Douzième du Vendée Globe, Clarisse Crémer a passé la ligne d'arrivée après 87 jours de mer à bord de Banque Populaire X, tout juste six jours derrière le leader, Yannick Bestaven. Pour ce premier tour du monde en solitaire, bouclé mercredi, à 16h45, la navigatrice s'est adjugée le record féminin de l'épreuve, auparavant détenu par Ellen McArthur. "Arriver première, c'est un petit plus, c'est cool, mais ce n'était pas l'objectif en soi", affirme-t-elle au micro d'Europe 1, jeudi matin, encore émue par les rebondissements de cette course folle autour du monde.
La beauté des moments "complètement anodins"
"C'est un peu un choc de passer de toute seule sur le bateau à retrouver son équipe, sa famille, ses proches et tous les gens qui étaient sur le chenal aux Sables-d'Olonne. Ça fait beaucoup de monde d'un coup", confie Clarisse Crémer. "En trois mois, on oublie un petit peu son côté sociable. Moi, je n'ai jamais été quelqu'un de particulièrement solitaire, mais on est bien sur son bateau, toute seule."
" C'est un privilège énorme d'être toute seule sur son grand bateau "
De ces trois mois passés isolée du monde, la navigatrice ne retient pas forcément "les grands moments-clés" comme le passage du Cap Horn, mais plutôt "des moments complètement anodins, des états contemplatifs devant la beauté des éléments, devant les albatros. On se rend compte que c'est un privilège énorme d'être toute seule sur son grand bateau, au milieu de nulle part, dans des contrées où il y a très peu d'êtres humains qui vont."
Des passages "au bout du rouleau"
Voilà pour les beaux moments. Mais l'aventure de Clarisse Crémer a aussi été marquée par des passages plus compliqués psychologiquement, qu'elle n'a pas hésité à partager sur les réseaux sociaux. "On a le temps de passer par tous les états", souligne la skippeuse, qui a fêté ses 31 ans en mer. "Il y a la fatigue qui aide un peu à être à fleur de peau et à avoir des émotions un peu fortes. J'ai fait le choix de partager les bons comme les mauvais moments pour montrer un peu toutes les facettes de ce qu'on vit en mer, parce que ce n'est pas toujours facile. En même temps, on est content, après, d'avoir surmonté les moments difficiles."
" On est un peu livrés à nous-mêmes et on se demande un peu comment on va s'en sortir "
Pendant ces moments difficiles, comment tenir, parfois à des milliers de kilomètres des siens et de la civilisation ? "Sur le coup, on est un peu livrés à nous-mêmes et on se demande un peu comment on va s'en sortir", affirme Clarisse Crémer. "On n'a pas trop d'échappatoires, c'est ça qui peut être assez déstabilisant. On peut être autant au bout du rouleau qu'on veut, il faut continuer à avancer. En même temps, c'est ça qui nous sauve. On est obligé d'être dans l'action. De cette façon-là, on finit par retrouver des repères et à s'en sortir psychologiquement", dit celle qui a souvent joint ses proches et son équipe pour un "petit soutien psychologique" salvateur en mer. "On triche un peu par rapport à autrefois, quand il y avait zéro contact avec l'extérieur."