EXCLU - Claude Puel : "J'ai essayé de tout donner" pour Saint-Etienne

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Colin Abgrall , modifié à

Ancien milieu de terrain de l’AS Monaco pour laquelle il a joué 600 matchs dans les années 1980 et 1990, ancien entraîneur de Lille, Lyon, Nice, Leicester ou encore Saint-Etienne, sa dernière équipe entraînée, Claude Puel est un technicien respecté et un observateur avisé du monde du football. Il répond aux questions du journaliste et éditorialiste Jacques Vendroux, ainsi que de Cyrille de la Morinerie.

Il a entraîné l'AS Saint-Etienne de 2019 à fin 2021. Pendant près d’une heure, Claude Puel livre ses regrets de ne pas avoir pu poursuivre sa mission à la tête de l’AS Saint-Etienne, actuellement dernier club de Ligue 1. Il se confie également sur de nombreux sujets d’actualité tels que les violences dans les stades, la carrière de Kylian Mbappé, le projet de Coupe du monde tous les deux ans, ou encore la santé fragile de Pelé. 

Sur Hatem Ben Arfa : “Sa gestuelle à l'entraînement, c’était magnifique”

"C'est vrai que Hatem a été énorme. Mais parce que d'abord, il a été fidèle à une parole. Il devait venir au mois de janvier 2015. On n'a pas pu l'homologuer et il a attendu six mois, à s'entraîner tout seul pour revenir faire sa première saison complète. Hatem, je ne l'ai pas pris du premier coup. D'abord, je voulais parler avec lui, savoir à qui j'avais à faire parce qu'on entend toujours tellement de choses. J'ai découvert quelqu'un de sensible et surtout un amoureux du foot. C'est un passionné. Il aime le foot et par rapport à toute les expérience qu'il avait vécues, bonnes ou moins bonnes, je trouvais que c'était quelqu'un qui avait pris de la maturité et je trouvais ça intéressant d'essayer de faire quelque chose avec lui. Et donc, c'est vrai que c'est vrai qu'on a bien fonctionné. D'abord, j'ai regardé comment il évoluait. C'est vrai que souvent, dans ses équipes, il a joué sur le côté droit. On a fait trois premiers matchs amicaux, je ne le sentais pas. Ça n'allait pas parce que il ne participait pas assez sur l'aspect défensif, ce n'était pas vraiment box-to-box de façon à répéter des efforts conséquents. C'est là où j'ai décidé de le mettre au centre du jeu. Je l'ai mis en 10, derrière deux attaquants, derrière (Valère) Germain et (Alassane) Pléa. Puis Pléa s'est blessé. Je l'ai monté d'un cran de plus, et je l'ai soulagé un petit peu des tâches défensives. Et puis dans son jeu, on a essayé de le faire évoluer aussi. Je trouvais que c'était un joueur qui restait sur des fulgurances et qui manquait de régularité, qui manquait, à la sortie de ses dribles, de sang froid et de relâchement pour prendre la bonne décision. Et c'est vrai qu'on a travaillé à l'entraînement. Et quand on a travaillé sa gestuelle à l'entraînement, c'était magnifique. C'était magnifique. Je lui disait 'fais moi un intérieur premier poteau.’ C’était but. ‘Fais moi un intérieur deuxième poteau.’ C’était but. Et en fait, il n'avait jamais travaillé. On ne lui avait jamais ouvert cette perspective-là. Et c'est vrai que cette année-là, il a marqué plus de 20 buts, il a fait des passes décisives, il a découvert du relâchement. Il s'est découvert un peu lui aussi dans certains aspects. Maintenant, il faudra voir où il se situe sur le plan physique, s'il arrive à reproduire des efforts explosifs et à faire des différences. Mais par contre, par rapport à sa motivation, par rapport à sa préparation, je n'ai aucun doute là-dessus. C'est un amoureux du football. Il y a un point d'interrogation légitime : combien de temps il va mettre pour retrouver son niveau et est-ce qu'il va garder cette explosivité pour faire des différences ?"

Sur Saint-Etienne : “J’ai essayé de tout donner”

"Je n'ai pas trop envie de m'exprimer sur Saint-Etienne parce qu'il faut qu'il se sauve. Ils ont un gros challenge à relever. J'ai simplement essayé de tout donner pour ce club Donc, avec mon staff, on a donné et on a fait le maximum en essayant, avec les possibilités qu'on avait, de développer certains jeunes du centre de formation avec lesquels on a beaucoup travaillé et qui, je l'espère, permettront à ce club de se sauver et de représenter des ressources financières quand ils auront besoin de combler les déficits. Mais voilà, c'est dommage. C'est un club avec un public, avec une histoire, avec quelque chose d'extraordinaire. J'espère sincèrement qu'ils vont arriver à se maintenir parce que derrière, il y a beaucoup de choses positives qui peuvent s'ouvrir, parce qu'ils vont pouvoir repartir sur une nouvelle page. On n'a pas pu faire de recrutement durant quatre mercatos. Quatre mercatos que j'ai dû subir parce qu'il fallait essayer de limiter la masse salariale et de créer des joueurs pour essayer de les vendre plus tard et d'avoir des bonnes conditions financières pour le futur du club, etc. Donc c'est comme ça, mais c'est un bon club. C'est un beau club avec un énorme potentiel. À voir ce qu'il adviendra aussi s'il y a une vente et avec qui à la tête. Je ne m'attendais pas à ce que le club soit dans cette situation quand je suis arrivé. Mais à partir de là, ce qui était important, c'était tout simplement de donner le meilleur, de les aider tout simplement à passer cette situation et passer cette étape. Voilà, c'est comme ça."

