L'ancien attaquant vedette du PSG et du Milan AC a été largement élu à la tête de son pays, jeudi, dix ans après avoir raccroché les crampons. Un mélange des genres inédit.
"Vous savez que j'ai participé à des compétitions, dont certaines difficiles, et que j'en suis sorti victorieux…" Samedi, dans la dernière ligne droite de sa campagne, George Weah avait choisi de réunir ses partisans dans... un stade. Le plus grand de son pays, à Monrovia, la capitale. "Personne ne devrait avoir peur du changement", martelait l'ancien champion, dix ans après son dernier match en sélection nationale. "Regardez ma vie : je suis passé de footballeur à homme politique." Quelques jours plus tard, les urnes ont donné raison à "Mister Georges", jeudi. À 51 ans, l'ex-attaquant vedette des plus grands clubs européens (Paris, Milan, Marseille, Chelsea, etc.) commence sa deuxième vie, en tant que président du Liberia.
"Il savait tout faire". Sa première vie, la sportive, l'enfant des bidonvilles la doit à Arsène Wenger. En 1988, il a 22 ans lorsque le tacticien français le déniche au Tonnerre Yaoundé, au Cameroun, et l'embarque à Monaco. "Il m'a dit : 'j'ai confiance en toi, si tu travailles, tu seras un grand joueur, une référence mondiale'", racontera plus tard le Libérien à Sofoot. À l'époque, il joue comme ailier. "C'était mon poste au Tonnerre Yaoundé. Wenger m'a dit qu'avec ma capacité de pénétration et ma technique, j'avais tout pour devenir un grand avant-centre."
La prévision s'avère juste. Weah brille d'abord au pied du rocher monégasque, puis au PSG. "C'était l'attaquant moderne dans toute sa splendeur", se souvient l'ancien défenseur Alain Roche, qui fut son coéquipier, interrogé par Le Figaro. "David Ginola était un joueur magnifique, mais la panoplie de George était plus étoffée encore. Il était bon dans le domaine aérien, face au but, il allait vite, il dribblait, pouvait faire des passes décisives… Bref, il savait tout faire."
Premier africain Ballon d'Or. En trois ans, Weah contribue à étoffer le palmarès du club d'une Coupe de France (1993) et d'un titre de champion (1994). Surtout, il participe à la légende du PSG du début des années 1990 dans les tours de coupes d'Europe, offrant de rares émotions aux supporters du club de la capitale. Au Parc des Princes, "Mister George" laisse le souvenir de buts incroyables, comme ce slalom suivi d'un tir limpide contre le Bayern, à Munich (1-0), le 23 novembre 1994. Sorti du banc, il frappe alors un grand coup pour la première campagne parisienne dans la Ligue des champions nouvelle formule.
L'Europe restera la chasse gardée du buteur libérien, qui y inscrit 16 buts en 25 rencontres. Il porte pour chaque occasion ses "chaussures coupe d'Europe", de vieux crampons qui lui portent chance. En 1995, c'est la consécration : "Mister George" est le premier joueur africain à remporter le Ballon d'Or. La même année, il quitte Paris pour le Milan AC. Suivront Chelsea, Manchester City et Marseille.
"Très attaché à son pays". Devenu une vedette, l'attaquant n'oublie nullement son Liberia natal, déchiré par la guerre civile. "Il était très attaché à son pays, il en parlait tout le temps", raconte à Europe 1 Michel Denisot, ancien dirigeant du PSG. "Il était la star l'équipe nationale, il allait jouer là-bas (...) Il y allait tout le temps, il ne ratait jamais un match de la sélection. Il partait tout le temps avec un avion plein de matériel pour les jeunes." Pendant ses années parisiennes, Weah va jusqu'à payer l'eau, l'électricité et les salaires des fonctionnaires de l'ambassade libérienne à Paris, rapporte l'Équipe. "Il y passait ses coups de fil pour organiser des matches de l'équipe nationale sur le sol africain", se souvient un proche interrogé par le quotidien.
En 2003, la fin du conflit libérien, qui a fait 250.000 morts en 14 ans, coïncide avec la retraite en club de "Mister George". Le buteur, qui n'a cessé de répéter à ses anciens coéquipiers qu'il s'occuperait de son pays dès que possible, s'engage en politique. À la présidentielle de 2005, il arrive largement en tête au premier tour mais échoue au deuxième face à Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue chef d'État en Afrique. Elle est issue de la caste dominante, descendant d'anciens esclaves américains. Pas lui, membre de l'ethnie kru. L'ancien footballeur invoque des soupçons d'irrégularité, mais le scrutin est validé.
Un programme ambitieux. À nouveau battu pour la vice-présidence en 2011, "Mister George" fourbit ses armes. Aux Etats-Unis, où vit sa femme, il obtient un diplôme de gestion et de management. Ses efforts paient et sa deuxième vie prend forme : en 2014, il obtient son premier mandat en devenant sénateur, distançant très largement l'un des fils de la présidente. Dans la banlieue de Monrovia, où il a conservé ses attaches, l'ancienne vedette tape encore parfois le ballon avec des amis.
Très populaire auprès de la population libérienne, le nouveau président doit désormais appliquer un programme ambitieux, jugé "flou" par ses adversaires. Il prévoit notamment de créer un système de soins accessible à tous, garantir la gratuité des études jusqu'en terminale et baisser le prix du riz, composante principale du plat national. Son passage au sommet de l'État sera-t-il couronné d'autant de succès que sa carrière sportive ? En attendant de le savoir, ses supporters se sont fait partisans à l'annonce des résultats du scrutin, jeudi. Entre chants, danses et embrassades, le grand boulevard qui traverse Monrovia a vibré comme après une victoire en coupe du Monde.