CARNET DE BORD - Le Vendée Globe de Charlie Dalin : "Cette tempête m'a donné confiance"

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Charlie Dalin , modifié à
Chaque samedi pendant le Vendée Globe, Charlie Dalin tient un carnet de bord pour Europe 1. Sur son monocoque Apivia, le skipper de 36 ans se confie sur ses impressions, sa stratégie et les futures épreuves qui l'attendent dans cette course mythique en solitaire, sans escale et sans assistance.
TÉMOIGNAGE

Un mois après le début du Vendée Globe, Charlie Dalin continue d'étonner : le skipper de 36 ans, qui participe à sa première édition sur son monocoque Apivia, est toujours en tête de la course en solitaire. Mais son avance se réduit à mesure que Thomas Ruyant (LinkedOut) et Yannick Bestaven (Maître Coq IV) progressent à l'approche du cap Leeuwin, en Australie. C'est d'ailleurs l'un des objectifs en vue pour le navigateur, qui dresse pour Europe 1 un premier bilan de ces quelques semaines de course, après une tempête éprouvante pour lui et son bateau.

"Après un mois de course, j'ai traversé une grosse 'dépression secondaire', comme on l'appelle dans le jargon. C'est une dépression qui se forme sur un front, avec des épisodes extrêmement violents. Pour ceux qui se rappellent de la Route du Rhum 2006, qui avait décimé la flotte des Orma (une classe de multicoques, ndlr), c'était ce même phénomène météo que les concurrents avaient subi. C'est un phénomène qui a une histoire avec la course au large et qui a décimé des flottes entières dans le passé. Devoir affronter ce phénomène à mi-chemin, au milieu de nulle part, entre l'Afrique et l'Australie, ce n'était pas rien.

Ce qui m'a le plus marqué ? Ce sont surtout les sons, comme le son du rugissement du vent dans le mât. Les Quarantièmes rugissants ne portent pas leur nom pour rien ! En fonction de l'intensité des rafales, le vent et le rugissement étaient plus ou moins forts. Plus la tempête approchait, plus le phénomène météo était proche de moi et plus c'était fort. Je ne savais pas jusqu'à quel point ça allait se poursuivre. Le destin a fait que mes aériens ont arrêté de fonctionner deux heures avant le début de la tempête. Je ne savais pas exactement quelle force de vent j'avais. Mon seul repère était la vitesse du bateau et ce bruit, ce son du vent extrêmement violent dans le mât du bateau.

"Marquant physiquement et moralement"

Durant cette dépression, j'étais en contact avec mon directeur technique, Antoine Carraz, qui m'a demandé de les prévenir si je faisais un changement de trajectoire pour ne pas qu'ils s'inquiètent. Quand j'ai dû changer de trajectoire une ou deux fois pour manœuvrer et réduire la voilure, je les ai alertés. Forcément, je les ai prévenus quand, enfin, le bruit du vent a commencé à baisser, que les rafales étaient de moins en moins fortes et que le vent a commencé à tourner. C'était un signe que le phénomène météo était en train de s'écarter de moi. J'ai envoyé un message à ma compagne, d'abord, pour lui dire que ça semblait bon, que le vent avait l'air de baisser. Pui à mon directeur technique, pour le prévenir que le gros avait l'air d'être passé et qu'on allait s'en sortir.

C'est sûr que c'est une tempête qui m'a donné confiance dans la capacité d'Apivia et la mienne à surmonter des gros coups de vent. Maintenant, quand je vois du vent fort, il en faut beaucoup pour m'inquiéter ! J'ai l'impression d'avoir gagné mes galons de marin des mers du sud grâce à cette tempête. Ça a été marquant, physiquement et moralement. Je pense qu'il m'a fallu un petit peu de temps pour me remettre de mes émotions, pour me remettre physiquement de ce passage où j'étais vraiment à la limite, sur le fil.

"C'est passé vite, mais…"

Après un mois de mer, c'est assez paradoxal parce qu'à la fois, j'ai l'impression que le temps passe vite, mais quand je retrace tout ce que j'ai fait depuis mon départ des Sables d'Olonne, j'ai toutes mes journées en tête, toutes mes manœuvres. Il s'en est passé des choses. J'ai fait énormément de manœuvres, de changement de trajectoire, de calculs de trajectoire… C'est passé vite mais, quand je rentre dans le détail, je me rends compte de la distance parcourue et du nombre de choses que j'ai faites. Je n'ai pas chômé !

J'ai le passage du cap Leeuwin en tête. C'est dans un peu plus de 24 heures, je vais le passer dimanche. C'est le deuxième grand cap (de la course), sur trois. Je vais franchir ce point symbolique. Après, je vais pouvoir me retrouver dans le Pacifique et découvrir ce nouvel océan et les mers du sud de l'océan. Je pense qu'on va aller beaucoup plus au sud et les températures vont encore baisser. Pour l'instant, je n'ai pas souffert du froid, ça va peut-être commencer. Est-ce que je vais en profiter ? Je n'en sais rien. Je suis en train de me faire remonter par des bateaux. On verra demain matin à quelle distance ils sont et si je vais avoir une journée sereine pour atteindre ce cap Leeuwin."