Sur la violence dans les stades : “C’est l’affaire de tous”

“Il y a de la violence. Mais ça ne date pas de maintenant. Il y a beaucoup de choses qui sont mises en exergue parce qu'il y a des caméras et où il y a des choses qu'on n'accepte plus et je trouve que c'est très bien de ne plus les accepter. Mais bon, il y a eu par le passé de la violence sur le terrain, entre joueurs, avec des supporters et on n'a pas stigmatisé ces choses là, peut être à regret . Donc voilà, je dirais que le football anglais, à un moment donné, a sévi assez vite, très fortement et n'a plus laissé passer ces choses là. Parce qu'il a fallu malheureusement un drame au Heysel (En 1985) pour prendre conscience et arrêter ça. Il faut que tous les acteurs du football prennent conscience, que ce soit les supporters, les ultras, les dirigeants du football, les dirigeants de clubs... C'est l'affaire de tous. Il faut bien se comporter par rapport à l'image qu'on doit véhiculer pour les enfants, pour le football et pour le sport. Le sport, encore une fois, c'est une perspective de pouvoir montrer le bon côté des choses et des valeurs de l'être humain. Et puis, parce que c'est quelque chose où l'on peut codifier, dégager certaines choses. Que ce soit la violence, que soit le dopage... Toutes ces choses là, ça doit être banni. Le football est une école de la vie. On doit garder des valeurs d'exemplarité. C'est ça le plus important.”

Sur la Coupe du Monde tous les deux ans : “C’est pour plus de business”

“Je suis contre parce que je suis d'abord joueur. Sincèrement, je parlais tout à l'heure de moi, entraîneur. J'ai entraîné des internationaux qui revenaient de championnats d'Europe, de Coupe du monde. Et la difficulté de les remettre, de les voir reprendre de la fraîcheur, les remettre dans notre football national, puis repartir, etc. Je parlais de mon expérience à Lyon notamment après l'Afrique du Sud (en 2010). Ça veut dire que les joueurs ne récupèrent plus. C'est impossible après d'avoir de la qualité et de pas avoir des blessures ou des burn out, des dépressions, etc. Parce qu'il y en a également. Mais ça veut dire que c'est fini, il faut arrêter les championnats nationaux. Et puis, comment faire des comparaisons également de dire tiens, telle ou telle génération de joueurs, c'est aussi fort que Pelé, Messi ou Ronaldo, alors qu'on va faire des matchs tous les trois jours et comparer tel buteur qui multiplie les compétitions et les matchs internationaux avec des buteurs qui avait une Coupe du monde tous les 4 ans, pour qui c'était sacré, c'était LE rendez vous. La rareté fait l'événement, fait sa préciosité. Si on fait une Coupe du monde tous les deux ans, c'est la dévaloriser. Et qu'on ne me dise pas que c'est pour améliorer le foot ou pour défendre les championnats nationaux. C'est pour plus de business, dégager plus d'argent.”

Sur Kylian Mbappé : “Je trouve son parcours très intelligent” 

“Bon, la première des choses à savoir, est-ce que c'est bien qu'il aille au Real Madrid ? Il est déjà dans un grand club. Il joue déjà au très haut niveau avec l'équipe nationale, avec son club. Après, ça lui appartient de voir la progression ou le projet de carrière qu'il peut avoir. Par contre, au niveau de son évolution, je trouvais que c'était un joueur fabuleux. Son jeu reposait beaucoup sur son explosivité, ses différences balle au pied et son physique. Et c'est vrai qu'au tout début, je me demandais s'il allait être dans la capacité d'avoir cette gestuelle pour finir ses actions. Ce relâchement devant but, ce temps d'avance qu'on voit dans la surface chez les grands joueurs. Et ça, dans sa progression il le met de plus en plus en place et c'est pour ça que je m'étonne par sa maturité, par sa précocité, le fait d'être intelligent sur le terrain, dans son parcours pour progresser. Il est intelligent en dehors parce qu'il construit sa carrière en tant qu'être humain et par rapport à ce qu'il peut représenter pour toutes les générations. Je trouve son parcours très, très intelligent.”