Peut-on réellement suivre de loin l'annonce d'une liste d'un Euro disputé à domicile ? Peut-on totalement se détacher de l'événement et attendre comme si de rien n'était ?
Non, répondent les anciens Bleus. "Bien sûr que les joueurs vont être collés sur leur téléphone portable, devant leur télévision ou à l'écoute de la radio, et ils vont attendre avec anxiété", insiste au micro d'Europe 1 Frank Leboeuf, qui a connu quatre grandes compétitions avec les Bleus (Euro 1996 et 2000, Coupe du monde 1998 et 2002). "Je pense qu'il n'y a jamais eu une liste aussi indécise que cette année car il y a des jeunes qui se sont révélés au dernier moment, comme N'Golo Kanté (Leicester). Et quand on voit les fins de saison réussies de Kevin Gameiro, avec Séville, et d'Alexandre Lacazette, avec Lyon... Et est-ce qu'Olivier Giroud va y être, est-ce qu'André-Pierre Gignac va y être ?"
Ludovic Giuly, qui a manqué l'Euro 2000, la Coupe du monde 2002 et l'Euro 2004 du temps où il flambait avec l'AS Monaco, en connaît un rayon en matière d'attente. Et de déceptions. "Je n'étais pas souvent dedans, j'avais la pression, donc j'attendais, comme tout le monde, devant la télé, pour voir si mon nom apparaissait", souligne celui qui n'a jamais réussi à gagner la confiance de Jacques Santini puis de Raymond Domenech par la suite. "Après, il y a des joueurs qui sont plus certains d'y être que d'autres. Mais voilà, on est tous à l'écoute, et même si le joueur n'a pas envie, il y a toujours quelqu'un de sa famille qui le tient au courant. Ce sont donc des moments particuliers, une grosse attente pour certains et le soulagement quand tu es sélectionné, bien sûr."
L'attente des joueurs sera ici décuplée par le fait que la compétition se dispute à domicile. Mais ce sera tout à fait différent de ce qu'ont vécu les héros de 1998. Jeudi, Didier Deschamps annoncera un groupe de 23 joueurs et le nom de sept réservistes, censés compenser les éventuels forfaits sur blessure. Il y a 18 ans, Aimé Jacquet avait opéré différemment : il avait désigné un groupe de 28 joueurs, avant d'en écarter six au moment de la liste définitive. Lors de la première phase de préparation, aucun des 28 joueurs présents à Clairefontaine n'était donc assuré à 100% de disputer la compétition (enfin, les "tauliers", eux, savaient très bien qu'ils en seraient).
Lionel Charbonnier, troisième gardien derrière Fabien Barthez et Bernard Lama, se souvient ainsi avoir appris sa sélection pour la Coupe du monde 1998 d'une manière étonnante. "Comme je n'étais pas sûr de jouer et que je n'étais même pas sûr d'être pris, j'ai dit au kiné : 'si jamais il y a encore un petit peu de place pour venir me masser, viens me masser, mais si je ne suis pas dans les 22, ne t'emm... pas'. Il est venu frapper à 1h30 du matin. Je dormais et je lui ai dit : 'laisse tomber, si ça se trouve, je ne suis même pas dans les 22, ne t'emm... pas à me masser'. Il m'a alors répondu : 'Si, si, t'es dans le 22'. C'est donc le kiné qui m'a appris que j'étais dans les 22 et que les autres étaient partis (Charbonnier était en balance avec Lionel Letizi, écarté de la liste finale tout comme Martin Djetou, Ibrahim Ba, Sabri Lamouchi, Pierre Laigle et Nicolas Anelka, ndlr). Je lui ai alors dit : 'masse fort parce que je vais en avoir besoin'. Finalement, et logiquement, compte-tenu de son statut de troisième gardien, Charbonnier n'avait pas joué une seule minute du Mondial. Mais ça, c'est une autre histoire…