Le groupe "Fancy Bears" a lancé ce qu'il a appelé l'"OpOlympics" pour Opération Olympique, mercredi. Ces hackers ont diffusé une liste de noms de sportifs ayant "violés les principes du fair-play" en prenant des substances dopantes, affirment-ils sur leur site Internet. Parmi les athlètes incriminés, de nombreux médaillés des Jeux olympiques de Rio, dont Chris Froome ou encore les joueuses de tennis Serena et Venus Williams. Mais qui sont ces hackers ? À qui sont-ils liés ? Quelles sont les conséquences de ces révélations ? Europe 1 vous donne quelques éléments de réponse.
Qui sont ces hackers ? Sur leur site Internet facilement accessible, une couronne de feuilles de laurier qui entoure la Terre, les anneaux olympiques et un buste portant un costume noir. Autant d'attributs qui rappellent clairement les Anonymous, cette équipe de pirates informatiques qui affirme lutter contre toute "censure" ou "dictature". Comme pour conforter cette appartenance, une image d'ours portant un masque de Guy Fawkes,symbole repris par les Anonymous, apparaît sur la page Internet ainsi que la reprise de la devise : "Nous sommes anonymous. Nous sommes légions. Nous ne pardonnons pas. Nous n'oublions pas. Attendez-nous".
Et, comme il est de mise pour les Anonymous, "Fancy Bears" brouille les pistes quant à son identité réelle ou la nationalité de ses membres. Un nom de domaine enregistré aux Bahamas, une adresse en France, un numéro de téléphone qui ne répond pas ou encore un code source de la page web qui inclut des commentaires en Coréen, rendent difficile toute identification, comme l'explique Libération.
Quelles sont les revendications des hackers ? "Nous sommes pour le fair-play et le sport propre", annoncent-ils. "Nous annonçons le début de #OpOlympics. Nous allons vous dire comment les médailles olympiques sont gagnées." Ils ont donc diffusé une première liste de quatre noms de sportifs américains très connus, mercredi, issue du piratage de l'agence mondiale antidopage : la gymnaste Simone Biles, les soeurs Venus et Serena Williams et la star américaine de basket Elena Delle Donne, certificats de l'Agence mondiale anti-dopage à l'appui.
Fidèles à leur programme, jeudi, ils ont publié 25 nouveaux noms de sportifs américains mais aussi britanniques, danois, russes, polonais, tchèques, roumains et allemands. On y trouve aussi bien les cyclistes Christopher Froome et Bradley Wiggins que le champion de lancer de disque allemand Robert Harting. Leurs revendications pour arrêter ces divulgations ? Aucune.
Ont-ils vraiment révélé des cas de dopage ? Les certificats officiels dévoilés par "Fancy Bears" montrent des "analyses anormales". Mais pour l'agence mondiale antidopage, il ne s'agit pas de cas de dopage parce que les sportifs concernés avaient des "autorisations à usage thérapeutique" pour les substances en question. Par exemple pour Simone Biles, qui a remporté quatre médailles olympiques en gymnastique, la Fédération américaine de gymnastique a précisé dans un communiqué qu'elle avait effectivement bénéficié d'une exemption thérapeutique de la part de l'agence en conformité avec ses recommandations. La gymnaste s'en est d'ailleurs expliquée dans un tweet.
— Simone Biles (@Simone_Biles) 13 septembre 2016
"Je souffre de troubles de déficit de l'attention et d'hyperactivité (ADHD en anglais) et je prends des médicaments depuis plusieurs années. Sachez que je crois en un sport propre, que j'ai toujours suivi les règles et que je vais continuer à le faire tant que le fair-play sera essentiel pour le sport et reste très important pour moi", a-t-elle déclaré mercredi. Quoi qu'il en soit, ces contrôles sont en règle et les sportifs ne risquent aucune sanction supplémentaire.
Quels soupçons pèsent sur l'identité des hackers ? L'Agence mondiale antidopage semble pencher pour une vengeance de la Russie. "Nous avons des informations très solides selon lesquelles [ces pirates baptisés APT28] sont liés à la Russie, et ils attaquent notre système depuis des semaines", a précisé le président de l'agence Craig Reedie auprès de la BBC mercredi. Il s'agit de la deuxième attaque de ce groupe depuis début août contre le système de gestion et de localisation de l'agence (dit Adams), qui lui permet d'assurer le suivi des contrôles antidopage des sportifs.
La première a eu lieu juste après la révélation des données confidentielles concernant la lanceuse d'alerte russe Yuliya Stepanova. La coureuse de 800 mètres a dénoncé l'existence d'un système de dopage d'État généralisé en Russie. À la suite de ce scandale, en s'appuyant sur deux rapports accablants, de nombreuses fédérations internationales ont exclu plus d'une centaine d'athlètes russes des Jeux olympiques de Rio. La plus sévère, l'IAAF, la Fédération internationale d'athlétisme, avait décidé de mettre hors-jeu 67 des 68 athlètes russes candidats aux Jeux de Rio. Des sanctions que la Russie a condamnées.
De plus "Fancy Bears" est en réalité l'un des noms qu'ont donné des spécialistes de la sécurité informatique à ce groupe de cybercriminels considérés comme des cyberespions à la solde de l'État russe. C'est également ce groupe qui est soupçonné d'avoir piraté la chaîne française TV5 Monde en 2015 ou encore le Parti démocrate américain qui a rendu public des e-mails confidentiels d'Hillary Clinton. Un événement qui a fragilisé la candidate à l'élection présidentielle en pleine campagne. Moscou avait alors été accusé d'avoir cherché à favoriser son adversaire républicain, Donald Trump.
Greetings.
— Fancy Bears' HT (@FancyBears) 14 septembre 2016
We are #FancyBears' hack team.
We go on exposing #doping athletes
https://t.co/9bqTXUwpoYpic.twitter.com/hEjqhoLcVA
Quelles sont les conséquences de ce piratage ? Un regain de tension entre Moscou et Washington. Dès mercredi, le Kremlin a formellement démenti avoir un quelconque lien avec ce groupe de hackers. "Non ! Comment, comment ?", s'est insurgé Vitali Mutko, le ministre des Sports russe mercredi à Athènes, où il se trouvait pour l'élection du nouveau président de l'Union européenne de football (UEFA). "Comment pouvez-vous dire que ce sont des pirates informatique de Russie ? Vous accusez la Russie pour tout", s'est-il exclamé. "Nous aussi, nous pouvons être des victimes". Selon le ministre, le droit russe prévoit une protection des données informatiques et toute personne convaincue de piratage informatique peut être poursuivie.
Quant à l'agence mondiale antidopage, elle a demandé, jeudi, au gouvernement russe d'intervenir pour faire cesser les agissements de "Fancy Bears". "Nous condamnons cette activité criminelle et nous avons demandé au gouvernement russe de faire tout ce qui était en son pouvoir pour que cela cesse", déclare le directeur général de l'agence, Olivier Niggli dans un communiqué. Un piratage qui dépasse largement les seules considérations sportives.