L'Espagnol Carlos Rodriguez (Ineos) a remporté la 14e étape du Tour de France, la première dans les Alpes, samedi à Morzine, en s'imposant devant Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard qui conserve le maillot jaune. Rodriguez a fait la différence dans la descente de Joux Plane, où Pogacar et Vingegaard se sont expliqués sans réussir à se départager, à l'issue d'une étape marquée par plusieurs chutes et au moins sept abandons, dont celui de Romain Bardet. Grand espoir du cyclisme espagnol, Rodriguez, 22 ans, s'est imposé avec cinq secondes d'avance sur le duo pour se hisser à la troisième place du classement général, dégageant du podium l'Australien Jai Hindley, arrivé 1:46 plus tard. C'est déjà la troisième victoire espagnole dans ce Tour de France, alors que cette nation traditionnelle du cyclisme courait après un succès depuis cinq ans avant cette 110e édition.
L'étape a donné lieu à un nouveau mano a mano entre Pogacar et Vingegaard qui a grappillé une seconde samedi, grâce aux bonifications au sommet de Joux Plane. Il en compte désormais dix d'avance au classement général, une marge infime. Son rival slovène, lunettes relevées, a placé son attaque à 3,7 km du sommet de ce col hors catégorie. Il a tout de suite pris une vingtaine de mètres d'avance. Mais, comme tenu par une laisse invisible, Vingegaard, au visage impénétrable derrière sa visière, s'est accroché pour amortir le choc et recoller deux kilomètres plus loin.
Les deux hommes se sont alors retrouvés épaule contre épaule. Mais au moment de lancer son sprint pour prendre les points de bonus au sommet, Pogacar a été bloqué par une moto de presse et obligé de se rasseoir. Vingegaard en a profité pour grappiller trois secondes sur le Slovène qui en a ensuite repris deux en terminant l'étape devant le Danois. Après leur combat de chefs, les deux favoris ont temporisé, ce qui a permis à Rodriguez et à Adam Yates, équipier de Pogacar, de recoller dans la descente. L'Espagnol est aussitôt passé à l'attaque pour surprendre Pogacar et Vingegaard et s'imposer à Morzine.
Jeu de massacre sur le Tour de France, Bardet abandonne
L'entrée dans les Alpes a viré au jeu de massacre samedi sur le Tour de France avec plusieurs chutes, une brève neutralisation de la course et une pluie d'abandons, dont celui de Romain Bardet. Le Français, qui était 12e au général, est tombé au kilomètre 25 dans la descente du col de Saxel, première difficulté de cette 14e étape terriblement difficile entre Annemasse et Morzine. D'abord allongé de tout son long, le leader de l'équipe DSM, a pu se relever. Mais, visiblement sonné, il a dû se résoudre à quitter la Grande Boucle pour la deuxième fois en dix participations.
C'est un coup de massue pour le grimpeur auvergnat, deuxième du Tour en 2016 et troisième l'année suivante, qui ambitionnait de s'approcher encore du podium cette année. Mais il est tombé malade après le début du Tour et n'a jamais réussi à peser sur la course qu'il a abandonnée samedi la mort dans l'âme. Bardet était le cinquième coureur à jeter l'éponge samedi après le Britannique James Shaw (EF Education), tombé dans la même descente, et trois autres qui n'ont pas réussi à se relever d'une chute massive peu après le départ.
Après à peine cinq kilomètres de course, des dizaines de coureurs sont allés au sol dans une longue courbe à droite sur une route mouillée, certains terminant dans l'herbe du bas côté avec le cuissard et le maillot complètement déchirés. Le Sud-Africain Louis Meintjes était l'un des plus touchés. Le leader sud-africain de l'équipe Intermarché, qui était 13e au classement général, a dû abandonner à cause d'une fracture à la clavicule, a confirmé son équipe. L'Espagnol Antonio Pedrero (Movistar) a également été évacué sur une civière. Quant au champion de Colombie Esteban Chaves (EF-Education), il a bien tenté de repartir. Mais, trop touché, il s'est résigné à l'abandon quelques minutes plus tard. D'autres ont repris la route mais en portant des stigmates, à l'image du Français Adrien Petit, équipier de Meintjes, qui s'est remis en selle avec beaucoup de difficulté et un énorme bandage au mollet droit.
La course neutralisée
La direction du Tour avait neutralisé la course, le temps que les coureurs blessés puissent être évacués en ambulance. Le peloton a été immobilisé pendant environ 25 minutes avant de s'élancer pour une deuxième fois. Parmi les leaders, le troisième du classement général Jai Hindley a été impliqué mais a repris la route sans dommages, selon son équipe Bora, tout comme deux équipiers du maillot jaune Jonas Vingegaard, les Néerlandais Nathan van Hooydonck et Wilco Kelderman.
