En cette dixième semaine de Vendée Globe, Charlie Dalin a repris la tête de la course. Le skipper de 36 ans, qui participe à sa première édition sur son monocoque Apivia, navigue "à quelque dizaines de kilomètres de la côte brésilienne" et se dirige vers l'Équateur et le Pot-au-Noir. Le navigateur se confie dans son carnet de bord hebdomadaire sur Europe 1, enregistré vendredi.
De retour en tête de la course
"J'ai perdu la tête de la course il y a un mois tout pile, le 15 décembre, suite à mon problème de cale de foil, je l'ai retrouvée depuis quelques jours et ça fait du bien. Comme quoi tout est possible, il ne faut jamais baisser les bras.
Je suis dans un océan Atlantique sud incroyable avec un front froid semi-permanent du côté de Cabo Frio [une ville brésilienne de l'État de Rio de Janeiro, ndlr]. Cette barrière météorologique a permis à une partie de la flotte, dont moi-même, de revenir sur Yannick Bestaven, alors qu'il avait 900 kilomètres d'avance. Ça paraissait presque inespéré, mais la météo m'a permis de le faire et c'est super. La route est encore longue, mais ça fait du bien de retrouver la tête de la course. Avoir des bateaux côte à côte pousse à être encore plus précis sur les réglages, régulier sur les ajustements. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas une course d'une journée, on en a encore pour deux semaines et il faut tenir la cadence.
Il reste encore presque une Transat Jacques Vabre à faire [une course transatlantique en duo entre la France et l'Amérique du sud, ndlr], il va se passer encore beaucoup de choses et on est fatigués, les bateaux sont fatigués. Il faut aussi prendre ça en compte dans l'équation.
Plus personne n'est à "100%"
Reste que tout change entre la position de leader de la course et la place de second : quand on est chasseur, on est à l'affût des opportunités, des ouvertures. Mais quand on est le chassé, on essaye justement d'anticiper sur les ouvertures que les concurrents pourraient avoir et de se placer en conséquence [les six premiers concurrents sont dans un mouchoir de poche, ndlr]. C'est vrai qu'il y a beaucoup de bateaux, mais je suis habitué, j'ai été formé à la régate donc pour moi c'est plus naturel de naviguer comme ça que dans son coin.
Concernant le potentiel des autres bateaux, que ce soit une parce qu'une réparation est faible ou à cause d'une voile déchirée, voire perdue, pour moi il est clair que personne n'est plus à 100%. Après c'est vrai que le public est toujours un peu vexé qu'on ne partage pas tous nos problèmes, mais c'est un peu comme si quelqu'un dévoilait les atouts de son jeu de cartes. Ce sont des informations stratégiques et c'est normal de cacher ce qui peut l'être, je suis moi-même à l'affût d'informations sur les potentiels problèmes de mes adversaires. Ça m'aide à connaître leurs conditions, ce sont des informations stratégiques pour la course.
L'inconnu du Pot-au-Noir
J'ai hâte de refranchir cet Équateur, retrouver mon hémisphère est une belle étape vers la fin de la course, vers la maison. Quand je l'ai franchi à l'aller, je me dirigeais vraiment vers ces mers du Sud que je ne connaissais pas du tout, l'inconnu. Je savais qu'il allait m'arriver plein de choses mais je ne savais pas quoi. Il y a eu des tempêtes, des cales, des galères, mais des moments de joie aussi.
Ce passage d'Équateur à l'aller était vraiment un saut vers l'inconnu, mais je savais que si tout se passait bien j'allais réussir à le refranchir dans l'autre sens plusieurs semaines après, et que je serai différent. Maintenant, je suis heureux de retrouver mon bon vieux hémisphère Nord et les Sables d'Olonne.
Mais avant de retrouver les côtes françaises, il faut franchir le Pot-au-Noir. Si à l'aller on a été assez épargné, j'ai connu des moments difficiles dans cette zone. Notamment en 2019 quand j'ai ramené en solitaire mon bateau lors de la Transat Jacques Vabre. Cependant, on est censé être à une saison où il est moins fort, c'est en tout cas ce qui est écrit dans les livres... Mais en réalité on sait quand on y entre mais on ne sait jamais quand on en sort, ni à quelle sauce on va être mangé. Il faut donc attendre de franchir cet obstacle avant de commencer à calculer les estimations de temps d'arrivée (ETA).