Champions d'Europe, du monde et olympiques : les Bleus collectionnent les trophées depuis près de dix ans. Les "Experts", qui disputent l'Euro en Pologne, ambitionnent de conserver leur couronne continentale pour ajouter un nouveau trophée à leur impressionnant palmarès. Ce statut d'équipe presque "imbattable", auquel le public français est désormais habitué, interdit aux hommes de Claude Onesta tout autre résultat qu'une victoire. Mais comment les Bleus gèrent-ils cette pression du succès ? Eléments de réponse avec Cédric Quignon-Fleuret, responsable de l'unité de psychologie du sport à l'Insep (institut national du sport, de l'expertise et de la performance).
- Comment gère-t-on la pression extérieure, des médias, du public, qui n'attendent rien d'autre qu'une victoire ?
On apprend à gérer ces facteurs avec l'expérience. Un athlète apprend à se recentrer sur les facteurs qu'il peut maîtriser, comme son niveau de concentration, de confiance en soi, sa préparation physique, sa récupération, la manière de s'entraîner dans un groupe ou se centrer sur ses objectifs.
Quant à tous les facteurs extérieurs comme l'arbitrage, la presse, on apprend à les mettre de côté. Tous ces éléments, y compris l'attente du public, deviennent de l'essence dans le moteur. Le joueur interprète ces données pour devenir des éléments de sa motivation. L'attente est une forme de pression, mais elle n'est pas banalisée. A un moment donné, ils savent qu'ils ont un certain statut, un standing, mais c'est une pression qui devient stimulante. Un joueur apprend à interpréter tout cela pour alimenter sa motivation, et les éléments les moins pertinents il va apprendre à les mettre de côté. C'est à ça que sert l'expérience.
- Quel est le rôle du sélectionneur dans ce contexte ?
On ne gère pas de la même manière des athlètes très expérimentés, qui sont capables de gérer par eux-mêmes beaucoup de choses. Il va y avoir un management particulier pour renouveler la motivation et le degré d'envie. Quand une équipe a gagné énormément de choses, il faut arriver à poser des challenges suffisamment stimulants pour le groupe. Ensuite il y aura d'autres paramètres, plus classiques, comme conserver une unité, une bonne communication entre les plus anciens et les nouveaux.
On ne peut pas avoir le même discours avec des joueurs expérimentés et d'autres qui débutent. Prenons un autre sport, comme le basket-ball. L'équipe de France est expérimentée, il y a des leaders comme Tony Parker ou Boris Diaw, mais pour autant le chef d'orchestre reste le staff, l'encadrement a un rôle primordial. Parfois, quand le sportif est expérimenté, il y a même encore plus à faire. Il faut arriver à être encore plus précis dans ce que le coach lui demande, trouver des choses très précises qui vont jouer sur sa motivation.
- Un mauvais parcours à cet Euro peut-il briser le cycle de victoires de cette équipe ?
On parle d'un groupe particulier, où il y a une culture de la gagne. Ca ne concerne pas uniquement les joueurs actuels, qui composent l'équipe de France d'aujourd'hui. On a mis en place, dans ce groupe, une identité qui consiste à viser plus haut. Ca ne va pas s'effondrer parce qu'une compétition sera ratée.
Un ancien coach de foot américain, Vince Lombardi, a dit : "Gagner ce n'est pas l'affaire du hasard, c'est l'affaire de tous les instants. Gagner est une habitude, et malheureusement perdre aussi". C'est une citation que j'aime bien, parce qu'on prend des habitudes de défaites, mais aussi de victoires. La question de la motivation devient presque secondaire. Quand on vient en équipe de France, on vient pour gagner la compétition. C'est relayé par les anciens et, en soi, c'est un élément de motivation déjà très fort pour les nouveaux, puisqu'ils doivent se mettre au niveau. On installe une culture de la gagne, on vient pour gagner, et ça devient insupportable de fournir autre chose que de la très haute performance. La victoire fait partie de l'ADN de ces joueurs-là.