L’Eden Park d’Auckland, 61.500 spectateurs bouillants, n’attendant que le triomphe de leurs All Blacks, en finale de cette Coupe du monde disputée en Nouvelle-Zélande. Difficile d’imaginer meilleur contexte pour un grand moment de sport et de rugby. Pour les Bleus, finaliste miraculé de ce Mondial 2011, c’est une montagne à gravir. Un défi éléphantesque qu’ils passeront à un cheveu de relever. En s’inclinant 8-7, les coéquipiers de Thierry Dusautoir, élu homme du match, ont touché du doigt l’exploit majuscule. Jamais les Bleus n’auront été si proches d’un premier sacre planétaire.
Pourtant, à en croire les observateurs néo-zélandais, le suspense n’était pas censé s’inviter au cœur de ce duel. Les Blacks devaient triompher sans coup férir et soulever un deuxième trophée Webb-Ellis, 24 ans après celui de 1987 glané face… au XV de France. Un sentiment que n’étaient pas loin de partager les observateurs tricolores. Dans l’Hexagone, on ne donnait pas cher de la peau de Français, car ce Mondial 2011 fut loin d’être une sinécure pour la sélection flanquée du coq et même les plus fins connaisseurs de l’ovalie auraient eu toutes les peines du monde à imaginer ce XV de France dans le costume du perdant magnifique.
Ambiance glaciale, orgueil de champion
Sèchement battus par ces mêmes Blacks quelques semaines plus tôt en phase de poules (37-17), défaits à la surprise générale par les îles Tonga (12-19), les Bleus auraient pu prendre la porte dès le premier tour et imiter ainsi ceux du football un an plus tôt en Afrique du Sud. Un rugby balbutié sur le rectangle vert et cette ambiance pesante en interne semblaient conduire tout droit ce XV de France dans le mur.
Les relations glaciales qu'entretenaient certains joueurs avec le sélectionneur, Marc Lièvremont, étaient un secret de polichinelle. Au point de faire émerger une théorie - toujours réfutée par l'ex-entraîneur - selon laquelle les Bleus seraient entrés en autogestion, s'affranchissant des consignes du sélectionneur. Mais ces Bleus prendront un malin plaisir à faire déjouer les pronostics. Vainqueurs successifs de l'Angleterre puis du pays de Galles, voici les Bleus en finale d'un Mondial qui prenait pourtant des allures de fiasco retentissant.
Le V de la victoire
Un parcours remarquable qui ne suffira d'ailleurs pas à faire redescendre la température au sein du groupe, Marc Lièvrement n'hésitant pas à qualifier ses joueurs de "sales gosses" après leur virée nocturne destinée à célébrer leur qualification en finale. Mais qu'importe. Ces Bleus ont une histoire à écrire. Et n'attendront même pas le coup d'envoi de cette finale pour en gratter les premières lignes. Car dans 50 ans, nous reparlerons de ce fameux V de la victoire, formé par les Français avant même que le haka néo-zélandais ne débute.
Les Bleus s'avancent en direction de leurs adversaires en plein haka
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Et que dire de ces quelques pas déterminés en direction de ces Blacks en pleine représentation guerrière. La machine noire est prévenue : ce XV de France n'a rien d'une victime expiatoire. Le match en sera l'illustration parfaite. Ces Bleus, tout de blanc vêtus, croquent à pleine dent dans cette finale et malmènent des All Blacks, visiblement déstabilisés par la pression titanesque qui pèse sur leurs épaules. Les initiatives sont blanches, la maîtrise est blanche, l'engagement et l'intensité aussi.
Et les mauvais gestes, eux, sont clairement néo-zélandais, mais bénéficieront d'une regrettable mansuétude de la part de l'arbitre sud-africain Craig Joubert. Le demi-de-mêlée Morgan Parra, sorti sur blessure après un coup de poing de Richie McCaw peut en témoigner. Cependant, ce sont bien les locaux qui virent en tête à la pause grâce à une belle combinaison en touche conclue par un essai de Tony Woodcock (5-0). Et ce malgré la maladresse de Piri Weepu face aux perches (0/3).
À une pénalité près
Au retour des vestiaires, après une pénalité inscrite par Stephen Donald (8-0), les hommes de Lièvrement voient enfin leur pugnacité récompensée et un mauvais jeu au pied de Weepu aboutit à l'essai au pied du poteau de Thierry Dusautoir, profitant d'un remarquable travail du déménageur Aurélien Rougerie. Les blancs reviennent à un point, mais le score, hélas, n'évoluera plus. François Trinh-Duc, pourtant excellent depuis son entrée en jeu à la place de Parra, manque la pénalité qui aurait permis aux tricolores de prendre les commandes. Une issue cruelle pour des Bleus qui auront fait vaciller comme rarement les hommes en noir dans le temple du rugby.
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S'ensuivront les années sombres du rugby tricolore et cet anecdotique Mondial 2015, achevé sur une cinglante correction face aux Blacks (62-13). Mais le creux de la vague semble aujourd'hui bien loin et le XV de France version 2023, fort de sa génération dorée, a retrouvé une place de choix parmi les places fortes de l'ovalie international. Face à la Nouvelle-Zélande le 8 septembre, en ouverture de cette Coupe du monde, les Bleues auront un message à faire passer, un statut de favori à assumer. Dans un stade de France garni de 80.000 spectateurs, tout sera réuni pour un grand moment de sport. Comme à l'Eden Park, il y a 12 ans.