Alors que l'Équipe de France a entamé de la mauvaise manière la Ligue des Nations par une défaite vendredi face au Danemark (1-2), Didier Deschamps, sélectionneur et figure emblématique des Bleus, a accordé une interview exclusive à Europe 1. À six mois de la Coupe du Monde au Qatar, l’ancien capitaine de 53 ans revient sur les incidents au Stade de France il y a une semaine, sur ses responsabilités en tant que sélectionneur, sur ses choix d’aujourd’hui, la concurrence en Équipe de France, mais également sur Karim Benzema, Kylian Mbappé et Olivier Giroud.
Sur les incidents au stade de France : "Une image loin d’être positive"
"Je n'ai pas tous les éléments. Je ne vais pas dire que c'est la faute à l'un ou à l'autre. La seule chose que je peux dire de ma position de sélectionneur et d'amoureux du football, c'est que ce sont des choses qui sont regrettables. L'importance de cet événement donne une image dans le monde entier qui est loin d'être positive. Après, chacun a son pouvoir de décision. Ça n'aurait pas dû arriver, c'est arrivé. C'est fort regrettable. C'est des choses qu'on n'a pas envie parce que le football est montré du doigt. Ça peut arriver dans d'autres enceintes sportives aussi.
Pour différentes raisons, ça ne me fait jamais plaisir quand je vois de telles images. Malheureusement, les enceintes sportives et le football, qui est le sport le plus populaire, sont des lieux aujourd'hui où on vient déverser un peu trop de haine, d'agressivité. Il y a des choses à améliorer, même si ce n'est pas évident. Je ne suis pas à la place des clubs, qui ont leur responsabilité. Faire en sorte que de telles choses arrivent moins dans un premier temps, arrivent beaucoup moins et n'arrivent plus, ce serait l'idéal."
Sur son rôle de sélectionneur : "J’ai besoin de cette adrénaline"
"Je me sens très bien dans cette fonction, évidemment. Ça fait bientôt dix ans, j'ai changé. Je sais beaucoup plus de choses et j'ai plus la mesure de la fonction de sélectionneur, que ce soit quand je suis avec les joueurs et en dehors aussi. Je l'ai toujours dit, c'est lié aux résultats parce que si je n'avais pas eu les résultats, je ne serais pas là aujourd'hui. Je suis épanoui et je l'ai toujours été, même s'il n'y a pas eu que des moments faciles ou agréables. Il y en a eu plus d’agréable que de désagréable. Mais je me plais, je le répète, je suis épanoui dans cette fonction de sélectionneur parce que c'est le très haut niveau et j'ai toujours été habitué à ça. J'ai besoin de ça et de cette adrénaline-là."
Ce qu'il lui plaît dans cette fonction : "C’est ce qu’il y a de plus beau pour moi"
"C'est l'essence même de ce qui fait le sport, c'est-à-dire c'est le très haut niveau avec les exigences qui vont avec. J'ai eu le privilège de connaître ça dans ma première vie de joueur aussi. Mais dans le football, il n'y a rien qui peut être plus fort, plus important, qu'un titre de champion du monde ou de champion d'Europe. Même si les autres compétitions que vous gagnez en club sont importantes. Mais représenter son pays, ce que représente ce maillot bleu blanc rouge pour moi, de le porter pendant dix ans en tant que joueur et là en tant que sélectionneur, d'être au service de l'équipe de France, professionnellement, c'est ce qu'il y a de plus beau pour moi."
Le Ballon d'Or pour Karim Benzema ? "Il est certainement le grand favori"
"Ce n'est pas vous qui allez décider, ni moi, mais il a tout fait pour l'avoir. Et ce titre de champion d'Europe avec le Real Madrid... Il a été tellement décisif durant la saison. Il le méritait avant ce titre. Il est certainement le grand favori pour avoir cette récompense individuelle."
Sur la décision de Kylian Mbappé de rester au PSG : "C’est mieux d’avoir Kylian qui reste un lien à tous les niveaux"
"S'il a fait ce choix-là, c'est qu'il pense que c'est le meilleur choix pour lui. Ce que je peux dire après, par rapport à la France et au football français, c'est mieux d'avoir Kylian qui reste un lien à tous les niveaux. Par rapport aussi au regard des étrangers, la présence de Kylian met encore plus en valeur notre championnat national."
