"Certains membres du CIO (Comité international olympique) pourraient se dire : 'Attendez, peut-on aller dans un pays comme ça, où l'on entend des choses qui nous choquent ?'" Interrogé en août dernier sur l'impact que pourrait avoir l'élection de Donald Trump sur la candidature de sa ville aux Jeux olympiques 2024, le maire de Los Angeles, Eric Garcetti, n'avait pas caché son inquiétude. La victoire du candidat républicain désormais actée, la Cité des Anges va devoir faire avec.
"L'élection aura une conséquence sur l'image de la candidature, comme en aura une l'élection présidentielle en France l'année prochaine'", souligne au micro d'Europe 1 Armand de Rendinger, spécialiste de l'olympisme. "Les gens du CIO sont pragmatiques. Ça dépendra des mesures que prendra Donald Trump. Mais attention, pragmatiques ne veut pas dire cyniques. Si le nouveau président prend effectivement des mesures sexistes, anti-musulmans ou contre les minorités, quelles qu'elles soient, il est clair que ça aura un impact sur l'image des États-Unis, de la Californie et de la candidature de Los Angeles. Car Los Angeles reste aux États-Unis."
La susceptibilité des membres du CIO. Le vote pour la ville organisatrice des Jeux olympiques 2024 aura lieu le 13 septembre 2017, six mois après l'investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche. Et si le magnat de l'immobilier vient encore à déraper… "Cela aura un impact non négligeable, compte-tenu du nombre de musulmans qui sont attachés à leur religion au niveau du CIO, du nombre de membres du CIO qui considèrent qu'il faut prôner l'égalité hommes-femmes, et bien sûr des représentants des minorités qui se sentiraient ostracisées par les propos et peut-être par les mesures mises en œuvre par Donald Trump", ajoute Armand de Rendinger.
Pour autant, l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche ne signifie pas la fin des espoirs pour Los Angeles et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, parce que le CIO a déjà montré par le passé qu'il savait prendre du champ avec les contextes politiques jugés difficiles. Les Jeux de 2008 n'ont-ils pas été accordés à Pékin, malgré les critiques des associations de défense des Droits de l'homme ? Et les Jeux olympiques d'hiver 2014 ne se sont-ils pas tenus à Sotchi, ville symbole du pouvoir russe et de Vladimir Poutine ? La deuxième raison est que "les membres du CIO savent comment fonctionnent les États-Unis et savent que la Californie n'est pas les États-Unis." Et qu'elle n'a pas voté pour Trump mais pour Hillary Clinton, et à une très large majorité (61,5% contre 33,3%).
#LA2024 statement on the US Presidential Election pic.twitter.com/PbZyRK2Rx6
— LA 2024 (@LA2024) November 9, 2016
"LA 2024 dépasse les questions politiques". Si le maire de Los Angeles, démocrate (cela pourrait d'ailleurs expliquer sa réflexion un brin alarmiste du mois d'août), n'a pas encore officiellement réagi, le comité de candidature, lui, n'a pas tardé à dégainer un communiqué. Qui s'est voulu rassurant. "Nous croyons fermement que les JO et LA 2024 dépassent les questions politiques et peuvent aider à unifier les différentes communautés et notre monde", ont souligné les dirigeants de LA 2024, dont le président, Casey Wasserman, est un proche de la famille Clinton. "LA 2024 a reçu le soutien de 88% de l'opinion publique et des autorités locales, régionales et nationales, que ce soit du côté démocrate comme républicain, nous nous réjouissons de travailler en lien étroit avec le futur président et son administration", conclut le texte, qui insiste sur le côté populaire (et non populiste) de la candidature.
Donald Trump carries the Olympic Flame during Day 15 of the ATHENS 2004 Olympic Torch Relay on Jun 19, 2004 in NYC pic.twitter.com/hxDvkFGA98
— Classic Donald (@trumpdrinks) July 31, 2016
Avec la flamme dans les mains en 2004. Dans le ton de la période post-élection, ce communiqué volontariste se signale également avec une référence au "soutien de longue date au mouvement olympique américain" de Donald Trump. Difficile de le percevoir, pourtant, dans l'histoire personnelle de l'homme d'affaires américain. Ah si, en 2004, avant les JO d'Athènes, il avait couru devant la Trump Tower avec la flamme. Mais ce dont les observateurs se souviennent surtout, c'est que lors des derniers Jeux de Rio, le candidat républicain investi, au contraire de sa rivale démocrate, n'avait fait aucune remarque sur les succès des sportifs américains, qui avaient terminé en tête du classement des médailles, avec 121 breloques en tout, devant la Grande-Bretagne (67). Les analystes américains ont leur explication : relever les succès américains allait contre sa description d'une Amérique en voie de décripitude. C'était à lui de la rendre "grande" à nouveau. Le choix de Los Angeles pour organiser les JO 2024 ne serait donc pas pour lui déplaire…