Elle est la nouvelle représentante du sport olympique en France, mais aussi la nouvelle voix du sport français dans son ensemble. Depuis le 29 juin dernier, Brigitte Henriques est à la tête du prestigieux Comité national olympique et sportif français, une première pour une femme. Invitée dimanche des Grands entretiens d'Europe 1, elle s'est confiée à Charles Villeneuve.
"Je veux dédier cette victoire à toutes les femmes"
"C'est un très, très gros challenge à relever. Je suis prête", assure Brigitte Henriques. Crise sanitaire, financière, environnementale, chute du nombre de licenciés, défense des valeurs républicaines… Les clubs et fédérations de France sont confrontés à des problèmes qui dépassent largement le cadre sportif. Mais c'est peut-être sur le sujet de la place des femmes dans le sport français que l'élection de Brigitte Henriques, ancienne internationale de l'équipe de France de football, suscite le plus d'attentes. "Je veux dédier cette victoire à toutes les femmes. Je veux leur dire qu'il faut oser candidater et accéder aux postes de responsabilité", avait-elle déclaré après sa nomination. Et ce message sera bien au cœur de son mandat.
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Selon des chiffres de 2016 de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, 38% des licenciés en club sont aujourd'hui des licenciées, un chiffre qui tombe en dessous des 20% dans plusieurs sport comme le rugby, le cyclisme ou encore le tennis de table. Sur les dix mille sportifs professionnels français, moins de 10% sont des femmes. Et surtout, seuls 14 des 108 présidents de fédérations sont des présidentes. "On avance un peu, mais pas suffisamment vite et pas suffisamment fort. Pour faire changer les stéréotypes, pour faire tomber les barrières culturelles, il y a besoin d'agir. En tout cas, c'est l'engagement qui est le mien", martèle Brigitte Henriques au micro d'Europe 1.
"À huit ans, j'ai voulu m'inscrire dans le même club de foot que mon frère…"
L'enjeu est d'autant plus important pour l'ancienne milieu de terrain du FCF Juvisy, triple championne de France, qu'elle-même a souffert du manque de places accordées aux femmes dans le sport. "À huit ans, j'ai voulu m'inscrire dans le même club de foot que mon frère, et on m'a dit qu'ils ne prenaient pas les femmes. J'ai été très, très déçue. Vraiment, parce que je vivais le foot par procuration, tous les week-ends, non seulement par mon frère de deux ans mon aîné, mais aussi les quatre autres, puisque j'ai cinq frères. Et c'est vrai que pour moi, à l'époque, c'était banal. Je me disais voilà, c'est comme ça."
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Il lui a fallu attendre l'âge de 20 ans pour réaliser que "non, ce n'est pas banal". "Finalement, il y avait plein de sportives qui étaient dans mon cas, je me suis dit que ce n'était pas juste", se souvient l'ancienne internationale, qui a eu 50 ans cette année. "Aujourd'hui, je vois des petites filles qui jouent avec leur papa et elles n'ont pas du tout ce sentiment que j'avais, on me disait à l'époque qu'on était des garçons manqués. On était effectivement en marge, mais malgré tout, ma passion m'a toujours guidée et je n'ai jamais arrêté de jouer", enchaîne-t-elle.
"Je vais me battre"
"Tout mon engagement, il part de là", poursuit Brigitte Henriques. "Et oui, il y a encore beaucoup à faire et je voulais vraiment dédier cette victoire à toutes les femmes. On a besoin de considérer que nous aussi, on est légitime. Ca n'appartient qu'à nous d'oser, même si ce n'est pas facile. Moi, en tout cas, pour ma part, ça m'a pris beaucoup, beaucoup de temps de me dire que je pouvais être numéro 1 et pas numéro 2. Et je crois que je ne suis pas la seule dans ce cas-là", développe l'ancienne milieu de terrain.
Avec son nouveau statut, Brigitte Henriques entend désormais renforcer ses capacités d'action. Après avoir rencontré la ministre chargée des Sports, Roxana Maracineanu, et le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, elle entend bientôt s'entretenir avec Emmanuel Macron, ainsi qu'avec les futurs candidats à la présidentielle. "Je vais me battre, pour être force de proposition. Il faut prendre notre part de responsabilité." Objectif : que son message circule partout, dans les clubs, dans les écoles, dans les universités, mais aussi dans le monde de l'entreprise, où le sport est encore trop peu présent selon elle, pour les femmes comme pour les hommes.