tricolore. "J'ai besoin de la Coupe du monde pour les Jeux olympiques. J'ai du mal à croire que je puisse arriver aux JO en ayant fait une saison de Coupe du monde nulle ou sans repères et en me disant que je suis capable de gagner. Après, le classement général de la Coupe du monde n'est pas un objectif prioritaire. Mais si je suis en mesure de le gagner, je ne me gênerai pas. Mais l'objectif premier, ce sont les Jeux. Et s'il y a des choix de préparation à faire, des ajustements, ce sera en fonction des Jeux, pas du classement général de la Coupe du monde."
Martin Fourcade parle d'"ajustements" car, de l'aveu de l'entraîneur de l'équipe de France, Stéphane Bouthiaux, "la préparation a été exactement la même". Celle-ci comprend deux grandes phases : multisports d'abord, avec vélo, course à pied et VTT, ski ensuite, à roulettes puis sur neige, sans oublier le foncier et le tir. "On n'a aucune raison de faire différemment", avoue-t-il au micro d'Europe 1. "Après, je dirais qu'on a un peu moins tenté le diable sur la fin de la préparation. On a fait un peu moins d'intensité pour ne pas trop fatiguer les athlètes et les préserver. On devrait donc a priori être un peu moins prêt, un peu moins fort sur le début de saison."
Aucun "pic de forme" n'est donc prévu pour le mois de février, comme peuvent parfois le "programmer" des cyclistes pour le mois de juillet et le Tour de France. "On a une organisation de l'année qui est complètement opposée à celle du cyclisme", insiste Stéphane Bouthiaux. "Eux ont quatre mois de préparation pour des compétitions qui durent huit mois et nous, c'est l'inverse, on a presque huit mois de préparation pour une compétition de quatre mois. Et dans les quatre mois, c'est tellement dense que c'est compliqué de programmer un pic de forme."
De fait, les JO sont totalement intégrés au calendrier de la Coupe du monde : six épreuves ont lieu avant et trois après. Les Jeux débutent trois semaines environ après l'étape d'Antholz-Anterselva et se terminent deux semaines avant celle de Kontiolanti. Il est de toute façon fortement déconseillé de faire l'impasse sur les épreuves de Coupe du monde. "Selon les règlements de la Fédération internationale (IBU), le classement général de la Coupe du monde influe sur les quotas qui nous seront attribués la saison suivante et définit aussi le placement des athlètes dans les groupes, y compris lors des JO, ce qui est souvent déterminant dans les sports d'hiver, car les meilleurs au classement de la Coupe du monde vont partir dans ce qu'on suppose être les meilleurs groupes de départ en fonction des prévisions météo."
L'objectif, "engranger de la confiance". Pour faire face au calendrier très resserré et très chargé de l'hiver, qui comprend notamment une étape en France, au Grand-Bornand, du 12 au 17 décembre, important pour les biathlètes tricolores, Stéphane Bouthiaux anticipe une possible pause, lors de l'étape d'Oberhof, en Allemagne, en tout début d'année (2 au 7 janvier).
"On va voir comment se passe le mois de décembre, et on décidera après le Grand-Bornand de la meilleure manière qui soit ce qu'on fera pour le mois de janvier. S'il y a une impasse à faire dans la saison, c'est celle qui me semble le plus appropriée, sachant qu'après, il faudra se remettre dans un rythme de courses et à nouveau engranger de la confiance avant d'arriver aux Jeux."
Car Stéphane Bouthiaux comme Martin Fourcade insistent : pour briller lors des Jeux en février, il est impératif de "performer" aussi sur les manches de Coupe du monde. "Si on veut être champion olympique, le passage obligé, ce sont les podiums en Coupe du monde. C'est un sport où il faut emmagasiner de la confiance. Et nous, avec la spécificité du tir, c'est la confiance qui est l'élément le plus déterminant pour aller performer." De la confiance, Martin Fourcade va avoir besoin d'en emmagasiner un petit peu.
Après une fin de préparation estivale contrariée, il s'est rassuré lors des sélections norvégiennes à la mi-novembre mais sa performance très moyenne au tir lors du relais mixte simple le week-end dernier a montré que rien n'était jamais acquis en biathlon.
"Je suis plutôt content de ce que j'ai fait en terme de travail mais j'ai vraiment besoin des premières courses de la saison pour savoir où j'en suis, pour arriver à me rassurer", insiste Fourcade. "C'est bien beau de savoir qu'on a bien travaillé dans son coin, j'ai besoin de voir concrètement que ce travail a payé pour avoir de la confiance." Les premiers éléments de réponse vont arriver très vite car trois épreuves sont au programme de Martin Fourcade à Östersund : l'individuelle jeudi, le sprint samedi et la poursuite dimanche.
Et en plus, il portera le drapeau… Pour Martin Fourcade, les Jeux olympiques de Pyeongchang commenceront vraiment deux jours avant son entrée en lice lors du sprint le 10 février. Le biathlète français a en effet été choisi pour être le porte-drapeau de la délégation tricolore lors de la cérémonie d'ouverture, qui aura lieu le 8 février. "J'ai accepté cela en mon âme et conscience", souligne-t-il. "Si je m'en étais senti incapable, j'aurais dit non. En plus, je pense que ça peut être un avantage. Il y a quatre ans à Sotchi, j'avais mal commencé la compétition (il avait terminé 6ème du sprint avant de gagner la poursuite et l'individuelle et de terminer 2ème de la mass start ensuite, ndlr), j'étais tendu. Je me dis que lancer mes Jeux de manière émotionnelle avant la compétition, c'est aussi une façon de rentrer dedans et de ne pas arriver devant la ligne de départ en me disant : 'Mes Jeux commencent maintenant'."