Pogacar-Vingegaard, la finale dans les Alpes ?
Cette 14e étape marque l'entrée dans les Alpes et le début d'une orgie de cols pour départager Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, les deux grands favoris pour la victoire finale. Déjà bien rincé, le peloton du Tour de France aborde samedi la première des quatre étapes alpestres, le début d'une orgie de cols pour départager Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, les deux grands favoris pour la victoire finale. Joux-Plane, Forclaz, col de la Loze, côte de Domancy... autant de hauts lieux de la Grande Boucle que les coureurs égrènent sur leur chapelet dans un mélange d'excitation et de peur.
Le tracé de la 14e étape
Crédit : site officiel du Tour de France
Avec impatience pour certains comme Pogacar et Vingegaard qui se tiennent en neuf secondes au classement général. C'est l'angoisse pour la plupart des coureurs qui ont déjà bien transpiré dans ce Tour de France "fast and furious". Ils ont ferraillé dans les collines du Pays basque espagnol. Fait la guérilla dans les Pyrénées. Suffoqué dans le Puy-de-Dôme et le Grand Colombier. Et bataillé comme rarement autour des volcans d'Auvergne et dans le vignoble beaujolais. "A fond les ballons du début à la fin", résume le coureur français Victor Lafay. Mais le plus difficile ne fait que commencer.
À partir de samedi, la pente va s'élever à nouveau pour le premier chapitre d'un roman en haute altitude. D'ici mercredi soir, les coureurs vont se coltiner quinze montées répertoriées, dont huit en première catégorie et deux hors-catégorie. "Le menu alpin n'a pas été aussi dur depuis un moment. Ça va être plus déterminant que l'année passée", se projette David Gaudu qui espère briller sur ce terrain. Le col de Cou, l'inédit col du Feu, le col de la Ramaz et Joux-Plane sont au programme samedi entre Annemasse et Morzine.
La 17e étape ? "Monstrueuse"
"Ça monte dès le départ et dans le final, il faudra enchaîner le col de la Ramaz et Joux-Plane. Ça va bagarrer sec entre les premiers du général. Sachant qu'il faut garder du jus parce qu'il y a de quoi tout perdre dans la descente hyper technique vers Morzine", expose Thierry Gouvenou, l'architecte du parcours. Dimanche, place aux cols de la Forclaz, de la Croix Fry, des Aravis et des Amerands, avant l'arrivée au sommet à Saint-Gervais Mont-Blanc, où Romain Bardet s'était imposé en 2016.
Après une journée de repos, l'aventure continue mardi avec le seul contre-la-montre au programme cette année, une course de côte, petit format (22,4 km) mais maxi exigeante, avec la côte de Domancy (2,5 km à 9,4%) que Bernard Hinault avait transformée en chaudron lors de sa victoire aux Championnats du monde en 1980. "C'est un chrono super dur et potentiellement décisif pour la victoire finale", prévoit l'Australien Jai Hindley, troisième au général.
Et, pour couronner le tout, il reste l'étape-reine mercredi. Une authentique torture : 5.100 mètres de dénivelé positif, l'ascension du terrible col de la Loze, toit (2.304 m) de cette 110e édition après 28 km de grimpette, avant une plongée vertigineuse sur Courchevel pour finir en montée à l'altiport sur une pente à 18%. "Une étape monstrueuse", prévient Jai Hindley.
Chaleur
Pour Sepp Kuss, sherpa d'altitude de Vingegaard, pas de doute : "les Alpes ont tout pour être le juge de paix" du Tour. "Jonas et Tadej ont fait match nul jusque-là mais avec la fatigue accumulée et plusieurs étapes de montagne successives, une autre course commence. Et on arrive sur le terrain que Jonas affectionne le plus", assure l'Américain. De fait, Vingegaard ne cesse de répéter que les longues ascensions en haute altitude sont celles qui lui conviennent le mieux, conforté par son expérience de l'année dernière dans la sublime étape du Granon où il avait fait craquer Pogacar, avant de gagner son premier Tour de France à Paris.
Mais son rival slovène a juré qu'on ne l'y reprendrait pas. Le double vainqueur en 2020 et 2021, qui excelle dans un registre plus explosif, assure avoir progressé dans les montées longues et la gestion des fortes chaleurs, considéré comme un de ses points faibles. Les prochains jours dans les Alpes, où on attend justement des températures élevées, devraient lui donner l'occasion de le prouver. Et si jamais les Alpes n'arrivent pas à départager les deux ogres, il restera encore les Vosges à la veille de l'arrivée à Paris dans ce Tour de France 2023 pour alpinistes.