"Le Brésil accueillera la Copa América", a d'abord déclaré le président Jair Bolsonaro lors d'un événement au ministère de la Santé à Brasilia, assurant qu'au moins quatre des 27 Etats du pays étaient prêts à accueillir des rencontres. Son chef de cabinet Luiz Eduardo Ramos, qui avait semé le doute lundi affirmant que rien n'était encore décidé, a tweeté : "Confirmé : la Copa América aura lieu au Brésil". Il a ensuite précisé que les rencontres seront disputées dans les Etats de Rio de Janeiro, du Mato Grosso, de Goias et du District fédéral, celui de la capitale Brasilia.
Cette annonce ne va pas pour autant calmer les vives critiques qui se font entendre depuis l'annonce surprise lundi par la Conmebol, l'instance du football en Amérique du sud, de l'organisation de la compétition par le Brésil, le deuxième pays le plus endeuillé au monde par la pandémie de Covid-19, avec plus de 465.000 morts. La Colombie et l'Argentine avaient déjà jeté l'éponge de l'organisation de la coupe.
Une "folie"
"Au nom du football sud-américain, je tiens à remercier le président Jair Bolsonaro pour sa prise de décision efficace", a déclaré le président de la Conmebol Alejandro Domínguez sur Twitter. Dans son message, il a souligné que le tournoi se déroulera sans la présence du public et selon des "protocoles sanitaires" draconiens.
En revanche, au moins cinq gouverneurs avaient immédiatement refusé d'accueillir des matches pour raisons sanitaires. Celui de Sao Paulo, Joao Doria, farouche opposant du président Bolsonaro, avait déclaré lundi qu'il ne s'y opposerait pas avant de faire mardi marche arrière.
Depuis la Coupe du monde organisée en 2014, de nombreux stades flambant neuf appartiennent aujourd'hui à des clubs, des municipalités, ou à des Etats. "C'est une vraie folie d'organiser un tel événement ici", a affirmé l'épidémiologiste José David Urbaez, du Centre d'Infectiologie de Brasilia.
"Les pires phases (de la pandémie au Brésil) en 2020 étaient trois à quatre fois moins importantes que ce que nous voyons aujourd'hui. Nous avons cette fausse impression que les choses se sont améliorées. La réalité est que nous sommes toujours dans une phase terrible de propagation très rapide", a-t-il déclaré à l'AFP.
"Championnat de la mort"
Le Brésil a connu une deuxième vague particulièrement meurtrière, le nombre de décès passant de 200.000 à 400.000 de janvier à avril. Les restrictions ont commencé à être allégées le mois dernier quand le nombre de décès quotidiens s'est stabilisé en-dessous des 2.000. Mais selon les experts, l'augmentation des contaminations et des taux d'occupation des hôpitaux indique une troisième vague à venir lors des prochaines semaines, alimentée par la propagation de nouveaux variants. Donc en pleine Copa América...
Une Commission d'enquête parlementaire au Sénat se penche depuis un mois sur la gestion chaotique de la crise sanitaire par le gouvernement. Mardi, le rapporteur de cette commission, Renan Calheiros, a fait appel à la plus grande star du football brésilien, Neymar, pour lui demander de boycotter ce tournoi qu'il qualifie de "championnat de la mort". "Neymar, je veux m'adresser à toi. Ne sois pas d'accord avec la réalisation de cette Copa América au Brésil. Le tournoi que nous devons gagner, c'est celui de la vaccination", a-t-il lancé lors d'une audition de la commission d'enquête.
Les joueurs brésiliens, réunis au centre d'entraînement de Teresopolis, près de Rio pour préparer le match vendredi contre l'Equateur pour le compte des qualifications du Mondial-2022 ne se sont pas exprimés sur le sujet, les conférences de presse quotidiennes ont été annulées.
Protocole sanitaire et huis clos
Les Etats brésiliens qui avaient donné leur accord pour accueillir des rencontres ont réclamé un strict respect de protocoles sanitaires. Le gouvernement Bolsonaro avait lui déjà posé ses conditions à la Conmebol : un huis clos total, ainsi que des délégations restreintes et toutes vaccinées.
À ce jour, 21% des Brésiliens ont reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19 et 11% ont été totalement immunisés.
Au-delà des restrictions sanitaires, qui varient selon les Etats, les organisateurs devront prendre en compte l'embouteillage des matches dans de nombreuses villes : le championnat brésilien vient de reprendre et ne sera pas interrompu durant la Copa América.
Et un doute juridique subsiste encore. Plusieurs députés de gauche ont saisi la Cour suprême pour demander l'annulation de la compétition.