L'Empire du Milieu contre-attaque. Les clubs chinois ont animé le marché des transferts, cet hiver, recrutant à coups de millions d'euros plusieurs joueurs renommés en Europe, comme Ramires, Gervinho ou Jackson Martinez. Pour contrer l'émergence de la Chine, les grosses écuries du Vieux Continent pourraient être tentées d'unir leur force au sein d'un même championnat. Le but : augmenter sensiblement leurs revenus afin de garder les meilleurs joueurs, et ainsi écarter la menace chinoise. Mais une Superligue européenne, est-ce vraiment crédible ?
Le projet : un vieux serpent de mer. L'idée d'un championnat regroupant les plus grands clubs européens ne date pas d'hier. Au début des années 2000, une Superligue avait déjà été évoquée par certaines grosses écuries. Avec le développement de la Ligue des champions, un succès aussi bien économique que médiatique, le projet avait été pratiquement enterré.
Mais plusieurs grands clubs européens, regroupés au sein de l'ECA (Association européenne des clubs), ont remis le débat sur la table. A la tête de ce vent de révolte : les patrons du Bayern Munich et de la Juventus Turin. "Il ne faut pas exclure que, dans le futur, on puisse créer un championnat européen avec les grands clubs d'Italie, d'Allemagne, d'Angleterre, d'Espagne et de France, sous l'égide de l'UEFA ou d'une organisation privée," a ainsi déclaré début janvier Karl Heinz-Rummenige, patron du Bayern et président de l'ECA.
L'objectif : augmenter le montant des droits télévisés. Si les grands clubs veulent unir leurs forces, c'est avant tout dans un but économique. Les droits télévisés ont explosé ces dernières années, notamment en Angleterre. La lucrative Premier League touchera ainsi près de 3,6 milliards d'euros par saison entre 2016 et 2019 (2,3 de droits domestiques + 1,3 milliard environ à l'international). Dans le même temps, la Ligue des champions ne reçoit "que" 1,5 milliard annuel. Cette différence agace plusieurs grands clubs, qui ambitionnent d'augmenter sensiblement le montant des droits télévisés de la reine des compétitions européennes.
Or, quoi de mieux qu'un championnat entre le Bayern, le Barça, le Real, le PSG ou Arsenal pour attirer les chaînes de télévision ? "La Ligue des Champions vaut 1,5 milliard d'euros de droits TV contre presque sept milliards pour la NFL (le championnat de football américain, ndlr). Les études de marché montrent que sur les deux milliards de fans de sport dans le monde, 1,6 milliard sont des fans de football et seulement 150 millions des fans de football américain", a ainsi expliqué Andrea Agnelli, président de la Juventus Turin, pour soutenir le projet.
La menace chinoise. Les clubs européens s'inquiètent du développement du foot chinois, capable de déverser des millions d'euros sur le marché des transferts. "Ma prédiction, c'est que sauf ralentissement considérable de l'économie chinoise, il y aura un développement substantiel qui va faire du championnat chinois le 6e ou 7e championnat au monde. On aura une concurrence entre la ligue américaine (la MLS), la ligue chinoise et les ligues européennes", analyse Jean-Pascal Gayant, économiste du sport interrogé par Europe 1.
Dans cette optique, une Superligue européenne pourrait efficacement contrer la menace chinoise. Mais le projet va se heurter à de nombreuses résistances. L'UEFA, organisatrice de la Ligue des champions, n'a pas abdiqué et pourrait réformer sa compétition reine pour accroître elle aussi ses revenus. Mais surtout, absorber les meilleures équipes d'Europe ôterait tout intérêt aux championnats nationaux, créant de facto un football à deux vitesses, divisé entre une poignée de riches écuries et les autres. Le fantasme d'une NBA du foot européen est encore loin d'être une réalité.