Les scandales se succèdent pour les dirigeants de la Fifa. Après la démission du président d’honneur Joao Havelange en 2013, les affaires impliquant Jack Warner, l’ancien président de la CONCACAF (la confédération de football nord américaine et caribéenne), Sepp Blatter, figure de proue de la Fifa qu’il dirigeait depuis 18 ans, a annoncé qu’il quitterait son poste après les prochaines élections. Si les adversaires du Suisse, les médias et les sponsors se félicitent de cette fin de ce règne sans partage, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme en profondeur de la Fifa, pour qu’au-delà des changements de personnalités, la plus haute instance du foot mondial change de fonctionnement.
Quelles sont les pistes avancées par ceux qui connaissent bien le fonctionnement de la Fifa ? Europe1.fr fait le tour des propositions.
Ouvrir une commission vérité pour briser l’omerta
David Larkin, le président de l’association ChangeFifa, le dit sans ambages au New York Times, "le foot mondial a un problème culturel" avec la corruption. Pour ce juriste américain, la démission de Sepp Blatter et les deux enquêtes diligentées par les justices suisse et américaine représentent une occasion unique de remettre le système à plat. Selon lui, pour ce faire, une étape indispensable : créer une "commission vérité", à la manière de ce qui avait été fait en Afrique du Sud à la fin de l’apartheid. Cette commission recueillerait les témoignages des principaux acteurs de la Fifa, qui, sous promesse de protection et d’amnistie, dénonceraient sans peur des représailles les dérives du système.
Créer une institution de contrôle indépendante
Deuxième étape, suggérée par l’ONG Transparency International : créer, à la manière de ce qui a été fait dans le sport olympique ou dans le cyclisme sur le dopage, une commission indépendante pour contrôler les prises de décision du comité exécutif de la Fifa. Actuellement, il existe bien un comité d’éthique, mais il dépend... de la Fifa elle-même. A l’inverse, Transparency International aimerait que la commission soit indépendante et que ses membres ne soient pas payés par l’instance du foot mondial.
Donner moins de pouvoir aux confédérations continentales
C’est peut-être là que se situe le cœur du sujet. Interrogé mardi sur Europe 1, l’ancien cadre de la Fifa qui ambitionnait de se présenter à la présidence en 2015 Jérôme Champagne a identifié une réforme majeure à mener au sein de l’institution. Il s’agit de mettre fin à "la surreprésentation de la bureaucratie continentale (à savoir les six confédérations qui représentent chacune une aire géographique du monde à la Fifa) pour redonner le pouvoir aux fédérations nationales". En effet, c’est l’une de ces confédérations, à savoir la CONCACAF (qui représente l’aire Amérique du Nord Amérique Centrale Caraïbes), qui est directement impliquée dans l’enquête sur les pots-de-vin présumés qui auraient été versés pour décider de l’attribution de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. Et pour cause, ce sont les membres des confédérations qui votent et qui sont donc décideurs en dernière instance.
Réinvestir dans le développement du foot mondial
Sur le site du journal britannique The Telegraph, Mark Palios, l’ancien patron du foot anglais dénonce un paradoxe. Oui, la Fifa fait de l’argent, mais elle n’en investit que très peu dans le développement du football dans le monde : 14% seulement, le reste partant en loyers, salaires et déplacements pour les employés de la fédération. C’est là une des clés du problème. A son sens, une partie de ces fonds ont été utilisés par Sepp Blatter lors de ses cinq mandats pour offrir confort et commodités aux 209 représentants des fédérations nationales qui se réunissent pour l’élection. "C’est un système qui s’auto-alimente, très peu des membres des fédérations osent mordre la main qui les nourrit", conclut-il.
Ces perspectives pourraient effectivement faire bouger les lignes à la Fifa, même si, comme le résume bien Jérôme Latta sur son blog Une balle dans le pied : "les conditions d'une telle transformation ne sont pas réunies à ce jour. Au-delà de la nécessité d'instaurer des procédures de contrôle d'une extrême rigueur et de restaurer un fonctionnement démocratique, on pourrait se demander si la vocation de la FIFA doit être la quête effrénée de revenus et de profits. La question n'interpelle pas grand monde. Peut-être parce qu'y répondre par la négative entamerait une petite révolution."