Sur Olivier Giroud : "Il connaît la situation"
"Il connaît la situation. On a déjà échangé plusieurs fois. Je me suis déjà exprimé par rapport à lui et l'objectif que j'ai avec les joueurs qui sont là sur ce rassemblement. Mais je sais qu'il est très attaché à l'équipe de France et qu'il est toujours à disposition. À chaque fois, j'ai des choix à faire par rapport à un groupe. Mais j'ai bien conscience, et c'est ce qui rend mes choix encore plus difficiles, que ceux qui ne sont pas dans les 24 joueurs que j'ai sélectionnés, il y en a certains qui pourraient y être ou qui y seront au prochain rassemblement ou dans la liste pour la Coupe du monde."
Sur la difficulté des choix : "On ne peut pas mêler le sentimental et le professionnel"
"On ne peut pas mêler le sentimental et le professionnel. Ça ne fait jamais bon ménage. J'en suis convaincu. Mais au-delà de ça, ce sont mes choix et je les assume. Mais ce ne sont pas des choix que je fais par rapport à moi. C'est des choix que j'ai toujours fait, que je ferai toujours pour le bien pour l'équipe. L'équipe de France ne m'appartient pas, je suis à son service, je suis là pour faire en sorte qu'elle soit la plus performante possible. Comme à chaque fois, il y en a qui auront des préférences, c'est toujours un éternel débat.
Je ne suis pas là pour me justifier, je peux plus ou moins argumenter et je n'ai pas envie de dire certaines choses. On est beaucoup dans l'interprétation. Personne ne peut être en possession des éléments dont je dispose à l'extérieur, mais chacun peut se faire une idée, interpréter. Le risque, c'est d'aller à des conclusions hâtives. La vérité d'aujourd'hui, elle est celle d'aujourd'hui, celle de demain, je ne la connais pas. S'il y en a qui la connaissent, je suis preneur."
Sur la Ligue des Nations : "Mieux d’avoir une compétition que des matchs amicaux"
"C'est l'avant dernier rendez-vous puisqu'on n'aura pas de rendez-vous en octobre et nous n’aurons pas de préparation puisque les joueurs arrêteront une semaine avant le début de la Coupe du monde. D'habitude, c'était deux matches par rassemblement, on a poussé jusqu'à trois mais là, on en a quatre qui sont très rapprochés dans une période qui n'est jamais évidente puisque c'est la période où les joueurs sont censés être en vacances. Il y a des différences de niveau athlétique aussi parce que des joueurs ont arrêté depuis quelques semaines, d'autres il y a une semaine ou quinze jours. Mais quand on est dans des objectifs de se préparer par rapport, à la Coupe du Monde, c'est mieux d'avoir une compétition que des matchs amicaux."
Sur la concurrence entre Lloris et Maignan : "Hugo est numéro un, à lui de tout faire pour le rester
"Je ne vais pas me plaindre. Au niveau des gardiens, il y a beaucoup de qualité et Mike fait une très bonne saison. L'important, c'est que les choses en interne soient bien claires, même si se préparer, anticiper, c'est mon devoir. Hugo, il maintient son niveau de performance avec son club de Tottenham et en équipe de France, il est capitaine aussi et c'est un rôle qu'il assume pleinement, il fait partie des cadres, des leaders. Il n'est peut-être pas très expressif, mais quand il y a quelque chose à dire, il le dit. J'échange beaucoup avec lui, comme avec les plus anciens aussi, pour avoir son ressenti.
La concurrence, elle est là, elle est de plus en plus forte pour beaucoup de joueurs, mais tant mieux, ça oblige aussi les plus anciens, les plus expérimentés à ne pas s'endormir. Lorsque j'aurai à prendre des décisions, à faire des choix, tout dépendra du niveau qu'ils afficheront, et ce que les plus jeunes seront capables de faire. Il y aura la possibilité, sur ce rassemblement, de répartir le temps de jeu aussi entre Hugo et Mike bien évidemment. Hugo est le gardien numéro un de l'équipe de France, à lui de tout faire pour le rester."
Sur le centenaire de l'Aviron Bayonnais : "Un attachement particulier"
"C'est là-bas que j'ai pris ma première licence. Cette passion du football, d'avoir été bien entourée, c'est ma ville natale aussi, j'ai toute ma famille. J'ai un attachement particulier pour un club omnisports parce qu'il n'y a pas que le football. C'est toujours le rugby qui est un peu le sport majeur localement. 100 ans, c'est un chiffre symbolique. J'aime bien le chiffre 100, donc ça va être un plaisir pour moi. C'est chez moi, proche des miens, ce que représente ce club-là et ce qu'il m'a permis de faire au début de ma carrière."