Le Petit Poucet, c’est d’abord un enfant minuscule qui, dans le conte de Charles Perrault éponyme, réussit grâce à son astuce à sauver sa vie et celles de ses six frères des agissements de parents pour le moins indignes et de l’appétit d’un ogre amateur de chair fraîche. Mais le Petit Poucet, c’est aussi, dans le monde merveilleux du ballon rond, la plus petite équipe encore en lice en Coupe de France, ou celle qui défie la grosse. Pour les huitièmes de finale de l’édition 2016, c’est Granville, formation de CFA 2, qui affronte mardi soir Bourg-en-Bresse (L2) et Trélissac (CFA), qui défie jeudi l’OM, qui se voit affubler de ce surnom un brin saugrenu et, il faut le dire, légèrement agaçant.
Le surnom est resté, pas son inventeur. Les origines de l’expression sont relativement floues. Elle prend d’abord ses sources dans l’appétence pour les contes lors de l’entre-deux-guerres chez les journalistes mais aussi dans toute la société. "L’expression ‘Petit Poucet’ s’est propagée dans les années 1930-1940, et elle a commencé à s’appliquer au sport à partir de 1933 et la création du football professionnel" explique à Europe1.fr Hubert Beaudet, auteur de La Coupe de France (Alan Sutton Eds). Mais à l’époque, c’est une autre héroïne qui avait la cote. "On utilisait d'autres exemples, comme La Chèvre de monsieur Seguin, qui résiste au loup avant d'être mangée", expliquait en 2012 à Francetvinfo Paul Dietschy, historien, auteur de l’Histoire du football (Ed. Perrin).
Puis, probablement, et assez mystérieusement, car le Poucet ne renvoie pas prioritairement à la lutte du faible contre le fort, l’expression s’est imposée. "Elle a été utilisée dans les années 1940 ou 1950 dans les journaux de manière plus prononcée à partir des années 1940, 1950.", assure Hubert Beaudet. Quant à savoir quel journaliste est le premier à l’avoir utilisé, impossible de le dire. Une bonne occasion manquée de passer à la postérité.
L’expression a-t-elle encore du sens ? L’expression s’est donc imposé au fil du temps jusqu’à en devenir incontournable, voire, pour certains, insupportable. "C’est obsolète et ringard de mettre ça en avant", tranche dans 20 Minutes l’historien du sport Alfred Wahl. "Le concept est aujourd’hui surfait. Il n’y a qu’à voir le nombre de fois où ça arrive qu’un club de niveau inférieur gagne. Je ne m’étonne plus de ces résultats", s’agace ce professeur émérite de l’université de Lorraine.
"La préparation des clubs amateurs, mais aussi leur encadrement, se sont professionnalisés", abonde Hubert Beaudet. Mais ce passionné de football tempère. "Entre les clubs de l’élite et les clubs de niveau quatre ou cinq, l’écart reste significatif. Le problème, c’est que certaines équipes ne jouent plus le jeu. Quand elles rencontrent des clubs d’échelon inférieur, elles semblent montrer un relatif désintérêt en ne faisant jouer que la moitié des titulaires habituels. Elles savent pourtant que leurs adversaires sont prêts, la surprise ne devrait plus jouer. Et pourtant, ça continue." Cela dit, l’homme ne s’en plaint pas. "Ça permet des exploits, c’est ce qui est fabuleux dans la Coupe de France."
Un surnom institutionnalisé. Pour ceux que le sobriquet agace, il va falloir s’y faire. Car la Fédération française de football a carrément institutionnalisé le Petit Poucet depuis 2010. La FFF a en effet profité d’un partenariat signé avec le PMU en 2010 pour rebaptiser son "Tableau d’Honneur" de la Coupe de France, destiné à récompenser le meilleur club amateur de la compétition "Tableau d’Honneur - Petit Poucet PMU". En vertu d’un barème de points prenant en compte le nombre de tours franchis et la qualité des adversaires écartés, un club peut ainsi se voir offrir en fin de saison des équipements tels des tenues de joueurs, des sacs de sport ou encore des ballons. En outre, le lauréat est mis à l’honneur lors de la finale de la compétition au Stade de France. Un bien grand honneur pour un Petit Poucet.